03/06/2015 Michel Cabirol – LaTribune.fr
Le bilan de la lutte anti-drone reste pour l'heure très modeste. Sur 203 survols illégaux signalés, seulement treize affaires judiciaires mettant en cause essentiellement des touristes, ont été résolues.
C'est ce qu'on appelle un joli flop. L'Etat peine à identifier les téléopérateurs coupables de survols illégaux au-dessus des centrales nucléaires, notamment. Des vols qui ont pourtant mobilisé tout l'appareil répressif français, du ministère de l'Intérieur à l'armée de l'air en passant par la plupart des services de renseignement. En dépit de cette mobilisation, l'Etat a échoué. C'est ce qu'a révélé vendredi dernier, lors du colloque organisé par le Secrétariat général de la défense et la sécurité nationale (SGDSN), le magistrat du Bureau contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment, Aurélien Létocart.
Le magistrat a dévoilé le bilan de l'action de l'Etat : 203 survols illégaux signalés, 63 procédures judiciaires, dont 55 clôturées, 13 affaires judiciaires résolues. "Nul ne sait qui est vraiment derrière ces survols", a d'ailleurs récemment reconnu à l'Assemblée nationale le général Jean-François Hogard, directeur de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD). Sur ces 13 affaires qui ont abouti, les magistrats ont finalement ordonné comme peine principale la confiscation des drones. Ils ont dû se contenter également de faire un rappel à la loi et ont éventuellement infligé des amendes inférieures à 1.000 euros.
Pas de répression
"Il n'y a pas eu de répression", a reconnu Aurélien Létocart. Pourquoi? Tout simplement, a-t-il précisé, parce que la justice a démontré que les téléopérateurs démasqués avaient "une absence de volonté de nuire" et "une méconnaissance de la législation en vigueur" en matière de vol de drone. Notamment des touristes arrêtés qui ont fait voler un drone dans le ciel de Paris, a-t-il reconnu. Des journalistes étrangers sont aussi à l'origine de survols de Paris par des drones ainsi qu'un agent de la... CNIL. Bref, du menu fretin, bien loin du terrorisme international. Ce qui fait grincer les dents au ministère de l'Intérieur, qui trouve que le bilan n'est pas très satisfaisant.
La question des drones est délicate. "Les citoyens ont l'impression qu'on peut impunément surveiller des sites sensibles", a regretté le général Jean-François Hogard. Pour autant, a fait observer le secrétaire général du ministère l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie Francis Rol-Tanguy, les centrales nucléaires et les sites durcis ne sont pas les installations qui présentent le plus de risques en termes d'impact. Contrairement aux infrastructures aéroportuaires à la merci de pertes d'exploitation, et à certaines installations d'importance vitale. Plus généralement, les drones peuvent filmer les centrales nucléaires. "Ce qui n'est pas tolérable", a convenu le patron de la DPSD.
Des drones difficilement détectables
Dans ce contexte, l'État travaille pour trouver des solutions pour empêcher les survols illégaux de drones mais n'a pas encore trouvé la solution technique face à cette menace asymétrique. "La détection des drones est relativement difficile compte tenu de leur petite taille", a reconnu le directeur de la protection des installations, moyens et activités de la défense (DPID), le contre-amiral Frédéric Renaudeau. "Il s'agit en effet de véhicules de petite taille mettant en œuvre des matériaux non métalliques, se déplaçant à faible vitesse et à basse altitude. Ces trois caractéristiques alliées à un haut niveau d'autonomie rendent ces véhicules très difficiles à détecter", a confirmé le directeur technique général de l'ONERA, Thierry Michal.
Selon le patron de la DPID, la meilleure détection passe par des radars capables d'identifier un drone et de le distinguer d'un autre aéronef ou d'un oiseau. "Nous sommes en particulier capables de mesurer en laboratoire la signature optique et/ou radar des aéronefs envisagés", a pour sa part indiqué Thierry Michal.
La mise en œuvre d'une lutte anti-drones nécessite de remplir l'ensemble des fonctions : détection, identification, décision, neutralisation. "L'efficacité du système impose d'assurer une veille permanente nécessitant une automatisation poussée et une réflexion attentive à la place de l'homme dans la boucle. Enfin, il faudra s'assurer de la cohérence de la complexité et du coût du système vis-à-vis de la menace réellement représentée par ces engins", a précisé le directeur technique général de l'ONERA.
Des solutions adaptées aux enjeux financiers
Le patron de la sécurité d'EDF, Patrick Espagnol, attend d'ailleurs "une réponse globale adaptée aux enjeux sécuritaires et financiers". Très clairement, EDF ne veut "pas d'une solution onéreuse", qui "s'appuie sur l'existant mais enrichi par la recherche et développement (R&D)". Car pour l'heure, a-t-il confirmé, la prise de contrôle d'un drone ou sa destruction restent "encore très aléatoires".
Ainsi, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a lancé un appel à projets doté d'un million d'euros pour trouver des solutions à plus long terme. Sur les 24 projets soumis, deux ont été retenus, début avril : "Boréades" de l'entreprise CS et "Angelas" de l'ONERA. Deux études qui vont durer 18 mois. En outre, le ministère de la Défense s'est donné six à douze mois pour dégager des solutions capacitaires intérimaires.
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