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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 16:50
Régime sec pour l'armement terrestre

 

12 juin 2014 Hassan Meddah - L'Usine Nouvelle n° 3381

 

Le salon Eurosatory, spécialisé sur la Défense terrestre, se déroule du 16 au 20 juin à Paris-Nord Villepinte dans un climat de rigueur budgétaire. Les crédits de la Défense française ont été maintenus de haute lutte par les industriels et les militaires, mais ils ne suffiront pas. Les grands groupes (Nexter, Renault Truck Defense, Airbus group…) et les centaines de sous-traitants et PME doivent de plus en plus aller gagner des marchés à l’export, là où les budgets consacrés à la Défense augmentent pour pouvoir garantir la charge des sites français.

 

Les grands acteurs de l’armement terrestre joueront gros lors du salon Eurosatory, à Villepinte (Seine-Saint-Denis) du 16 au 20 juin. Il leur faudra impérativement séduire les délégations étrangères pour compenser la chute des commandes de l’armée française. "Ailleurs qu’en Europe, certaines régions du monde comme l’Asie et l’Amérique du Sud continuent d’augmenter leurs dépenses militaires et de sécurité. Il y a des opportunités", souligne Christian Mons, le président du Groupement des industries françaises de défense terrestre et aéroterrestre (Gicat).

Une fenêtre de tir à ne pas manquer pour les poids lourds du secteur. Nexter disposera du plus grand stand du salon. Il y présentera son nouveau véhicule Titus, conçu pour l’exportation. De son côté, son rival Renault Trucks Défense (RTD) se prépare à recevoir des dizaines de délégations d’états-majors étrangers. Derrière ces deux puissants acteurs, c’est toute l’industrie française de l’armement terrestre qui se mettra en ordre de bataille, avec des PME spécialisées dans le blindage, les systèmes de ravitaillement mobiles, les rotules de suspension anti-explosifs…

 

L’industrie de défense terrestre
  • 20 700 emplois dont 15 000 dans des PME
  • 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires
  • 40% des ventes réalisées à l’exportation
 

Une filière industrielle peu connue du grand public, mais qui emploie pas moins de 20 700 salariés pour un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros. Une filière qui a senti le vent du boulet. Le ministère des Finances avait imaginé récupérer quelques-uns des 190 milliards d’euros prévus par la loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2014-2019. Suffisant pour que les patrons des groupes de défense (Airbus, Dassault Aviation, DCNS, MBDA, Nexter, Safran, Thales) montent au créneau, en même temps que les quatre chefs d’état-major des armées. "Chaque milliard d’euros de perdu dans la LPM, c’est à 12 000 à 18 000 emplois menacés. Quand les marchés diminuent, notre responsabilité d’industriel est d’adapter notre outil de production, nos effectifs, nos investissements", explique un industriel. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a su habilement relayer cette mobilisation auprès de Manuel Valls. Avec de nouvelles coupes budgétaires, "(…) l’armée de terre serait sous-équipée et rapidement dans l’incapacité de satisfaire les nouveaux contrats opérationnels", lui a-t-il écrit dans un courrier daté du 9 mai.

Les industriels subissent le contrecoup de la baisse des dépenses militaires, quasi continue depuis la chute du Mur de Berlin, en 1989. Le programme Scorpion de modernisation de l’armée de terre se fait attendre. Les années qui viennent risquent d’être difficiles pour certaines usines. En première ligne, le centre de production de Nexter à Roanne (Loire), chargé d’assembler les blindés pour le groupe. L’usine livrera les derniers véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) à la fin de l’année. Les commandes liées au programme Scorpion ne prendront le relais qu’en 2018 au plus tôt. "L’atelier de mécano-soudure n’a plus d’activité. Il est menacé", assure Jean-Pierre Brat, de la CGT. Une centaine de postes d’intérimaires sont dans la balance. À Roanne, on croise les doigts pour que les négociations en cours portant sur l’achat de blindés VBCI et de canons Caesar avec le Qatar, le Liban ou encore le Danemark aboutissent. Dans la filiale Panhard du groupe RTD, les conséquences de la sous-activité se font également ressentir. Les sites de Saint-Germain-Laval (Loire) et de Marolles-en-Hurepoix (Essonne) appliquent déjà des mesures de chômage partiel.

 

Se diversifier pour résister

Rares sont les sites disposant d’une visibilité sur leur plan de charge. La division munitions de Nexter a bénéficié l’an passé d’une commande de l’État pour la production de munitions de gros calibre à hauteur de 175 millions d’euros. De quoi sécuriser jusqu’à la fin de la décennie son usine de Bourges (Cher). Thales s’était vu notifier, en 2012, la première étape du contrat Contact, pour 1 milliard d’euros, afin d’équiper les armées de postes radio de nouvelle génération. 2 000 salariés en bénéficieront, notamment dans les sites franciliens du groupe ainsi que dans ceux de Cholet (Maine-et-Loire) et de Brive (Corrèze).

Mais ailleurs, l’inquiétude domine. Face aux baisses des commandes de l’État, le missilier MBDA a privilégié la charge de ses bureaux d’études plutôt que celle de ses usines. Résultat : quelque 200 personnes auront quitté le groupe d’ici à 2015, sans plan social toutefois. De son côté, Safran, fournisseur de l’équipement high-tech des fantassins baptisé Felin, n’équipera que 18 régiments, au lieu des 22 prévus à l’origine. "Pour les usines de Poitiers (Vienne) et de Fougères (Ille-et-Vilaine), cela peut représenter jusqu’à un tiers de la charge de l’activité", prévient une source syndicale.

