15/11 Alain Ruello, Les Echos
Le report en 2014 de 500 millions de crédits sous forme de recettes exceptionnelles ne rassure pas.
Déjà très dubitatifs sur la bonne exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019, les industriels de l'armement n'ont pas trouvé de quoi se rassurer avec les derniers arbitrages budgétaires du gouvernement. A l'issue d'un bras de fer avec Bercy tranché par François Hollande, la Défense a obtenu de pouvoir compenser, l'année prochaine, une grande partie des crédits d'équipements annulés cette année. Précisément, sur les 650 millions perdus, 500 pourront être récupérés.
En apparence, le compromis est acceptable. Seul problème, ces 500 millions sont censés provenir de ressources exceptionnelles, les fameuses Rex, c'est-à-dire de ventes de bijoux de famille, par nature incertaines. Or, le budget 2014 a déjà prévu pour 1,7 milliard de Rex ce qui porte le total à trouver l'année prochaine à 2,2 milliards !
Pour Christian Mons, le président du Conseil des industries de défense françaises (Cidef), la question est toujours la même : cet argent sera-t-il au rendez-vous ? « La LPM repose sur quatre paris : recettes exceptionnelles, exportation du Rafale, opérations extérieures et inflation », rappelle-t-il. En rajoutant 500 millions de Rex supplémentaires, on ne fait qu'augmenter le pari. Un responsable de grand groupe déplore la situation : « Il aurait mieux fallu annuler 500 millions il y a six mois. Cela aurait été un bain de sang, mais au moins on se serait préparé. Là, on risque d'avoir le bain de sang, mais en catimini. » La LPM est mort-née, estime-t-il.
Clause de sauvegarde
Une clause de sauvegarde a bien été incluse dans la LPM qui prévoit que des crédits budgétaires prendront le relais des Rex si celles-ci manquent à l'appel. Mais là encore, où trouver ces crédits ? Et puis, le scénario de 2013 risque fort de se rejouer en 2014 : le coût des Opex (opérations extérieures comme le Mali) peut très bien dépasser les 450 millions prévus, et le gouvernement devra forcément faire face à des dépenses inattendues. Il faudra alors trouver autant d'économies ailleurs. Nul doute que les militaires seront en première ligne...
On n'en est pas encore là. Misant sur ces 500 millions, la Défense peut espérer contenir son report de charges - c'est-à-dire le trou de trésorerie pour régler les factures d'équipements - à hauteur de 2 milliards (3 milliards pour l'ensemble du ministère). Un seuil très élevé, mais gérable. Au-delà, ce serait la spirale infernale : sauf à ne plus rien dépenser, la dette de la grande muette vis-à-vis de ses fournisseurs irait en s'emballant.
A ce stade, aucun programme d'armement en cours n'est donc remis en cause, et la DGA n'a pas décalé ceux qu'elles a prévu de lancer l'année prochaine - drones, avions ravitailleurs ou encore satellites de renseignement.