30 juillet 2015 par Jacques N. Godbout - 45e Nord.ca
Des preuves que les fonctionnaires turcs transigeaient directement avec des membres du groupe armé État islamique (EI) auraient été découvertes lors du raid américain en mai derniersur le complexe qui abritait le «directeur financier» du groupe ultra-radical, rapporte le quotidien britannique de référence The Guardian sous la plume de Martin Chulov.
Le responsable de l’EI en question, Abbou Sayyaf, était chargé de diriger les opérations pétrolières et gazières du groupe en Syrie. les experts estiment que le groupe djihadiste gagne jusqu’à 10 millions $ US par mois en vendant du pétrole sur les marchés noirs.
Washington avait alors déclaré qu’Abbou Sayyaf était un haut responsable du groupe djihadiste, qui a déclaré un califat à cheval sur l’Irak et la Syrie, et « a joué un rôle capital dans la supervision des opérations illicites de l’EI dans le pétrole et le gaz, une source clé de revenus qui permet à l’organisation terroriste de poursuivre ses tactiques brutales et d’oppresser des milliers de civils innocents ».
Cette opération au sol, la première revendiquée explicitement par les États-Unis contre l’EI pour capturer un de ses responsables, avait été menée à Al-Omar, l’un des plus grands champs pétroliers de la Syrie, qui se trouve actuellement sous le contrôle de l’État islamique.
Des documents et des clés USB saisis lors du raid auraient révélé des liens « très clairs » et « indéniables » entre la Turquie et l’EI « qui pourraient finir par avoir des implications politiques profondes sur la relation entre nous et Ankara », aurait déclaré un responsable américain, rapporte l’article du Guardian.
Membre de l’OTAN, la Turquie a longtemps été accusée par les experts, les Kurdes, et même le vice-président américain Joe Biden de fermer les yeux sur les vastes réseaux de contrebande d’armes et de combattants qui faisaient transiter matériel et personnel par le territoire turc.
Mais la donne a totalement changé depuis l’attentat du 20 juillet à Suruç, à proximité de la frontière syrienne, qui a fait 32 morts parmi de jeunes militants de la cause kurde.
L’attaque a été attribuée aux djihadistes de l’EI, mais elle a entraîné une réplique immédiate du PKK contre les autorités turques, accusées d’avoir longtemps fermé les yeux ou même encouragé les activités des djihadistes.
Cet attentat a conduit l’armée turque à bombarder pour la première fois des positions de l’EI en Syrie, un engagement vivement salué par les États-Unis qui mènent la coalition internationale antijihadiste.
Aux prises avec le monstre du terrorisme djihadiste après l’avoir vraisemblablement elle-même nourri ou sentant la soupe chaude après la découverte de preuves de son implication dans le trafic pétrolier du groupe djihadiste honni, toujours est-il que la Turquie, après s’être finalement rangée résolument du côté de la coalition anti-djihadiste menée par les Américains, multiplie maintenant les frappes aériennes et a enfin autorisé les avions de la coalition à utiliser ses bases.
Bénéfice non négligeable, avec la bénédiction de la communauté internationale, les Turcs tentent de faire d’une pierre deux coups, s’attaquent aussi aux positions de rebelles kurdes du PKK dans le nord de la Syrie, au risque d’indisposer et même d,écorcher au passage, les Kurdes syriens et irakiens, les alliées les plus efficaces de la coalition dans la lutte à l’EI.
Les opérations militaires menées par la Turquie en Syrie et en Irak ne visent pas les Kurdes de Syrie, a cependant assuré lundi un responsable turc, après des informations faisant état d’un bombardement de chars turcs sur un village tenus par les milices kurdes syriennes.
Cette impression désagréable que les Turcsont joué, jouent et joueront toujours un double jeu en laisse toutefois plusieurs méfiants. Pour reprendre les mots du président français François Hollande, il importe maintenant pour les Turcs de « ne pas se tromper de cible ».
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