Un ouvrage intéressant à plus d’un titre ! D’une part parce que le général Fleury, qui n’en est plus à son premier livre (une dizaine en dix ans…), n’a plus rien à prouver : ses propos sont donc chaque fois plus incisifs, même s’il doit parfois égratigner les plus hautes autorités de l’Etat ! D’autre part, parce que l’auteur, alors qu’il était à la tête de l’Etat major militaire français, et conseiller militaire de François Mitterrand, connait bien cette région d’Afrique pour avoir notamment servi d’intermédiaire avec différents présidents africains, en particulier au Tchad voisin. Enfin, parce que le pilote de chasse que fut Jean Fleury se souvient de ses propres missions, et qu’il raconte ici comme seul un pilote peut le faire, le rôle primordial que joue l’Aviation dans ce type de conflits.
Son livre commence d’ailleurs par une anecdote peu connue, sauf parmi les aviateurs français : nous sommes en 1997, sur les pistes de l’aéroport de Dakar et quatre Jaguar français, moteurs en marche, demandent l’autorisation de décoller. « Dakar airport, ici Vecteur Charlie, roulage ! Mais le contrôleur ne l’entend pas de cette oreille. Vecteur Charlie, négatif, je n’ai pas de plan de vol pour vous ! Surpris, le pilote français réagit : mais Dakar airport, ce sont des Jaguar ! Et la tour de répondre : alors, si ce sont les Jaguar, vous êtes autorisés à rouler pour la piste 28, vent du 180 pour 8 nœuds… ! » (page 15) Voilà qui met le lecteur dans le bain de la longue et tumultueuse amitié franco-africaine. La Françafrique disent certains.
Beaucoup plus que cela en réalité. Car cette région subsaharienne d’Afrique de l’ouest, où alternent coups d’Etat et élections, est aujourd’hui gangrenée par les combattants islamistes les plus agressifs qui, après avoir quittés la Libye au lendemain de la fin du règne Kadhafi le 20 octobre 2011, ont formé les réseaux tristement célèbres d’AQMI (Al-Qaida-Maghreb islamique). Face à la montée en puissance d’AQMI, et aux attentats et autres enlèvements perpétués au Mali, la France décide d’une action militaire d’envergure. Si le général Fleury prend les précautions d’expliquer méthodiquement – et historiquement – les raisons qui ont poussé la France à agir, c’est parce que, selon lui, tout n’a pas été bien dit, notamment par les média.
Mais l’essentiel du livre réside dans un descriptif minutieux des flottes engagées par la France : les chasseurs Mirage 2000 et F1, les observateurs avec notamment les fameux Breguet Atlantic de l’Aéronautique navale, les ravitailleurs si rares que sont les C-135, les transporteurs Transall C-160 et Hercules C-130 et bien sûr les hélicoptères dont les Puma, Apache et autres Gazelle… Sur 33 hélicoptères employés, deux furent d’ailleurs abattus et 30 touchés dont la moitié gravement… Et un pilote fut tué. « Le président de la République est conscient du risque encouru par les équipages. Il n’est jamais facile d’envoyer des hommes à la mort. Mais il le faut ! » (Page 132).