17 mars 2015 Par Hassan Meddah - Usinenouvelle.com
L'accord de coopération militaire de Lancaster House entre la France et le Royaume-Uni permet au fabricant de missiles MBDA d'entamer la rationalisation de son outil industriel de part et d'autre de la Manche. Grâce à ses exportations en 2014, il affiche un carnet de commandes à 12,6 milliards d'euros, soit l'équivalent de quatre années d'activité.
Antoine Bouvier, PDG de MBDA, préfère voir le verre à moitié plein. A l'occasion de la publication de son chiffre d'affaires 2014, la filiale détenue par Finmeccanica (25%), Airbus Goup (37,5%) et le britannique BAE Systems (37,5%) a enregistré 4,1 milliards d'euros de prises de commandes, en légère hausse par rapport à l'année précédente. De quoi gonfler son carnet de commandes à 12,6 milliards, soit l'équivalent de plus de quatre années d'activités.
Toutefois l'exercice a été marqué par une baisse de chiffre d'affaires de près de 15% à 2,4 milliards d'euros. "C'est un point bas. Cela reflète les coupes budgétaires dans la défense en Europe et des retards sur les prises de commandes à l'export", explique le dirigeant. En France, le groupe a en effet perdu plus que quelques plumes avec la loi de programmation militaire. "En 2014, MBDA a eu 350 millions de crédits de paiement de la part de la France contre 500 millions en 2013", souligne le PDG. Il a alors fallu faire des choix et l’industriel a privilégié ses bureaux d’études plutôt que ses usines. MBDA a donc orienté les crédits de la DGA (direction générale pour l’armement) pour étoffer sa gamme de produits avec les développements de nouveaux missiles dans les domaines du combat terrestre (MMP), des antinavires légers (ANL) tirés depuis des hélicoptères et de croisière navale (MdCN). En échange, il a accepté une diminution significative de commandes de l'Etat français.
Faire jeu égal avec Raytheon et Lockheed Martin
Mais au-delà des chiffres, MBDA a consolidé sa dimension européenne. Longtemps, l'absence d'une Europe de la défense a été un handicap pour l'entreprise face à ses grands concurrents américains. "L'industrie de défense en Europe est la seule industrie pour laquelle un groupe européen ou des groupes nationaux ne peuvent pas optimiser leur base industrielle entre les différents pays [où ils sont présents, ndlr]. Chaque pays veut, légitimement, maintenir sur son territoire national l'ensemble des capacités technologiques pour être capable de définir des nouveaux produits. (…) Cette spécificité est un handicap majeur par rapport à nos grands concurrents américains. Ni Raytheon, ni Lockheed Martin n'ont cette contrainte sur le territoire américain", explique Antoine Bouvier. Il devenait donc de plus en plus difficile pour son groupe de faire jeu égal avec ces deux concurrents, chacun des trois détenant aujourd’hui entre 20 et 25% du marché mondial accessible des missiles.
Finmeccanica conditionne sa participation
Toutefois la situation évolue favorablement depuis la signature en 2010 du traité de coopération de Lancaster House entre la France et le Royaume-Uni. Conscients qu'ils n'ont plus les moyens de développer chacun de leur côté toute la gamme de missiles, les deux partenaires se partagent les compétences clés évitant une duplication inutile et coûteuse. Sur les douze compétences technologiques identifiées par les Etats et les industriels, quatre ont déjà été partagées. La France développe les compétences en matière de bancs de test et de systèmes embarqués, le Royaume-Uni celles en matière de transmissions de données et d'actuateurs (actionneurs des gouvernes des missiles). Chaque pays est ainsi dépendant de son partenaire. "En 2015, à Bourges, MBDA a un banc de test opérationnel sur le programme 100% britannique Brimstone tandis que notre site anglais de Lostock [dans les environs de Manchester, ndlr] vient de produire le premier actuateur pour le missile 100% français MMP", se félicite Antoine Bouvier.
Toutefois le PDG de MBDA doit également faire avec d'autres contraintes liées cette fois-ci à son actionnariat européen. Finmeccanica a menacé de vendre sa participation si l'Italie ne lançait pas de nouveaux programmes de missiles. De quoi aiguiser l'appétit d'Airbus Group en embuscade pour la racheter tandis que l'actionnaire britannique BAE Systems reste flegmatique. L'Europe de la défense n'est décidément pas un long fleuve tranquille.
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