15/11 Par Jean-Philippe Lacour, Correspondant à Francfort - lesEchos
Empêtré dans plusieurs affaires de versements présumés de pots-de-vin datant de la dernière décennie, le groupe franco-allemand d'aéronautique EADS annonce ce jeudi qu'il a commandé un audit externe devant se pencher sur l'ensemble de ses procédures internes de conformité.
Pas vraiment un hasard : EADS a annoncé ce jeudi qu'il avait confié à un organisme externe le soin de passer en revue ses procédures de conformité aux règles d'éthique, alors qu'il fait ces derniers temps les gros titres de la presse sur des affaires de malversations financières. « On met tout à plat », indique une source dans l'entourage du groupe franco-allemand d'aéronautique et de défense. EADS prend les devants à la suite d'une enquête pénale de la Grande-Bretagne sur ses activités en Arabie Saoudite, tandis que les parquets de Munich et de Vienne font oeuvre commune dans une autre enquête pour corruption présumée dans la vente d'avions de combat Eurofighter à l'Autriche.
Petit rappel des faits : l'office britannique de lutte contre la délinquance financière (SFO) a ouvert en août une enquête sur GPT, qui travaille pour le compte du ministère britannique de la Défense et est une filiale d'Astrium, la division d'EADS spécialisée dans l'espace. A peine cette enquête ouverte, la presse révélait que des dirigeants d'EADS avaient été alertés dès 2007 de possibles faits de corruption de la part de GPT pour l'obtention d'un contrat de télécoms militaires en Arabie saoudite portant sur 2,5 milliards de dollars.
EADS souligne dans un communiqué sa « coopération totale » avec le SFO dans cette affaire et « reconnaît ne pas avoir réagi suffisamment rapidement lorsque ces allégations ont circulé pour la première fois au sein de la filiale ». Le groupe a déjà mandaté par le passé le cabinet PricewaterhouseCoopers pour enquêter sur GPT, mais il n'en est sorti aucune preuve concernant des instructions données en vue de paiements frauduleux, affirme-t-il.
Un français chargé de tout auditer
Concernant l'enquête sur la vente de l'Eurofighter, elle suscite des tirs à boulets rouge du monde politique autrichien. Le ministre de l'Economie du pays, Reinhold Mitterlehner, s'est dit persuadé de l'existence de malversations dans cette affaire. Il en veut pour preuve les changements d'opinion de dernière minute de hauts décideurs en 2003, en faveur du projet d'achat alors très controversé de 18 avions de chasse. Le patron d'EADS, Tom Enders, déclare quant à lui qu'il prend ces allégations de fraude « très au sérieux » et qu'EADS « coopère pleinement avec les ministères publics dans le cadre de cette affaire ».
Pour faire meilleure figure au présent et pour l'avenir, EADS groupe a confié le tour d'horizon global de ses procédures anti-corruption au cabinet Ethic intelligence, une entité se chargeant de mener des travaux de certification depuis 2006. Elle est dirigée par le français Philippe Montigny, qui l'a fondée après qu'il ait participé dans le passé aux négociations ministérielles avec l'OCDE en vue d'établir la convention anti-corruption de l'organisation économique.
Ethic Intelligence a récemment certifié les systèmes de conformité d'Alstom et de filiales d'Orange. L'audit chez EADS promet d'être complexe. Des premiers éléments conclusifs devraient être rendus en février prochain. Un spécialiste international des affaires de corruption juge « essentiel » ce type de démarche venant d'une entreprise agissant dans une industrie exposée, mais à condition que ce ne soit pas du « window dressing ».