La Défense travaille depuis quelques mois à un plan B visant à mobiliser les 2,2 milliards qui manquent à l’appel en passant par des cessions de participations dans des entreprises publiques. - A400M (photo Armée de l'Air) - FREMM (photo DCNS)
22/02 Alain Ruello et Elsa Conesa – LesEchos.fr
Les deux ministères continuent de s’opposer sur le projet de location de matériel.
Ce n’est pas le premier bras de fer entre la Défense et Bercy. Mais celui-ci pourrait faire un peu plus de bruit qu’à l’accoutumée. L’objet : le respect de la loi de programmation militaire et, plus précisément, des 31,4 milliards d’euros de crédits prévus cette année, une somme dont le chef de l’Etat a martelé qu’elle était sanctuarisée.
Une partie de ces 31,4 milliards devait provenir de recettes exceptionnelles, pour l’essentiel de la cession des fréquences hertziennes de la TNT, qui n’interviendra pas avant 2016 au mieux. Avec l’aval de François Hollande, qui s’est prononcé sur le sujet en présentant ses vœux aux militaires, la Défense travaille depuis quelques mois à un plan B visant à mobiliser les 2,2 milliards qui manquent à l’appel en passant par des cessions de participations dans des entreprises publiques.
Le procédé est un peu inhabituel, même s’il est prévu, en dernier recours, par la loi de programmation militaire. Les recettes tirées de cessions de participations de l’Etat ne peuvent en effet pas financer les ministères. Elles doivent être affectées au désendettement, ou à des ré-investisssements en fonds propres tels que le PIA.
Pour faciliter l’opération, un amendement à la loi Macron a été voté le 12 février, levant les freins à la création d’une « société de projet », sorte de coquille dont l’objet sera d’acheter à l’armée du matériel militaire, déjà livré ou non, et de le lui louer aussitôt. Deux équipements ont été ciblés, l’avion de transport A400M et les frégates Fremm. Cette structure (deux en fait, une pour chaque matériel) sera capitalisée à hauteur de 2,2 milliards d’euros, qui seront tirés, au moins en partie, de cessions de participations, le solde provenant d’un recours à l’endettement.
Des risques de surcoûts
L’amendement a donné lieu à des discussions houleuses dans l’hémicycle et suscite l’opposition résolue du ministère des Finances. Motif : il alourdit la dette et ce à un moment délicat dans les discussions entre Paris et Bruxelles. La création de cette structure risque aussi d’engendrer des surcoûts de financement, à des taux plus élevés que le marché, et de rémunération d’intermédiaires, estime-t-on aux Finances, où l’on fait valoir que ce mécanisme a été utilisé par le passé par l’armée grecque pour camoufler de la dette...
Autre point bloquant, les cessions de participations. La loi de finances pour 2015 prévoit déjà 5 milliards de cessions, dont 4 doivent être affectées au désendettement. Or seules quelques lignes cotées sont actuellement cessibles, et un calendrier contraint n’est jamais idéal pour ce genre d’opération de marché.
Bercy travaille donc sur un autre schéma, plus classique, reposant sur des ouvertures de crédits budgétaires et, surtout, sur une accélération de la cession des fréquences. « La Défense craint surtout que la cession des fréquences arrive trop tard, mais il n’est pas raisonnable de mettre en place un montage aussi lourd simplement pour se prémunir contre ce risque et gagner quelques mois. S’il s’agit de trésorerie, l’Etat sait faire, indique-t-on aux Finances, où on lit différemment les propos du chef de l’Etat. Ce montage doit rester une solution de dernier recours. Or il y a d’autres solutions. »
« Bercy continue de dire que la société de projet ne verra pas le jour, quels que soient les propos du président. Ils ne lâcheront pas le morceau jusqu’au bout », ironise-t-on à la Défense. Résultat des courses au prochain Conseil de défense.