19 Aout 2013 Benjamin Quénelle ,Correspondant à Moscou - Les Echos n° 21502 page 13
Malgré 5 % du capital, Moscou n'a eu aucune influence. La coopération industrielle est restée en plan.
Six ans après avoir acquis 5 % d'EADS, Moscou a commencé à se désengager du groupe aéronautique européen, pour des raisons politiques et économiques. La banque VEB, bras financier de l'Etat russe, a entamé la vente par étapes de cette participation, indique aujourd'hui le quotidien russe « Vedomosti ». L'argent récolté ira dans les caisses de Soukhoï, dont l'avion régional SuperJet 100, entré en service en 2011 et symbole du renouveau de l'aéronautique russe, a du mal à décoller.
« Lors de l'achat en 2007, les Russes espéraient que cette participation leur ouvre les portes de la gouvernance. Ils se sont résignés », confie à Moscou une source proche d'EADS, en passe de se rebaptiser Airbus Group. Par ailleurs, cette participation financière n'a pas débouché sur de réelles dynamiques industrielles. Dans un A320 sur trois, il y a certes des composants russes. Mais des projets de coopération plus vastes, comme pour l'A350, n'ont pas abouti.
Toujours selon « Vedomosti », la banque VEB aurait cédé 2,14 % d'EADS le 25 juillet dernier. Le solde a peut-être déjà été écoulé. Payée 995 millions d'euros, selon l'AFP, cette participation était valorisée le double au cours de clôture de jeudi soir.
Soukhoï à la peine
A défaut d'avoir pu initier une coopération bilatérale structurante, Moscou aura au moins fait une bonne affaire financièrement. De quoi financer Soukhoï, le constructeur de l'avion régional SuperJet, qui traverse de nouvelles zones de turbulences financières. L'entreprise, au bord du défaut de paiement, selon la presse économique moscovite, négocierait avec ses créanciers une restructuration de sa dette. Elle est aussi en quête d'un nouveau soutien public pour son avion moyen-courrier de 75 ou 100 passagers, projet-phare de la politique industrielle du Kremlin.
Ce nouvel avion, qui devait relancer l'industrie civile russe, est toujours à la peine. Il est produit par Soukhoï en partenariat avec l'italien Alenia Aeronautica (à hauteur de 25 %), avec la coopération technique d'une trentaine d'entreprises occidentales (les français Thales pour l'électronique et Snecma pour le moteur, l'allemand Liebherr pour le système de contrôle à bord, Boeing pour le consulting...). L'Agence européenne de sécurité aérienne l'a certifié, ouvrant la voie à sa commercialisation en Europe. Mais le crash lors d'un vol de démonstration en Indonésie, les problèmes techniques et les annulation d'achat ont depuis terni son lancement.
Soukhoï, qui vient de livrer des exemplaires à la compagnie mexicaine Interjet, prévoit de produire 26 Superjet cette année contre 12 l'an dernier. Mais cette production à grande échelle nécessite de nouveaux fonds pour que l'avionneur renforce son capital, et facilite le financement des ventes d'appareils.