12 mai 2015 par Benoît Maraval – 45eNord.ca
Le premier hélicoptère maritime CH-148 Cyclone doit être livré officiellement aux forces armées en juin 2015, vient d’annoncer le ministre de la Défense nationale, Jason Kenney.
S’exprimant à l’hôtel de ville d’Ottawa mardi 12 mai 2015, le ministre s’est félicité de cette première livraison dans le cadre d’un programme d’acquisition qui, de l’aveu même du ministre, aura nécessité plusieurs décennies de travaux, ponctuées par divers retards, annulations et circonvolutions politiques. Le chiffre de «45 ans» avancé par le ministre sous forme de boutade lors de son allocution n’est pourtant pas si loin de la réalité dans la mesure où on peut raisonnablement situer la genèse du programme au début des années 80, une époque où les CH-124 SeaKing célébraient déjà 20 ans de mise en service.
Un processus long et coûteux
Au sein de la communauté intéressée par les questions de défense au Canada, si les avis divergent souvent sur certains processus d’acquisition (F-35 notamment), experts et observateurs s’accordent volontiers pour considérer le programme des hélicoptère maritimes comme le parfait exemple à ne pas suivre: première annulation pure et simple du programme en 1993 accompagnée d’atermoiements successifs de 10 ans – notamment dus aux 500 millions $ de pénalités d’annulation – avant qu’un premier accord ne soit conclu avec Sikorsky en 2004 sous la forme de deux contrats (acquisition d’une part, maintenance d’autre part) pour un montant total de 5 milliards $.
S’ensuivirent des retards non seulement dans la livraison de la version finale des Cyclone – prévue initialement en 2008 – mais également dans celle d’appareils provisoires censés assurer la transition avec le retrait progressif des Sea King.
Enfin, en 2013, alors même que les Sea King célèbrent leur demi-siècle, le ministère des Travaux Publics et Services Gouvernementaux Canada charge la société Hitachi Consulting de procéder à une évaluation du programme et menace Sikorsky de dénoncer le contrat compte tenu des nombreux retards accumulés.
Aujourd’hui, après deux modifications de contrats et une augmentation substantielle des coûts (le budget total du programme atteint désormais 7,6 milliards $, soit une augmentation totale de 52% par rapport à l’enveloppe initiale), quatre CH-148 Cyclone sont déjà stationnés à la 12e Escadre Shearwater à Halifax, le centre de l’aviation navale du Canada et la base d’attache des vieillissants CH-124 SeaKing. Les quatre appareils sont utilisés par Sikorsky afin de former les membres du cadre initial d’instructeurs des Forces armées canadiennes.
Tirer les leçons du passé ?
Conscient des difficultés que posent les processus d’approvisionnement de défense (complexité de la technologie militaire, longueur des cycles de gestion des projets, implication de plusieurs ministères et agences gouvernementales, volonté de garantir le meilleur rapport qualité/prix), M. Kenney a cependant estimé que des progrès étaient perceptibles, citant successivement la création du groupe de travail ministériel responsable de coordonner le processus décisionnel, celle du secrétariat d’approvisionnement en matière de défense ainsi que du comité consultatif en matière d’approvisionnement.
Les deux premières structures évoquées ne sont pas nouvelles et renvoient à la stratégie d’approvisionnement en matière de défense présentée par le gouvernement début 2014. En revanche, la logique qui sous-tend la création d’un comité consultatif provient d’une évaluation trop tardive des besoins militaires exprimés. «Une fois exprimés par l’autorité militaire, ces besoins ne sont remis en cause que des années plus tard, pendant le processus d’acquisition» a regretté Jason Kenney, assurant que ce nouveau comité permettrait d’évaluer la pertinence des besoins en amont, «au moment de leur définition».
Bien que de nature relativement différente, on ne peut s’empêcher de se remémorer d’autres comités semblables. En 2008, Peter MacKay, alors ministre de la défense nationale, décrivait déjà les attributions du «comité consultatif supérieur de projet», réunissant les représentants des ministères impliqués dans chaque grand projet de l’Etat.
«De même, toutes les acquisitions de plus de 2 millions de dollars font l’objet d’un suivi par des comités interministériels d’examen» poursuivait le ministre en réponse à un rapport du comité permanent de la Défense nationale à la Chambre des Communes.
Encore plus tôt, en 2003, le ministère avait également fait appel à un comité d’experts chargé de fournir des recommandations concernant «le processus d’acquisition du matériel et d’approvisionnement au ministère de la Défense nationale».
Ces différents organismes n’ont pourtant pas empêché l’accumulation des retards et obstacles survenus dans d’autres programmes. Les prochains projets d’acquisition – notamment ceux relevant de la stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale – devraient permettre de constater d’éventuelles améliorations concrètes.
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