08 mai 2014 Par Olivier James - Usinenouvelle.com
Les industriels de l’aéronautique ne constatent pas d’impact du conflit entre la Russie et l'Ukraine sur leurs activités. Reste que l’approvisionnement en titane en provenance d’Ukraine, ultra majoriatire, pourrait devenir plus incertain.
C’est Marwan Lahoud qui a le premier pointé du doigt le risque. Le président du Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) a profité, fin avril, de la publication des résultats records de la filière en 2013 pour avertir d’une potentielle menace. Si les activités des industriels ne sont pas directement impactées par le conflit entre la Russie et l’Ukraine, "l’approvisionnement en titane est lui problématique", lâchait Marwan Lahoud. Et de préciser que le principal exportateur de ce métal n’est autre que la Russie, à 50%.
Or ce métal russe, abondamment utilisé dans l’aéronautique pour sa légèreté et sa résistance, provient à 80%... d’Ukraine. Un chiffre avancé par la société de conseil en stratégie CEIS dans une note publiée le 5 mai. "C’est la société russe VSMPO qui exporte le titane qui est notamment utilisé par les industriels de l’aéronautique, précise Matthieu Anquez, responsable géopolitique des matériaux à CEIS. Or elle tire majoritairement le minerai de titane de deux sites situés en Ukraine".
Le titane comme moyen de pression ?
Ces deux sites de VSMPO se trouvent à Irshansky (Nord-Ouest de l’Ukraine) et à Volnogorsky (Centre-Est de l’Ukraine). "Si le gisement d’Irshansky est situé dans la partie pro-gouvernementale de l’Ukraine, il n’en va pas de même pour celui de Volnogorky, localisé dans la zone de fracture entre pro-gouvernementaux et pro-russes", précise l’expert. Ces sites produisent du rutile et de l’ilménite, les deux minerais de base qui permettent, après de nombreuses étapes, d’obtenir des éponges de titane ensuite transformées en lingots ou intégrées dans des alliages de titane.
S’il perdurait, le conflit entre la Russie et l’Ukraine pourrait-il menacer l’approvisionnement en titane ? Le risque pourrait-il provenir de mesures de rétorsion de la Russie ou d’une chute de la production des sites ukrainiens ? "Il peut y avoir un risque ponctuel de la part de Moscou, répond Matthieu Anquez. Je ne vois pas pourquoi, alors que la Russie a déjà utilisé l’arrêt de l’approvisionnement d’autres ressources comme moyen de pression, elle ne pourrait pas de nouveau employer cette méthode".
Par ailleurs , le PDG de VSMPO, n’est autre que Sergei Chemezov, également directeur général de la société industrielle public Rostec, allié fidèle de Vladimir Poutine et ex-membre du KGB. Sergei Chemezov est sur la liste des personnalités visées par les sanctions américaines de gel de leurs avoirs. Il n’est pas toutefois sur la liste des personnalités visées par l’Union européenne.
Trouver de nouvelles sources d’approvisionnement
Le péril reste mesuré. A l’inverse des terres rares, autres métaux critiques au cœur d’enjeu géopolitiques essentiellement exploitées par la Chine, le titane est produit par de nombreux pays à travers le monde. Les principaux producteurs sont l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, la Chine, l’Inde ou bien encore le Vietnam. Les risques actuels d’approvisionnement doivent donc pousser les industriels à diversifier leurs sources.
En France, le français Eramet et l’américain Timet fournissent du titane au secteur aéronautique. "Mais trouver de nouvelles sources demande du temps dans ce secteur où la qualification des fournisseurs est un processus long et coûteux", explique Matthieu Anquez. Si le risque est réel, il ne met pas a priori la filière en danger, mais pourrait constituer à moyen terme une complication industrielle.
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