18/03/11 par Alain Ruello LESECHOS
L'avionneur ne s'oppose pas à ce que la participation de Thales dans le groupe naval militaire passe de 25 % à plus de 51 %. A condition de régler le cas des 5.000 ouvriers d'Etat, a indiqué hier son PDG, Charles Edelstenne. Ce dernier a réitéré son soutien sans faille à Luc Vigneron.
Le conflit salarial à peine réglé, les syndicats de DCNS ont hérité d'un nouvel os à ronger. En présentant hier ses résultats pour 2010, marqués par un chiffre d'affaires record, Dassault Aviation s'est montré ouvert à une prise de contrôle du chantier naval militaire par le groupe Thales, qu'il contrôle en partie. Ce qui reviendrait à privatiser les ex-arsenaux de la marine, près de quatre cents ans après leur création. Thales est actionnaire de DCNS à hauteur de 25 %, le solde étant dans les mains de l'Etat. Le groupe d'électronique dispose jusqu'en mars 2012 d'une option lui permettant de monter à 35 %, à des conditions de prix déjà fixées. « J'ai demandé à ce que l'on étudie la possibilité d'aller au-delà », a indiqué Charles Edel-stenne, le PDG de Dassault. Au delà de 51 % ? « Par exemple. ». Présente dans tous les esprits, mais jamais évoquée publiquement, l'hypothèse d'une privatisation de DCNS est logique. Né en 1631 avec la construction des premiers arsenaux royaux sous le ministère du cardinal de Richelieu, le groupe naval a connu une première évolution en 2003 quand, de direction du ministère de la Défense, il a pris le statut de société de droit privé à capitaux publics.
Nouvelle étape en 2007, avec la prise de participation minoritaire de Thales.
Compte tenu de la proximité de l'élection présidentielle, la décision d'enclencher ou non la privatisation de DCNS reviendra très probablement au prochain gouvernement. D'autant que, pour Dassault, il y a un obstacle préalable à lever : celui des 5.000 ouvriers d'Etat que compte DCNS, sur un effectif de 12.500 personnes.
Economies budgétaires
Cette question liée au coût du personnel est décisive, « surtout dans un environnement de concurrence international , estime Charles Edelstenne. C'est pour cela que Luc Vigneron [le président de Thales, NDLR] a proposé de prendre un an de plus ». Prudent, l'avionneur cherche aussi des garanties, dans la mesure du possible, sur le futur plan de charge de DCNS. Pour l'instant très rempli, le carnet de commandes du groupe naval pourrait faire les frais en 2013 des économies budgétaires en France. Certains syndicats n'ont pas tardé à réagir. Jean-Michel Janeau, délégué Unsa, ne comprend pas pourquoi les ouvriers d'Etat sont pointés du doigt : « Ils contribuent autant que les salariés sous convention collective à la création de richesses de DCNS », critique-t-il, marquant son opposition à toute solution qui passerait (comme chez Nexter) par un transfert des personnels concernés dans une structure à part. Et de faire un rapprochement avec l'arrivée début juillet d'un nouveau DRH, Alain Guillou, qui occupe les mêmes fonctions à la DGA. Quant à l'hypothèse d'une privatisation, le syndicat ne ferme pas complètement la porte, mais dans la perspective d'une consolidation plus générale de l'industrie française autour de Thales. On n'en est pas encore là puisque la priorité pour le groupe d'électronique reste de restaurer sa rentabilité. Et, sur ce point, Charles Edelstenne a réitéré son soutien total à l'action de Luc Vigneron, objet de nombreuses rumeurs depuis qu'il a été nommé. « C'est une opération de démolition ignoble, et peut-être un jour serais-je amené à frapper encore plus fort », a-t-il déclaré, menaçant d'un grand déballage ceux qui en sont à l'origine.