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20 novembre 2014 4 20 /11 /novembre /2014 08:55
Nouveaux drones Reaper : ce que va faire la France

Défense - La France ne peut plus se passer des drones américains Reaper - photo Thomas Goisque

 

18/11/2014 Michel Cabirol – LaTribune.fr

 

La France s'apprête à acquérir un troisième drone Reaper aux États-Unis d'ici à la fin de l'année. Et veut s'offrir très rapidement trois autres drones MALE américains.

 

La France s'apprête à acquérir un troisième drone Reaper aux États-Unis d'ici à la fin de l'année. "Nous sommes sur le point d'acquérir le troisième véhicule aérien d'ici à la fin de l'année, a expliqué aux sénateurs le délégué général pour l'armement (DGA) Laurent Collet-Billon. Il compléterait les deux premiers". Paris attend actuellement la livraison du troisième vecteur, fabriqué par General Atomics et qui viendra compléter les deux premiers, pour une mise en service au cours du premier semestre 2015.

Et la France ne compte pas s'arrêter à l'achat d'un seul système MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) américain composé de trois vecteurs. Le ministère de la Défense veut s'offrir rapidement trois autres drones Reaper. "L'achat d'un deuxième jeu de trois drones est une priorité", avait indiqué mi-octobre le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Pour gagner du temps, le ministère a pris la décision d'abandonner la version Block 5, dont les délais de livraison étaient trop longs face à l'urgence du besoin opérationnel français et sur lequel pesaient des "incertitudes", selon Laurent Collet-Billon.

"Nous souhaiterions acquérir un système analogue à celui dont nous disposons aujourd'hui au Mali (...) et à accepter un matériel d'occasion qui a encore du potentiel, a précisé le délégué général pour l'armement. Les Américains étudient notre demande. Le soutien politique à cette initiative est assez fort, à la fois du côté français et du côté américain".

 

Des drones aux couleurs françaises en Irak ?

La livraison d'un deuxième système, de type block 5, prévue par la loi de programmation militaire (LPM) aurait dû avoir lieu en 2017. "Il semble toutefois que les Reaper Block 5 ne seront pas prêts avant fin 2016 et qu'il conviendra ensuite d'attendre une qualification par l'USAF devant être finalisée au plus tôt durant le premier semestre 2017, un retard étant d'ores et déjà prévisible", a expliqué le député PS de Meurthe-et-Moselle, Jean-Yves le Déaut dans son rapport sur le projet de loi de finances 2015. D'où l'abandon de cette option.

Selon Jean-Yves Le Déaut, le besoin français est urgent, "qu'il s'agisse de compléter le dispositif au Niger, ou d'installer le système au Koweït dans la perspective d'éventuelles opérations en Irak". Deux options étaient envisageables : "il pourrait être choisi la livraison fin 2016 d'un deuxième système Block 1 susceptible d'être mis à niveau dans un second temps. La livraison d'un système Block 1 dans des délais encore plus brefs serait à l'étude". Probablement, la France va choisir la deux options.

 

"Il se pourrait que ce deuxième système de drone MALE arrive chez nous très rapidement ce qui serait une bonne chose, compte tenu de l'usage qu'on en a", a affirmé Laurent Collet-Billon. Le ministre de la Défense a d'ores et déjà prévu de commander un deuxième système de Reaper dès 2015.

 

Et la francisation des drones ?

En achetant à nouveau des Reaper Block 1, la France fait l'impasse, contrairement aux promesses initiales du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, sur la francisation des drones américains, ou en tous cas, comme l'a souligné le délégué général pour l'armement devant les sénateurs : "nous souhaiterions acquérir un système analogue à celui dont nous disposons aujourd'hui au Mali, quitte à en différer la francisation".

Pourquoi un tel revirement ? "Le Reaper au Mali a fait franchir une marche très sensible dans la capacité opérationnelle", a assuré Laurent Collet-Billon. Les niveaux d'identification et la qualité d'image s'avèrent nettement supérieurs à ceux des Harfang. Ainsi, ce sont les Reaper qui ont permis la découverte de la zone de crash du vol Ouagadougou-Alger d'Air Algérie le 25 juillet 2014, au cœur d'une zone particulièrement difficile à identifier. Apte à voler jusqu'à 24 heures d'affilée, le Reaper est beaucoup plus rapide et assure une meilleure permanence sur zone. Enfin, la disponibilité du Reaper est "remarquable", a souligné Jean-Yves Le Déaut : "le système intégral, station sol et vecteurs, a un taux de disponibilité de 85 %, leur indisponibilité étant limitée aux périodes de maintenance, contre 55 % pour le système Harfang".

Pour le chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers, également auditionné par les sénateurs, "le Reaper a changé considérablement l'appréhension des high value targets, les têtes de réseaux terroristes sur le terrain. Cette chasse a trois composantes : le renseignement, le suivi par drone 24 heures sur 24, et la neutralisation. Reaper renforce les trois dimensions, et garantit une opérabilité avec nos amis britanniques, italiens, américains, et j'espère bientôt allemands".

