Ancien agent secret, résistant, parachutiste, créateur des nageurs de combat… Robert Maloubier, dit « Bob », a eu non pas une, mais plusieurs vies bien remplies. En hommage à cette figure exceptionnelle qui vient de nous quitter, retrouvez le portrait qui lui avait été consacré dans Armées d’Aujourd’hui (n°392, septembre 2014).
Au service de la Couronne britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, puis dans les services français, Robert Maloubier, dit Bob, a mis son expérience à profit pour créer les nageurs de combat. À 91 ans, il continue de prendre la plume pour raconter ses aventures.
Avec sa moustache de hussard, ses traits d’esprit so british et sa voix gutturale, Bob Maloubier fait les questions et les réponses. Rien d’étonnant pour cet ancien agent secret. Malgré sa démarche fatiguée et son souffle court, sa mise est soignée. Robert, dit « Bob », a fait de sa vie un roman. Et bien avant de prendre lui-même la plume pour publier ses mémoires de guerre, il est déjà le plus célèbre des espions français. Résistant, saboteur, parachutiste, nageur de combat : « J’ai été un peu tout ça à la suite, en fonction des circonstances », confirme-t-il sobrement.
D’abord au service de la couronne britannique au sein du fameux Special Operations Executive créé par Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale, puis au Sdece, le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (devenu DGSE en 1982), ce « tonton flingueur » a bâti sa réputation d’intrépide : tantôt touché par une balle allemande en plein poumon, tantôt sautant en parachute vêtu d’un complet. « Un trompe-la-mort », « un gentleman », évoquent ses proches. On oscille entre légende assumée et réalité sublime. Cultivant les paradoxes et une certaine irrévérence, Bob Maloubier se flatte d’avoir connu la reine d’Angleterre, mais ne cache pas non plus ses amitiés avec un certain Bob Denard. À 91 ans, il collectionne autant les fausses identités que les décorations. Il est détenteur de la prestigieuse Distinguished Service Order qu’une poignée de Français seulement se sont vus remettre. Mais de toutes ses distinctions, c’est celle du brevet des nageurs de combat, qu'il a contribué à créer, dont Bob Maloubier est particulièrement fier. « L’idée m’est venue en 1949. J’écrivais des comptes rendus pour les services secrets sur des opérations de débarquement. À l’époque, nous n’avions pas de nageurs de combat, or l’expérience de la guerre a largement prouvé leur efficacité, notamment pour dégager les obstacles avant les manœuvres. J’ai donc écrit une lettre au président du Conseil, dont mon service dépendait, sans trop me faire d’illusion. » Et pourtant, il est entendu. C’est ainsi que le capitaine Maloubier est envoyé s’instruire l’année suivante à Portsmouth, au Special Boat Service. Il fera deux séjours chez les Royal Marines.
« Au début, nous n’avions ni combinaisons, ni palmes : nous nagions en survêtements. »
Puis la nouvelle école de formation française s’installe dans une commune algérienne proche d’Oran en 1952. Pour cette mission, Bob Maloubier est secondé par un jeune enseigne de vaisseau, Claude Riffaud. Bâtiment précaire, équipement sommaire, les débuts sont chaotiques : « Nous n’avions ni combinaisons, ni palmes. Nous nagions en survêtements, se souvient-il. La première promotion était composée de quatre commandos marine et de quatre sous-officiers du 11e Choc [bras armé du SDECE, NDLR]. Très vite, la source s’est tarie. Et l’armée française nous a envoyé tout ce qu’elle comptait de bancales, d’aveugles et de paralytiques. Pour les premières sélections, nous n’avons pas retenu une seule personne. » Dans L’Espion aux pieds palmés, publié en 2013, le premier des nageurs raconte : « Tout ce qu’il nous passe par la tête, nous le mettons à l’épreuve. Nous n’observons qu’une seule règle, mais inconditionnelle celle-là : nous n’exigeons de nos hommes rien que nous n’ayons expérimenté les premiers. »
Le cours est aujourd’hui l'une des formations les plus exigeantes du podium militaire. Et pour cause, le nageur de combat est le seul combattant formé à intervenir à partir de tous les vecteurs, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes. À plus de 8 000 mètres d’altitude ou à 60 mètres sous l’eau, on les retrouve au service action de la DGSE ou chez les commandos marine Hubert. Soixante-deux ans après la création de cette unité d’élite, seuls 1 000 nageurs de combat ont obtenu l’insigne aux deux hippocampes ailés. Une histoire dont Bob Maloubier est l’un des illustres auteurs. Il semble d’ailleurs que le temps n’ait pas de prise sur cet homme : « Ce qui me maintient en forme ? Je ne connais pas de meilleure discipline sportive que la guerre. »
Bob Maloubier en 7 dates
1923 : Naissance à Neuilly-sur-Seine
1943 : Recruté à Londres par le Special Operations Executive
1945 : Reçoit la Distinguished Service Order britannique
1947 : Participe à la création du service action du Sdece (aujourd’hui DGSE)
1952 : Crée l’unité des nageurs de combat
2014 : Publie Les secrets du Jour J (éd. La Boétie)
2015 : Publie La Vie secrète de Sir Dansey, maître-espion (éd. Albin Michel
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