En présentant ses voeux aux armées, François Hollande a déclaré que "la situation exceptionnelle que nous connaissons doit conduire à revenir sur le rythme de réduction des effectifs qui avait été programmé pour les trois prochaines années dans le cadre de la loi de programmation militaire". photo EMA
14/01/2015 Par Jean Guisnel - Défense ouverte / LePoint.fr
Après les attaques en France, François Hollande a émis le souhait de "réduire le rythme" de la réduction des effectifs dans l'armée.
En présentant ses voeux aux armées sur le porte-avions Charles de Gaulle en partance pour le Golfe arabo-persique, François Hollande a changé de pied sur les affaires militaires. Il a déclaré que "la situation exceptionnelle que nous connaissons doit conduire à revenir sur le rythme de réduction des effectifs qui avait été programmé pour les trois prochaines années dans le cadre de la loi de programmation militaire". Il a ainsi logiquement reconnu qu'il ne pouvait pas continuer de demander des efforts opérationnels incessants aux militaires aussi bien à l'extérieur des frontières que, depuis la semaine dernière après les attentats de Paris, à l'intérieur de l'Hexagone. Le plan Vigipirate dans sa phase actuelle, inédite par son ampleur, concerne 10 000 militaires, alors que les armées ont perdu 7 881 postes budgétaires en 2014. En six ans, 34 000 postes doivent passer à la trappe !
Nécessités budgétaires
On a bien compris dans les propos de François Hollande qu'il ne renonce aucunement à l'objectif de réduction qu'il s'est fixé, mais qu'il propose seulement d'en "réduire le rythme". D'ailleurs, en confiant sa feuille de route au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, avant un Conseil de défense décisif le 21 janvier, il lui a demandé "des propositions d'ici la fin de la semaine, en tenant compte évidemment des nécessités budgétaires". Or ces "nécessités" budgétaires sont d'abord des difficultés, qui se trouvaient très loin d'être tranchées avant que les attentats se produisent. Pour ralentir les réductions d'effectifs, encore faudra-t-il trouver l'argent nécessaire. Rappelons que ces baisses d'effectifs ont été employées au financement des augmentations salariales des militaires demeurant à leur poste. Et c'est là que le bât blesse. Car s'il fallait réduire les achats de matériels pour conserver les effectifs nécessaires au plan Vigipirate, ce serait un marché de dupes... Dont le budget des armées pour 2015 pourrait être la première victime.
7 % du budget 2015 non financé
Concrètement, le budget de la Défense voté par le Parlement pour l'année 2015 (31,4 milliards d'euros) n'est pas tenable actuellement. 7 % de son montant ne sont pas financés, c'est énorme ! Le problème vient des "ressources exceptionnelles", ou REX, un pactole de 2,4 milliards produit par la vente de propriétés foncières (pas de problème de ce côté-là), pour 200 millions d'euros. Et par celles de fréquences radio aux opérateurs télécom, pour 2,2 milliards. Or cet argent ne sera pas disponible cette année, et sans doute pas en 2016 ni même en 2017. Le Drian joue gros sur cette affaire, car il est aussi peu probable aujourd'hui qu'hier que Bercy crache au bassinet pour boucler le budget, au cas où le pactole des fréquences ne serait pas au rendez-vous à temps, ou avec les montants escomptés. La seule solution, c'est que François Hollande règle le problème. Le veut-il ? Ce n'est pas sûr.
Sociétés de projets
Pour pallier ce problème budgétaire de l'année 2015, une vieille idée a été recyclée par Jean-Yves Le Drian. Il s'agirait de vendre des matériels militaires de grande valeur (navires, avions, hélicoptères, satellites, etc.) à des sociétés privées, qui les reloueraient ensuite aux armées. À ce compte, il serait possible d'atteindre les sommes espérées des ventes de fréquences. François Hollande a accepté cette innovation, mais le problème est à Bercy, qui s'est fait tordre le bras et est entré en résistance. Le Drian s'accroche, mais ne convainquait pas du tout les chefs militaires - avant la semaine dernière - quand il assurait que les promesses de François Hollande seraient tenues. De plus, cette solution de financement exotique a déjà été retoquée en 2004 pour l'achat des frégates FREMM. En 1988, la mise en place par le ministre André Giraud d'un emprunt d'État pour acquérir des frégates de type Floreal avait finalement été abandonnée.