12/01/2015 Par Diane Jean – LeFigaro.fr
Au lendemain de marches historiques, les attentats perpétrés en France début janvier ont suscité des interrogations sur l'efficacité des services de renseignement et notamment, sur leurs dépenses.
Manuel Valls lui-même l'a admis: «quand il y a dix-sept morts, c'est qu'il y a eu des failles». Les deux frères Kouachi, auteurs de la fusillade dans les locaux de Charlie Hebdo, ont cessé d'être mis sur écoute fin 2013 et juin 2014. Pointés du doigt pour ne pas avoir déjoué à temps l'attentat jihadiste, les services de renseignement sont également critiqués pour l'opacité de leur budget alors que leurs moyens augmentent.
L'État aurait alloué en 2013-2014 plus de 1,2 milliards d'euros de crédits à la fonction renseignement, fonds spéciaux compris, d'après une estimation repérée par Les Echos et réalisée par Philippe Rousselot, conseiller-maître à la Cour des Comptes et ancien chargé de mission au ministère de la Défense. Ce dernier dénonce des «zones d'ombre» dans son étude publiée en juin 2014 dans la revue des anciens de l'Ecole nationale d'administration (Ena). Un manque de transparence qu'il regrette au nom de «la visibilité démocratique et la bonne gestion des deniers publics».
Pour cet officier de l'armée de l'air, il y a un véritable «mutisme budgétaire» qui entoure le renseignement intérieur à l'heure où les crédits de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) devraient augmenter de 40 à 60 millions d'euros dans le but d'atteindre 430 recrutements d'ici 2018.
«L'éparpillement budgétaire (...) ne peut que freiner la mise en oeuvre d'une gestion cohérente des services et nuit à la bonne information», critique Philippe Rousselot. L'illisibilité des dépenses est en partie due à un manque de données, relève le conseiller-maître, mais aussi à un manque de contrôle, observe Jean-Jacques Urvoas, député socialiste du Finistère et président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.
L'examen des dépenses du renseignement est «un domaine où les parlementaires ont toujours manifesté une vraie faiblesse», constatait déjà Le Monde au printemps 2013. Jean-Jacques Urvoas avait rendu public à la mi-mai 2013 un rapport d'information sur «l'évaluation du cadre juridique applicable au service de renseignement». Les députés de la mission Urvoas demande une «lisibilité budgétaire dans le cadre d'un contrôle démocratique».
Manque de données et de contrôle
A ce jour, la seule délégation parlementaire au renseignement (DPR), créée en 2007, n'est chargée que du «suivi» des services. Dans d'autres pays comme l'Allemagne ou Israël, les députés disposent d'un considérable pouvoir de surveillance. Aux États-Unis et en Norvège, le contrôle et le déblocage des fonds s'effectuent en parallèle des opérations en cours.
Des failles avaient déjà été signalées après l'affaire Merah en mars 2012. Manuel Valls a depuis musclé le renseignement pour «une meilleure coordination entre les services». Mais les critiques fusent toujours. «Pour comprendre comment cela a pu être possible il faudra plusieurs mois», répondait le ministère de l'Intérieur ce week-end. Après cinq réunions de crises, une première «réunion ministérielle sur la sécurité intérieure» s'est ouverte ce lundi matin pour «faire le point sur les dispositifs de prévention et de protection» des Français.
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