02.04.2015 LePont.fr (AFP)
Les armées, présentes sur plusieurs terrains, vont avoir besoin de crédits supplémentaires. Le bras de fer avec Bercy est loin d'être terminé.
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a laissé entendre jeudi que des crédits budgétaires supplémentaires devraient être alloués aux armées en raison des défis sécuritaires croissants auxquels elles doivent faire face. "La situation des menaces nous amène à être présents sur tous les terrains" et va "impacter à la hausse les effectifs de la force opérationnelle terrestre qui est aujourd'hui de 66 000 hommes", a expliqué le ministre, lors d'une séance publique au Sénat sur l'actualisation de la loi de programmation militaire (2014-2019).
"Si on augmente les effectifs, en particulier pour l'armée de terre - il y aura aussi des recrutements nécessaires dans le renseignement, la cyberdéfense -, ce coût n'entre pas obligatoirement dans l'enveloppe des 31,4 milliards d'euros" de budget prévue chaque année par la LPM, a souligné M. Le Drian. Depuis les attentats de janvier, l'armée est mise à contribution à hauteur de 10 000 hommes pour la protection du territoire national, un effort significatif qu'elle va devoir maintenir sur le long terme. Elle déploie aussi en permanence environ 9 000 hommes dans des opérations extérieures, principalement pour lutter contre les groupes islamistes armés.
Pour faire face à ces nouveaux besoins, le président François Hollande a demandé de revoir à la baisse les réductions d'effectifs prévues dans les armées, qui paient un lourd tribut aux efforts budgétaires du gouvernement depuis plusieurs années. Jusqu'à 18 000 postes pourraient être maintenus sur les 24 000 qui devaient être supprimés sur trois ans, a-t-on indiqué au ministère de la Défense. Il pourrait en résulter un surcoût de plusieurs centaines de millions d'euros par an.
Pérenniser les crédits
Daniel Reinier, sénateur socialiste, a demandé que le budget de la Défense soit "abondé uniquement par des crédits budgétaires" et ne dépende plus en partie de recettes exceptionnelles (vente de fréquences hertziennes, autres cessions d'actifs...) qui ne sont pas toujours garanties. "Le caractère aléatoire de ces recettes exceptionnelles ne peut plus convenir à un budget sanctuarisé comme celui de la Défense. (...) Je crois savoir qu'une réflexion sur ce sujet est en cours, y compris au ministère de l'Économie et des Finances", a indiqué M. Reinier, sans plus de précisions.
M. Le Drian s'est voulu rassurant sur les sociétés de projets qui doivent permettre aux armées de louer des équipements militaires (Airbus A400M et frégates), faute de budget pour les acheter, à une société publique spécialement créée à cet effet. Ce montage financier, que Bercy juge coûteux, a été conçu pour compenser le très probable report de la vente de fréquences militaires hertziennes qui devait rapporter 2,2 milliards d'euros en 2015.
"Il faut lever une ambiguïté pour ceux qui pensent que c'est de l'acrobatie financière, voire de la cavalerie, comme je l'ai entendu", a noté Jean-Yves Le Drian. Le projet repose sur des pratiques qui font "partie de la vie quotidienne de l'action de l'État", a-t-il dit. Le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, Jean-Pierre Raffarin, a pris le parti du ministre face à Bercy. "Nous sommes prêts à vous soutenir, nous ne voulons pas que le Parlement bloque une solution qui permettrait d'atteindre le financement de la loi de programmation", a-t-il dit. L'ex-Premier ministre a réclamé toutefois "plus de clarté" sur ce projet et "des solutions moins aléatoires pour le financement de la Défense nationale".
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