Réduction des effectifs
La réduction des effectifs des armées de 54 000 militaires, auxquels se rajoutées 24 000 nouvelles suppressions me fait penser à une citation de Victor Hugo : "De bien maigres économies pour de bien grands dégâts". Cette réduction a engendré des mesures de rationalisation du soutien, comme les bases de défense, ou la gestion centralisée des parcs de véhicules, et qui ont rigidifié l'organisation et l'ont rendu vulnérable à toute surprise. Le désastre du logiciel informatique Louvois aurait pu être évité, ou tout du moins ses conséquences réduites sans cela.
De plus, la logistique de l'opération au Mali Serval a également subi des désordre à cause du manque d'effectifs.
Le Gel du budget
Pour le moment il ne s'agit que d'un gel, mais il faudrait probablement s'attendre à une biasse de ce budget dès 2015. Encore une fois, le budget actuel n'est pas suffisant pour maintenir les choses simplement en état, alors s'agissant de la modernisation, ou tout simplement de rester dans la course aux technologies militaires… Toute baisse entraînera une chute plus que proportionnelle des capacités, et in fine des potentiels de succès lors d'opérations militaires.
Gestion centralisée des matériels
La centralisation du stockage du matériel, regroupé pour rationaliser sa gestion entraîne d'ores et déjà des coûts humains invisibles comme la démotivation, la difficulté à s'entraîner aux exercices de simulation (puisque les véhicules majeurs ne sont pas en nombre suffisant dans les régiments). Il n'y a plus l'attachement entre les hommes et "leur" véhicule. La plupart des engins sont prêtés le temps de l'opération. La moindre connaissance, le moindre attachement induisent des coûts de maintenance (problème d'entretien, pannes, accidents). Cela a un effet considérable sur le moral des troupes.
Projets mis en liste d'attente
Le gouvernement a choisi d'étaler les programmes d'achats de nos armées voire de les retarder fortement. Si la réduction des dépenses est visible à court terme, elle ne l'est pas pour plus tard. Effectivement, le coût unitaire augmente souvent et à long terme les gains sont toujours inférieurs à ce qui était prévu. Certains programmes (VBCI, FREMM) coûteront finalement plus cher que prévu initialement pour cette raison.
De plus, les retards imposent d'utiliser plus longtemps que prévu des matériels anciens et leur coût de maintenance explose (ainsi que celui des nouveaux équipements d'ailleurs car de haute technologie). Il s'agit pour le coup d'une très mauvaise opération financière.
Egalement, on voit la fin des investissements de recherche sur des matériels de pointe, notamment les drones et les hélicoptères lourds, et cela contribue à la vulnérabilité générale en opérations extérieures. Le pire, c'est que nous sommes ensuite obligés d'acheter en urgence des matériels américains ou de faire appel aux Alliés.
Ralentissement des promotions
La centralisation de la gestion des personnels et de l'avancement qui a pour but de réduire les coûts est principalement l'œuvre de la pression exercée par Bercy. Tout cela est vécu comme une attitude humiliante supplémentaire pour les militaires qui ont le sentiment d'être pris pour des "cons".
* Michel Goya est colonel dans l'Armée de Terre. Il enseigne l'histoire militaire de la guerre à Sciences Po Paris. Il est depuis 2009 membre du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique (CSFRS).