Deux accords industriels franco-allemands annoncés en quinze jours. Voilà de quoi relativiser l'échec d'un rapprochement entre Alstom et Siemens dans l'énergie. Mardi 1er juillet, le français Nexter et l'allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW) ont annoncé leur rapprochement dans les blindés et les munitions, afin de donner naissance au numéro un européen de l'armement terrestre, devant le britannique BAE Systems (sans ses filiales américaines). Cette annonce intervient après l'accord franco-allemand dans les lanceurs spatiaux.
Les fiançailles ont été signées au ministère de la Défense à Paris, entre Philippe Burtin, PDG de Nexter, et Franc Aun, son homologue de KMW, ainsi que les représentants de l'Agence des participations de l'état, détentrice de 100 % de Nexter, et de la famille Bode-Wegmann, actionnaire à 100 % du fabricant du char Leopard.
Les deux groupes entrent en négociations exclusives afin de créer une coentreprise, détenue à 50-50, à laquelle KMW apportera tous ses actifs et Giat, la holding de contrôle française, 100 % de Nexter. Neuf mois devraient être nécessaires pour franchir cette étape. «Les deux parties s'assurent que le 50-50 préserve leurs intérêts», dit-on à l'Hôtel de Brienne. Une soulte est prévue si un déséquilibre apparaît dans un sens ou dans l'autre. Les deux entreprises ont lancé hier le processus d'information de leurs 5.800 salariés. Avec un message rassurant: l'emploi sera préservé. Du moins à court et moyen terme.
Le processus de fusion prendra des années
A l'instar des trois sociétés qui forment le missilier européen MBDA, Nexter et KMW continueront à gérer leurs programmes en parallèle dans leurs usines respectives. Le processus de fusion au sein d'un groupe intégré, assorti de spécialisation des sites et de définition de programmes communs, prendra des années. Des économies immédiates seront toutefois réalisées dans les achats, le partage des frais de R & D ainsi que sur le front commercial, en particulier à l'export. «Nexter bénéficiera du réseau commercial de KMW plus performant que le sien», souligne le ministère de la défense. La future société qui aura son siège aux Pays Bas, sera codirigé par les deux PDG actuels.
Préparée depuis un an, l'opération baptisée «KANT» pour «Krauss And Nexter Together» n'a rien d'improvisé. «Jean-Yves Le Drian qui a la volonté de renforcer l'industrie de défense européenne, a remis le sujet sur la table. C'est un rapprochement historique dont on parle depuis très longtemps» souligne-t-on dans l'entourage du ministre de la Défense. La baisse des budgets militaires européens, la recrudescence de la concurrence asiatique notamment, à l'export et la trop petite taille des acteurs en Europe ont fait sauter les derniers verrous. «La viabilité de Nexter n'était plus, assuré», affirme-t-on. Plusieurs scénarios ont été étudiés notamment le découpage de la société avec l'apport de l'activité munitions au groupe Thales et des blindés à Renault Trucks Defense (RTD). «Un adossement à KMW a été privilégié. C'est un mariage entre deux groupes sain et de taille quasi équivalente», dit-on à l'hôtel de Brienne. A 4 milliards d'euros, le carnet de commandes de KMW pèse deux fois plus lourd que celui de Nexter, même en y ajoutant sa part (500 millions) dans Scorpion, le plan de modernisation de l'armée de terre, qui représente 1 milliard sur la période 2014-2019.
Plusieurs obstacles à franchir
Pour aboutir, l'opération devra franchir plusieurs obstacles. Le gouvernement doit faire voter la privatisation de Nexter par le Parlement, puisque la participation de l'Etat tombe de 100 à 50 %. «L'État conservera ces 50 %, il détiendra une action spécifique, afin de protéger ses technologies et il aura des droits de représentation au conseil et de veto notamment sur des cessions d'actifs», précise-t-on. Les députés devraient se prononcer d'ici la fin 2014 ou début 2015. Paris et Berlin devront se mettre d'accord sur une licence d'exportation de matériels militaires franco-allemands. L'opération devra enfin être approuvée à Bruxelles.