Des goumiers d’un des goums du 2e GTM (groupe de tabors marocains) détruisent un obstacle antichar allemand sur une route menant au col de Teghime ou vers Patrimonio. – photo ECPAD
03/10/2013 International
Discours de M. Kader ARIF, Ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants (Col de Teghime, 3 octobre 2013)
Monsieur le Consul,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Monsieur le Président du Conseil exécutif,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président de la Koumia,
Mesdames et Messieurs les Anciens combattants,
Mesdames, Messieurs
Ici à Teghime est gravé dans la pierre et la terre le souvenir du sacrifice des Marocains pour la Corse et pour la France, le souvenir de cette histoire commune, ciment de l’amitié franco-marocaine.
Je vous remercie, Monsieur le Contrôleur Général des Armées, d’avoir rappelé ces faits d’armes dont le souvenir nous réunit aujourd’hui et de nous accueillir pour cette cérémonie d'hommage aux goumiers marocains, ici à Teghime.
Teghime, je le disais, est l'un de ces lieux qui portent la mémoire de l’engagement des troupes marocaines dans la Libération de la France.
Dès le 11 septembre 1943, soit deux jours après le début de l'insurrection corse, un corps de débarquement est constitué en Afrique du Nord, qui rassemble plus de 6 500 hommes. Il s’agit de détachements de la 4e division marocaine de montagne, comprenant notamment le 4e régiment de spahis marocains et le 1er régiment de tirailleurs marocains.
Équipés à la hâte de tenues américaines, ces hommes, qui avaient déjà fait la démonstration de leur courage dans la campagne de Tunisie, s'apprêtent à embarquer pour la Corse. Le 2e groupement de tabors marocains et le 1er Bataillon de choc participent également à l’opération.
A la fin du mois de septembre, les troupes marocaines déclenchent « l’attaque des cols ». Les tirailleurs marocains se lancent à la conquête du col de San Stefano.
Très vite, et à l’issue de combats acharnés, les Marocains prennent les cols de San Leonardo et de San Stefano. Plusieurs distinctions ont été attribuées au 1errégiment de tirailleurs marocains pour cette action, mais parmi elle, une, plus que les autres retient mon attention : « Magnifique unité qui, au cours d’une audacieuse opération de nuit, a enlevé le 30 septembre 1943, la position du col de San Stefano, solidement tenue et organisée. A, par son action digne des plus hauts faits d’armes des Troupes marocains, ouvert la route à notre progression ».
Loin de leurs terres et épuisés par deux semaines d’âpres combats dans les maquis corses, dont ils ignoraient tout quelques jours auparavant, les soldats marocains maintiennent sans relâche la pression sur les troupes ennemies. La faim, la fatigue, la souffrance physique sont leur quotidien. Ils puisent alors dans la fidélité de leur pays à la France et la volonté d’élever la liberté au-dessus de la barbarie, la force de poursuivre.
Ils voient tomber leurs camarades au champ d’honneur français.
Ils voient leurs frères d’armes corses mourir sur leurs propres terres.
C’est l’arrivée du 2e groupement de tabors marocains qui permet de repousser définitivement l’ennemi. Au soir du 2 octobre, le col de Teghime est franchi telle une frontière conduisant vers le pays de la liberté.
Le 4 octobre, les goumiers entrent dans la ville de Bastia, tandis que des commandos du bataillon de choc français, leurs compagnons d’armes avec qui ils venaient de tant partager, hissent le drapeau tricolore sur la mairie.
Sur le plan militaire, leur action a été déterminante dans la libération du premier département français, acquise après seulement trois semaines de combats.
Je rends aujourd’hui un hommage appuyé aux troupes marocaines engagées en Corse en septembre et octobre 1943, et je souhaite rappeler le sacrifice de ces hommes, pour la France : sur un total de 75 tués et 250 blessés dans l’armée française, les pertes marocaines en constituent plus des deux tiers, avec notamment 41 goumiers « morts au Champ d’Honneur ».
Les Marocains ont fait le sacrifice de leur vie pour la France, prêts à donner leur sang et leur jeunesse pour un pays dont ils partageaient les valeurs.
La France n’oublie pas les 170 tués et 300 blessés parmi les résistants corses qui reposent aujourd’hui aux côtés de leurs frères d’armes marocains, dans les cimetières, mais aussi dans nos mémoires.
Ce monument, ici, à Teghime est là pour le rappeler à quiconque, civil ou militaire, jeune ou moins jeune, résidant corse ou touriste, qui emprunte ce chemin de mémoire.
Leur engagement dans les combats de la Libération de la Corse est le signe d’une fidélité, d’un dévouement et d’une loyauté qui les avaient conduits déjà à participer à la campagne de Tunisie, qui les poussèrent ensuite à poursuivre le combat de la liberté lors de la campagne d’Italie.
Et permettez-moi à cet instant de rappeler ces quelques mots prononcés par le roi Mohammed V, le 3 septembre 1939 : « A partir de ce jour et jusqu'à ce que l'étendard de la France et de ses Alliés soient couronnés de gloire, nous lui devons un concours sans réserve, ne lui marchandez aucune de nos ressources et ne reculez devant aucun sacrifice ».
Sachez que cette figure marque aujourd’hui nos esprits, nos mémoires et nos cœurs car elle est le reflet du souvenir de l’engagement marocain à nos côtés durant toute la Seconde Guerre mondiale et le reflet du combat commun mené contre le nazisme à travers toute l’Europe.
Les Marocains engagés sur le théâtre corse, dont sept sont parmi nous aujourd’hui, ont fait preuve d’un courage, d’un esprit de sacrifice et d’une ténacité admirables.
Et je dois dire que c’est une émotion toute particulière pour moi que de pouvoir vous rendre hommage avant que le Président de la République ne vous remette la Légion d’honneur demain, aux côtés des combattants corses, unis par le souvenir de votre fraternité d’armes.
A travers cette décoration, c’est aussi un hommage rendu à tous les soldats d’Afrique du Nord et des anciennes colonies venus sauver l’honneur de la France. Et vous savez combien je tiens à ce que la contribution de ces hommes et de ces femmes soit rappelée, chaque fois que possible, tout au long des deux cycles commémoratifs du Centenaire de la Grande Guerre et du 70e anniversaire des libérations du territoire.
Mesdames et Messieurs, l’histoire que nous commémorons aujourd’hui est celle du triomphe des valeurs de justice, de liberté et de solidarité, acquises au prix du sang et des larmes. Elle est le signe d’une France riche de sa diversité et riche de son histoire. Elle est le signe d’une fraternité d’armes qui éclaira l’horizon sombre d’un espoir de paix. Elle est le signe enfin d’une France rassemblée autour d’une mémoire apaisée et partagée.
Ce message de rassemblement, de fraternité et de tolérance, rappelé aujourd’hui à travers les récits de nos Anciens, français et marocains, civils et combattants de la liberté, est celui que j’adresse à la jeunesse de France et d’ailleurs. Car préserver cette mémoire commune est la seule garantie d’une paix durable et solide au sein de la société mais aussi entre les Nations.
Et je fais ici le vœu que les relations de la France avec ses partenaires étrangers soient à l’image de l’incroyable amitié qui unit la France au Maroc, une amitié dont l’histoire commune commémorée aujourd’hui est le ciment. Nous confions le souvenir de cette histoire et la mémoire partagée à nos enfants français de Corse, français d’ailleurs, et marocains, pour qu’ils la maintiennent en vie, qu’ils la nourrissent et qu’ils l’élèvent en modèle au-delà des frontières.
Je vous remercie.
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