11 juin, 2015 Pierre Brassart (FOB)
Quel bel exemple de voeux pieux que celui du ministre belge de la Défense Steven Vandeput. Ce dernier a récemment fait état de son souhait de voir le budget de la Défense belge tripler d’ici 15 ans, pouvait-on lire ces derniers jours dans la presse belge.
En 2015, la Belgique devrait dépenser 2,45 milliards d’euros pour sa défense ; soit moins d’un douzième du budget français alors que la Belgique a un PIB par habitant supérieur à celui de la France (période 2010-2014, source FMI). Ce montant pourrait être appeler à diminuer durant la seconde moitié de cette décennie pour atteindre 2,1 milliards d’euros en 2019, si le plan de réduction du déficit budgétaire est maintenu sous sa forme actuelle. La Belgique est déjà un des plus mauvais élèves de l’OTAN, alors qu’elle en est un des pays fondateurs et, paradoxalement, un de ses plus ardents défenseurs. La Belgique dépense dans les alentours de 1% de son PIB à sa défense, moitié moins que ce qu’elle devrait. D’accord que peu de pays atteignent ce pourcentage (même si de plus en plus de membres tendent à l’atteindre), mais pour un pays aussi « riche » (le treizième pays de l’OTAN et le neuvième de l’UE, selon le critère de la population ; le douzième pays de l’OTAN et le neuvième de l’UE, selon le critère du PIB, principal indicateur économique en valeur absolue), c’est un peu honteux.
Sur le plan des dépenses en équipements majeurs, le tableau est encore plus sombre. En 2014, la Belgique était le 4ème pays qui dépense le moins pour son matériel (en pourcentage des dépenses de défense totales), juste après la Bulgarie, la Slovénie et l’Albanie… (Sources: Rapport annuel 2014 du secrétaire général de l’OTAN)
L’annonce du ministre de la Défense belge a donc de quoi surprendre. Ce dernier prépare actuellement un plan stratégique pour la prochaine décennie, plan qu’il souhaite présenter avant la fin du mois de juin. Il espère qu’au terme de celui-ci, le budget de la Défense belge sera remonté à 6,3 milliards.
Tous les Leopard 1A5 de l’armée belge ont été sortis de service
La Belgique aurait en effet bien besoin de cet argent. Si le matériel de la Composante Terre a recu une attention particulière ces dernières années avec le remplacement de tous les véhicules hérités de la guerre froide (remplacement des chars Leopard et des VCI AIFV par des Piranha III, remplacement des M-113 par des Dingo II, remplacement des jeeps Iltis par des LMV) et que d’importants programmes, lancés il y a de nombreuses années, au profit de la Forces aérienne, commencent à aboutir (les NH-90 commandés sont en service, les A-400M devraient commencer à arriver à partir de 2018), des programmes encore plus importants pointent le bout de leur nez.
Plusieurs centaines de Piranha IIIC ont été acquis en différentes versions
En effet, la flotte de F-16 belge approche tout doucement des 40 ans de service et son remplacement fait débat. Les concurrents pressentis sont:
– le F-35, qui part favori vu le choix de plusieurs pays de l’OTAN pour cet appareil, qui est également le chouchou des pilotes belges.
– le F/A-18
– L’Eurofighter Typhoon qui, selon certains généraux de la Force aérienne belge, n’aurait aucune chance,
– le Gripen, qui pourrait jouer sa carte d’avion léger (ce qu’était déjà le F-16 lors de son entrée en service)
– et notre Rafale national, qui, renforcé par ses récents succès à l’export, semble être un sérieux concurrent du F-35.
Les F-16 belges sont sur tous les fronts ces dernières années (Afghanistan, Libye, Irak,…)
Quel que soit l’appareil choisi, l’impact sur le budget de la Défense sera colossal. Vu le climat budgétaire qui règne en ce moment au plat pays, il y a fort à parier que certains partis voudront limiter au maximum les dépenses. Certaines personnalités politiques ont même remis en question l’acquisition pure et simple de nouveaux appareils de combat.
Le deuxième programme qu’a évoqué le ministre belge est celui du remplacement des frégates. La composante navale belge a acquis, en 2005 et 2008, deux frégates néerlendaises de seconde main. Elle les a depuis modernisées mais ces navires, qui approchent les 30 ans de service, devront à terme être remplacés. Ces derniers mois, Heinrich Brauss, le secrétaire général adjoint pour la politique de défense et de planification de l’Alliance, a conseillé à la Belgique de se débarasser de ses frégates pour se concentrer sur le remplacement des F-16. On peut le comprendre. Les F-16 belges sont parmi les plus modernes au monde et disposent d’un taux de disponnibilité incomparable par rapport aux autres armées de l’OTAN équipées de ce chasseur. Les frégates belges, comparées à leurs homologues des marines de l’OTAN sont à la traîne. Les remplacer par des navires plus modernes, même par des frégates de seconde main (ne rêvont pas de frégates neuves), coûterait très cher à la Belgique, alors qu’elle a déjà ses chasseurs à remplacer.
Une des deux frégates belges modernisée
Pour mener à bien ses programmes, le ministre estime avoir besoin d’entre 10 et 12 milliards d’euros, soit l’équivalent de 5 à 6 années du budget annuel actuel de la Défense belge ou de plusieurs dizaines d’années du budget « équipement » actuel. Il est clair que de tels programmes ne seront possibles que si des budgets exceptionnels sont débloqués.
Les hommes politiques belges feraient bien de réfléchir à la place qu’ils souhaient pour la Belgique au sein de l’OTAN et de songer à ce qu’il se passe actuellement à seulement quelques milliers de kilomètres à l’est. Le monde n’est pas encore un petit coin tranquille. Si l’OTAN a apporté la sécurité à la Belgique, cette dernière ne doit pas oublier que l’OTAN n’est jamais que l’addition des moyens de ses membres et que l’Alliance ne sera puissante que tant que les pays membres se donneront les moyens.
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