 

Des Reaper armés ?

Laurent Collet-Billon a posé la question la plus sensible en matière de drone. "Une question majeure demeure : le second système de drone MALE doit-il être armable ou non ? Et de refermer aussitôt le débat : "N'ouvrons surtout pas le débat. L'important est de les obtenir vite. On verra le reste après !" Le missilier européen MBDA a obtenu en mars dernier son brevet pour pouvoir tirer le missile Brimstone à partir du Reaper. Selon MBDA, le Brimstone, à bord du MQ-9 Reaper, a fait la preuve qu'il pouvait "réduire les risques de dommages collatéraux" et démontrer "la létalité avec un seul tir contre des cibles évoluant à grande vitesse sur terre, mer et dans un environnement complexe". Ce qui n'est pas toujours le cas avec le missile américain Hellfire de Lockheed Martin coupable régulièrement de dommages collatéraux.

Au-delà de l'armement des Reaper français, les capacités nouvelles apportées par les drones de General Atomics ont fait impression dans les armées françaises. Le "bilan opérationnel dépasse les attentes", a estimé Jean-Yves Le Déaut. Le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Denis Mercier, a qualifié sa mise en œuvre d'exemplaire. Au 8 septembre 2014, les Reaper ont effectué depuis leur mise en service 1.500 heures de vol correspondant à plus de 100 missions. Leur utilisation intensive a conduit l'armée de l'air à programmer 5.000 heures de vol annuelles au lieu des 2.000 prévues initialement, afin de faire face au besoin croissant d'observation nécessité par les opérations. En outre, le passage à un potentiel de 5.000 heures de vol annuelles n'augmentera pas le coût du soutien par heure de vol supplémentaire à due proportion car il sera dégressif.

 

Indépendance des missions françaises ?

Selon Jean-Yves Le Déaut, l'armée de l'air fait voler ses Reaper avec ses propres satellites et garde son indépendance lors des missions qu'elle conduit sans avoir à demander d'autorisation particulière pour les faire décoller et, dans le cadre contractuel prévu, n'a pas à fournir d'informations sur les lieux survolésMais, il y a un mais. "Si la France souhaitait les déployer sur une autre zone, elle devrait contractuellement solliciter l'autorisation des autorités américaines", a rappelé le député de Meurthe-et-Moselle. En outre, le soutien du Reaper est assuré par une équipe d'assistance américaine dont il est prévu de revoir le format à la baisse.

Enfin, le décollage et l'atterrissage des Reaper de l'armée de l'air sont actuellement effectués par du personnel américain car l'armée de l'air américaine. Pourquoi ? L'USAF délivre la formation spécifique indispensable à la prise en charge de ces phases particulièrement délicates qu'à l'issue d'une expérience d'environ 600 heures de vol, que les premiers pilotes français atteindront en 2015. Par ailleurs, "les capacités d'observation françaises étant insuffisantes et les moindres performances du Harfang ne permettant de l'utiliser pour les opérations particulièrement exigeantes des forces spéciales", il est régulièrement fait appel aux moyens américains en cas d'indisponibilité des vecteurs français. Il en résulte sur le terrain une collaboration accrue entre les deux armées. D'autant que l'armée américaine devrait prochainement ouvrir une nouvelle base de drones à Agadez dans le nord du Niger, susceptible de renforcer encore le soutien à l'opération menée par la France.

 

De nouvelles formations ?

Face à ce bilan opérationnel très positif et à un besoin de surveillance accru, l'armée de l'air ne dispose pourtant pas de moyens suffisants. Notamment en termes d'effectifs. Même si la formation des équipages français sur la base d'Holloman (Nouveau-Mexique) a donné "d'excellents résultats", a souligné Jean-Yves le Déaut. Car il s'agissait de pilotes de Harfang qui possédaient déjà une solide culture du drone, et la formation, couplée à la conception du Reaper, a permis "de mettre le système en service opérationnel quasiment dès le premier jour". Une discussion est en cours pour recourir à des formations supplémentaires dont celles dispensées par General Atomics.

Car l'USAF forme aujourd'hui davantage de pilotes de drone que de pilotes d'avion, et les formations connaissent un problème d'engorgement. "Parallèlement, l'armée de l'air doit pouvoir compter plus d'équipages français car les hommes formés sont trop peu nombreux et restent de ce fait trop longtemps en OPEX, jusqu'à neuf mois sur un an pour les pilotes formés en 2013, a regretté le député PS. Cette situation pose des problèmes d'usure des équipes auxquels l'état-major de l'armée de l'air se doit de porter la plus grande attention".

Aujourd'hui, seuls six équipages, composés d'un pilote et d'un opérateur de capteur, sont formés, deux sont en cours de formation et un équipage débutera sa formation en janvier 2015. Selon Jean-Yves Le Déaut, il conviendrait de pouvoir former encore quatre équipages au cours de l'année prochaine.

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