10/02/2015 Boursorama (AFP)
La privatisation du constructeur de blindés français Nexter (Giat) a été votée lundi soir à l'Assemblée nationale. Elle devrait permettre de lancer la fusion avec l'allemand KMW pour créer le troisième groupe d'armement terreste mondial.
La fusion entre les constructeurs des chars Leclerc et Leopard, annoncée le 1er juillet, nécessitait une adaptation législative, dans la mesure où Nexter est aujourd'hui une entreprise publique et que son rapprochement avec KMW constitue une privatisation de fait.
L'État français, actuellement actionnaire à 100% de Nexter via Giat Industries, verra sa participation tomber à 50% dans la future entité fusionnée dénommée Kant. Il se retrouvera ainsi à parité au capital avec famille Bode-Wegman, propriétaire de KMW.
Avec 1,6 milliard d'euros de chiffre d'affaires et 6.000 salariés, le nouveau groupe sera le premier acteur d'armement terrestre européen et le troisième mondial. Les deux parties s'engageront par un pacte d'actionnaires à ne pas céder de parts pendant 5 ans minimum. La future société aura son siège aux Pays-Bas pour des raisons de "neutralité fiscale" selon le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron.
"Ce désengagement brutal de l'Etat, doublé d'un rapprochement avec un groupe étranger, est une faute grave contre notre indépendance stratégique et militaire", a estimé le FN. Cette fusion risque aussi, selon les spécialistes, de se traduire par une casse industrielle et sociale importante accentuée par le positionnement similaire des deux entreprises".
"Les liquidateurs de notre outil de défense liquident maintenant ouvertement notre industrie militaire et notre indépendance nationale. Notre mission sera claire: remettre cette indépendance au coeur de nos choix stratégiques, militaires et économiques", a ajouté le parti.
"Ce rapprochement permet d'avancer vers l'Europe de la défense et l'Europe industrielle", a plaidé de son côté la présidente de la commission Défense de l'Assemblée, Patricia Adam (PS). "Nous avons besoin d'industriels de taille critique pour l'export et la recherche et développement", a renchéri l'ancien ministre de la Défense Hervé Morin (UDI).
Cette fusion est en revanche contestée par le Front de gauche André Chassaigne pour qui elle est "vouée à l'échec car il n'y a pas de marché européen de la défense". "Une industrie nationale d'armement ne peut plus tenir avec les seules commandes publiques, c'est une chimère", lui a répondu le socialiste Jean-Jacques Bridey.
Les députés UMP se sont divisés sur le sujet. Nicolas Dhuicq a accusé les socialistes de "forfaiture" en "vendant un bijou de la nation" alors que "l'Allemagne ne paye pas le prix du sang" sur les conflits...
Plus modérés, certains d'entre eux se sont interrogés sur la politique traditionnellement restrictive de l'Allemagne en matière de ventes d'armes. "Il y a une sensibilité qui existe, mais elle ne changera pas avec ce rapprochement. Les exportations de Nexter durant ces cinq premières années seront décidées par Nexter", a assuré Emmanuel Macron.
Alors que André Chassaigne a exprimé ses doutes sur la complémentarité des deux sociétés, Emmanuel Macron a assuré au contraire qu'il n'y avait "pas de risque de cannibalisation d'une société par rapport à l'autre".