Pour réduire la casse, les grands donneurs d’ordres peuvent transférer des commandes et du personnel entre leurs différents sites. Ils cherchent également à se développer dans les activités de maintenance pour le compte de l’armée française. Leurs fournisseurs de plus petite taille n’ont pas cette chance. "Les PME qui réalisent une part significative de leur activité dans la défense sont très fragilisées, car elles n’ont pas les mêmes leviers que les grands donneurs d’ordres pour amortir le choc", reconnaissait, inquiet, Marwan Lahoud, le numéro 2 d’Airbus Goup et président du Conseil des industries de défense françaises (Cidef).

 

Les sites sous pression

 

Régime sec pour l'armement terrestre

Nexter, Renault Trucks Défense et leurs sous-traitants directs sont fragilisés par l’achèvement des commandes de véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI ). Pour amortir le choc, ils peuvent transférer des charges industrielles vers d’autres sites aux activités complémentaires (munitions, maintien en condition opérationnelle). Thales et Sagem peuvent profiter de la dualité de leurs technologies pour cibler d’autres marchés.

 

Pourtant, certaines font preuve d’une résistance étonnante. Par exemple, la PME familiale Ressorts Masselin, installée à Rouen (Seine-Maritime), qui, comme son nom l’indique, est spécialisée dans la fabrication de ressorts techniques. "Aucun client ne pèse plus de 10% de nos ventes. En ce moment, nos activités ferroviaire et aéronautique tirent le groupe", se félicite Olivier Gouriou, le directeur commercial de cette entreprise qui emplois 160 personnes. Quand le fabricant de blindés américain General Dynamics a annulé une commande importante, elle a su absorber le choc.

La société Amefo, qui conçoit des carrosseries de véhicules blindés, à Chambilly (Saône-et-Loire), a aussi joué la carte de la diversification, avec désormais 20% de son chiffre d’affaires réalisés en dehors de la défense. "Pour être crédibles, nous avons passé une certification spécifique pour que nos équipements soient reconnus sur le marché ferroviaire. C’est un investissement de neuf mois", explique son directeur général, Didier Malpel.

 

Des succès liés à l’innovation

Pour éviter la guerre des prix, d’autres acteurs misent sur l’innovation. C’est le cas de Musthane (40 salariés, 7 millions d’euros de chiffre d’affaires), à Willems (Nord), qui fournit des réservoirs de carburant et d’eau aux armées françaises. "Nous sommes montés en valeur ajoutée pour ne pas subir la concurrence chinoise. Nous fournissons désormais le système complet de distribution de carburant, incluant le système de pompe et de filtration", explique Reza Rosier, le directeur général. L’an dernier, Musthane a décroché un contrat de 3 millions d’euros auprès d’un client en Afrique du Nord. Scoma, implanté à La Loupe (Eure-et-Loir), mise aussi sur l’exportation. Cette société, qui emploie 45 personnes, a séduit l’US Army et lui fournit des rotules de suspension pour ses véhicules blindés capables de résister aux explosifs. "Nous réalisons désormais 1 million de dollars par an de chiffre d’affaires sur le marché américain", se félicite Darius Czarnecki, son directeur général. Cette expertise lui a même permis d’être sélectionné pour équiper les 300 véhicules qui ont transporté les sportifs aux JO de Sotchi. À Eurosatory, la PME disposera cette année d’un stand de 21 mètres carrés, contre 9 mètres carrés lors de l’édition précédente, situé juste en face… du pavillon américain. "Avec un drapeau des États-Unis bien en évidence !", prévient Darius Czarnecki. Chacun sa technique de guerre !

 

"L’effet de taille est incontournable"

Régime sec pour l'armement terrestre

 

Jean-Patrick Baillet, directeur général délégué de Nexter Systems

 

Pourquoi avez-vous choisi de vous renforcer dans les munitions en faisant l’acquisition des sociétés Mecar et Simmel du groupe Chemring ?

Notre activité munitions, qui réalise environ 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, était vouée à un repli progressif sur des niches, car nous aurions été incapables, vu notre taille et le cash-flow dégagé, de maintenir nos efforts de R & D, en matière de précision et de propreté des munitions notamment. Avec ces acquisitions, le pôle munitions affiche un chiffre d’affaires d’environ 350 millions d’euros et rejoint le groupe des trois grands munitionnaires européens BAE, Namo et Rheinmetall.

 

Êtes-vous favorable à une consolidation dans les blindés ?

Aujourd’hui, deux grands groupes internationaux, General Dynamics et BAE United Defense, dominent l’armement terrestre, avec un chiffre d’affaires supérieur à 3 milliards d’euros. Avec un chiffre d’affaires trois fois inférieur, Nexter ne pourra pas suivre indéfiniment. Soit nous décidons de nous replier pour devenir le champion de telle ou telle niche, soit nous restons un acteur global, et alors, l’effet de taille est incontournable.

 

Quels seraient les avantages d’un rapprochement ?

Il y a des synergies potentielles avec les industriels aux positionnements analogues aux nôtres, comme les allemands Rheinmetall et KraussMaffei ou l’italien Oto Melara. Ils ont le même métier que nous. Les économies d’échelle seraient évidentes. Nous mutualiserions les investissements et nous consoliderions les empreintes commerciales. ??

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