27 février 2015 par Dominique Moïsi * - Tout Un Monde
Alors que les menaces s’accumulent et se rapprochent de ses frontières, au sud comme à l’est, l’Europe va-t-elle prendre conscience, qu’elle est en première ligne et doit assumer elle-même la responsabilité principale de sa défense ? Autrement dit, peut-elle se penser et se vouloir comme une « puissance dure », pour faire référence à l’expression du professeur de Harvard, Joseph Nye ?
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de la Guerre froide, les pays européens à l’ouest – à l’exception notable de la France et de la Grande- Bretagne – avaient totalement délégué leur sécurité aux États-Unis, dans le cadre de l’Otan. Un choix qui s’avéra judicieux. La guerre resta froide et le système soviétique s’écroula sur lui-même, victime de ses contradictions.
Mais rien n’est plus trompeur et dangereux que le succès. Bercée par l’illusion que les questions de sécurité appartenaient à un âge révolu – les guerres balkaniques n’étaient qu’un anachronisme – l’Union européenne se projeta très vite dans un monde postmoderne, dont elle se voyait comme l’éclaireur et le modèle.
L’Europe disposait, pour garantir sa sécurité, de trois cartes. La première, l’Amérique – que l’on pouvait critiquer ou dénoncer à loisir –, demeurait une forme ultime d’assurance-vie. La deuxième, celle de l’élargissement, s’était révélée particulièrement efficace au début du XXIe siècle, en agissant par capillarité.
« Vous voulez rejoindre notre club de paix et de prospérité ? Comportez-vous bien. » Mais cette politique, qui fonctionna dans les Balkans et en Europe centrale, ne pouvait servir de modèle universel. L’Union ne pouvait avoir pour ambition d’intégrer en son sein, par vagues successives, tous les pays qui, de près ou de loin, l’entouraient.
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* Dominique Moïsi, chroniqueur à Ouest-France, est Conseiller Spécial de l'IFRI, l'Institut français des relations internationales
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