10/04/2013 Par Jean Guisnel - Défense ouverte - Le Point.fr
Le président François Hollande a choisi un diplomate expérimenté pour diriger le renseignement extérieur français.
En faisant revenir de Kaboul l'ambassadeur de France en Afghanistan, Bernard Bajolet, 63 ans, pour le nommer à la tête de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), François Hollande innove, mais ne suscitera pas de contestation. Nommé le 10 avril en conseil des ministres, Bajolet devait prendre ses fonctions dans la foulée. Sa nomination entérine une orientation marquée : le rôle croissant de la filière diplomatique dans le renseignement, une tradition très ancrée au Royaume-Uni, mais nouvelle en France. L'homme est un familier du monde du renseignement : il avait été choisi en 2008 par Nicolas Sarkozy, qui lui avait confié un poste nouveau installé à l'Élysée, celui de coordonnateur national du renseignement (CNR). Dans ce poste qu'il a occupé de juillet 2008 à février 2011, il a réussi à mettre sur pied une structure légère aujourd'hui bien en place, qui a fait son trou dans la communauté française du renseignement.
Les tropismes de Bernard Bajolet sont très clairement orientés vers le monde arabo-musulman, qui demeure l'épicentre des tensions mondiales... Il a multiplié les postes diplomatiques à partir de 1998, dans des pays de plus en plus chauds : successivement ambassadeur de France en Jordanie, en Bosnie-Herzégovine, en Irak, en Algérie et en Afghanistan, il est sans aucun doute le meilleur spécialiste français des soubresauts qui agitent ces contrées, et le plus expérimenté. Ses relations avec la DGSE ont été excellentes et il paraît logique de pronostiquer que les hommes du service qu'il a croisés dans ces postes exposés seront des guides efficaces dans les arcanes d'une maison sensible.
Priorité aux otages français
Bernard Bajolet prend possession d'un service en état de marche, dont seule une très minime partie des activités est connue. Ses priorités seront celles de son prédécesseur et concernent d'abord les otages français en Afrique. La nouvelle politique gouvernementale française consiste à ne plus communiquer du tout sur les otages, à affirmer qu'aucune rançon ne sera plus versée et à enfouir ce sujet sous le boisseau. Bernard Bajolet a - évidemment - respecté la consigne. Il quitte l'Afghanistan au lendemain de la libération de deux otages français, Pierre Borghi et Charles Ballard, dont il a coordonné les recherches en étroite collaboration avec le service dont il prend aujourd'hui la tête. La DGSE avait mis en place deux équipes distinctes pour sortir nos deux imprudents compatriotes des griffes de leurs ravisseurs.
Bernard Bajolet succède à Érard Corbin de Mangoux, 60 ans, nommé à la préfecture des Yvelines et qui était en poste depuis 2008. Ce long mandat a été marqué par de très nombreuses interventions de la DGSE, dans une période particulièrement active, notamment après les prises d'otages. Bernard Bajolet rejoint une maison très marquée par l'échec de la libération de l'otage Denis Allex en Somalie, et très sollicitée par François Hollande. De ce point de vue, la proximité du chef de l'État et du nouveau directeur des services spéciaux - qui lui a rendu visite très régulièrement depuis son élection - sera un atout. Nous avions écrit par erreur le 23 mars que Bajolet était issu de la promotion Voltaire de l'Ena (1980), celle du président de la République. Il sort en fait de la promotion Léon Blum (1975), celle de Martine Aubry, Pascal Lamy et Alain Minc.