31/05 Jean-Yves Le Drian est ministre de la Défense. - Les Echos
Les drones défraient la chronique depuis plusieurs années. Malgré des préconisations répétées depuis 1999, leur poids dans les investissements du ministère de la Défense est resté limité. Aujourd’hui, les décisions prises par le président Hollande à l’occasion de la publication du Livre blanc permettent de préciser notre stratégie : sortir d’une impasse opérationnelle et industrielle pour enfin doter la France de drones, pièces maîtresses du renseignement et de la guerre de demain.
Depuis un an, sur tous les théâtres d’opération majeurs, les situations concrètes ont confirmé le sentiment que nous avions : la France doit disposer de drones de surveillance pour conduire ses opérations, protéger ses militaires, les aider à contrôler de vastes espaces et parer d’éventuelles attaques ennemies.
Le désengagement d’Afghanistan, que j’ai conduit à la demande du président de la République, a largement reposé sur des drones dits « tactiques ». Mis en œuvre par l’armée de terre l’an dernier, ils ont permis de sécuriser les convois tout au long de leur déplacement vers Kaboul. Mais ces équipements, provisoires et insuffisants, doivent être remplacés par des systèmes plus modernes.
Même constat au Mali. Ce territoire, grand comme 2,5 fois la France, rend indispensable le déploiement de drones de moyenne altitude longue endurance (Male) qui, avec la discrétion qui s’impose, sont en mesure de parcourir de longues distances et d’observer de larges espaces pendant plus de vingt heures.
Or, nous constatons que l’ensemble de la communauté de défense, le ministère autant que l’industrie, a manqué le virage de ce type d’équipement. Et ce qui est vrai en France l’est aussi en Europe. Aujourd’hui, la France continue à utiliser deux systèmes que l’on disait intérimaires au moment de leur lancement, en 2003. Le provisoire est devenu permanent. Dix ans ont passé ; nous n’avons pas progressé. Nous en sommes à espérer que nos deux systèmes encore opérationnels ne subissent pas d’incident majeur et à compter sur la solidarité de nos alliés dans un domaine majeur pour notre souveraineté, celui du renseignement, sans lequel il n’est pas d’action libre ni sûre.
Le temps presse. Notre besoin en drones nous impose d’être pragmatiques, et c’est bien ma démarche. Ministre de la Défense, c’est ma responsabilité et j’entends l’assumer.
Dès le mois de juillet 2012, j’ai signé avec mon homologue britannique, Philip Hammond, un partenariat autour du drone Watchkeeper de Thales.
Pour les mêmes raisons, la situation immédiate au Sahel me conduit à lancer l’acquisition d’un équipement existant, parce que nous ne pouvons plus attendre. Devant nous, deux possibilités : le Héron-TP réalisé en Israël et le Reaper produit aux Etats-Unis. A très court terme, la piste américaine est la plus prometteuse, avec la perspective d’une première livraison de deux drones d’ici à la fin de cette année. Comment, après tant de tergiversations, ne pas saisir l’occasion qui se présente la première ?
Pour autant, l’urgence ne doit pas faire obstacle à l’avenir. C’est pourquoi j’ai proposé à nos partenaires européens, toujours dans le domaine des drones Male, de nous regrouper, pour partager nos expériences et nos capacités, et impliquer nos industries dans la mise au point de ces équipements pour nos propres besoins. Cette ambition est d’ores et déjà en chantier.
Enfin il y a le plus long terme, avec le champ des drones de combat qui, à l’horizon 2030, viendront compléter, voire remplacer nos flottes d’avions de chasse. Ce rendez-vous, nous ne le manquerons pas. L’industrie française et européenne est à la pointe de cette technologie, comme l’a démontré le premier vol du drone Neuron au début de cette année. Elle doit le demeurer et nous lui consacrerons à cette fin les moyens nécessaires.
Il y a un an, les drones étaient pour nos armées une question sans réponse. Aujourd’hui, nous avons une stratégie d’ensemble, une première réponse forte, et j’entends m’y tenir.
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