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13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 11:44
F 35 britanniques : what a mess[*] !

 

13 Mai 2012 Jean-Dominique Merchet

 

Le revirement de Londres sur le choix du futur avion de combat F 35, annoncé jeudi dernier, illustre le désarroi dans lequel se trouve la défense britannique. Des finances publiques à sec, des forces armées littérallement lessivée par dix ans de guerres (Irak, Afghanistan), une industrie qui a perdu des pans entiers de ses compétences et, cerise sur le gateau, des politiques, très divisés, qui ne savent pas où ils veulent vraiment aller.

 

En comparaison, la situation française apparait exceptionnellement favorable... mais il n'y a pas lieu de s'en réjouir. Car, volens nolens, le destin de nos pays est lié. Le Royaume-Uni est, pour l'heure, le principal partenaire militaire de la France. Son affaiblissement est au final notre affaiblissement.

 

Revenons au F 35... en sachant bien que ce n'est qu'une étape de plus dans une longue descente aux enfers. Il y en aura d'autres, et elles se décideront d'abord aux Etats-Unis, puisque Londres a fait le choix de s'en remettre à Washington pour équiper son aviation. Et que le programme de F 35 (l'ancien Joint Strike Fighter) de Lockheed n'est pas à proprement parler une réussite. Trop complexe (trois versions très différentes) et trop cher : le dernier rapport du Congrès américain parle de 400 milliards. Ce n'est pas fini, car les avions ne sont toujours pas en service et on ne sait ni quand, ni qui sous quelle forme et en quels nombres ils le seront un jour.

 

En décembre 2006, le gouvernement britannique annonçait sa décision d'acheter 135 F 35 dans sa version B. Cette version est à décollage court et atterrisage vertical (STOVL, en anglais). C'est la version développée spécialement pour l'aviation de l'US Marine Corps et qui doit succèder aux Harriers britanniques.

En octobre 2010, le gouvernement britannique (qui entre temps est devenu conservateur) change de cap. Il est décidé d'acquérir des F 35 mais dans sa version C, celle de l'US Navy. C'est un appareil naval traditionnel conçu pour décoller d'un porte-avions avec une catapulte et y apponter avec un brin d'arrêt (Catobar, en anglais). Moins complexe techniqument, l'appareil est à la fois moins couteux et plus performant en terme de capacités d'emport (carburant ou armement). Il oblige cependant à disposer de porte-avions pouvant le mettre en oeuvre. Le nombre d'appareils que Londres souhaitent acheter est réduit, mais le chiffre exact n'a pas été rendu public. En tout cas, pas 135...

Nouveau contre-ordre, jeudi 10 mai 2012 : le secrétaire à la Défense Philipp Hammond annonce aux Communes que Londres a décidé de revenir à l'achat de la version B (STOVL) ! La justification est la suivante : même si l'avion est moins cher, l'adaptation du futur porte-avions Queen Elizabeth se révèle hors de prix : la facture de l'adaptation a doublée, pour atteindre 2 milliards de livres (2,5 milliards d'euros...) ! Une somme proprement folle. Et l'avion ne sera pas disponible, au mieux, avant 2023, dans douze ans... Passons sur le fait que les Britanniques construisent deux porte-avions, sans savoir que faire de l'un des deux (Prince of Wales) puisqu'il a été jugé trop cher d'arrêter le chantier. Quant au reste de l'aviation britannique, elle repose sur l'Eurofighter Typhoon, qui n'est pas non plus la réussite du siècle, en matière de coûts et de performances...

 

De ce côté-ci de la Manche, on fait grise mine. Le choix de 2010 apparaissait comme la volonté de Londres de se rapprocher du modèle français pour, à terme, envisager un groupe aéronaval commun. Cette perspective s'éloigne, même si l'on avait beaucoup exagéré les possibilités de rapprochement en la matière. En effet, poser un avion sur un porte-avions est une chose, le mettre en oeuvre en est une autre. On a vu des Rafale se poser sur des porte-avions américains et participer à quelques exercices, mais imaginer que les avions français ou britanniques puissent être mis en oeuvre, de manière opérationnelle, à partir de porte-avions de l'un ou l'autre pays est une pure vue de l'esprit. Ne serait-ce que parce qu'il faut tout le soutien mécanique et l'armement des avions : il faut beaucoup de place et beaucoup de monde pour s'en occuper. Où les mettrait-on ? On oublie aussi un peu vite que le F 35 C (Catobar) est plus lourd (plus de 31 tonnes, à pleine charge) et qu'il ne pourrait pas être mis en oeuvre par le Charles de Gaulle. Les Américains développent d'ailleurs, à très grand prix, des catapultes électriques. Bref, on a un peu rêvé, comme on le fait depuis plus dix ans, sur un porte-avions franco-brtiannique. L'annonce de jeudi n'est qu'un douloureux retour au réel.

 

Très réelle aussi, l'inconséquence du choix des pays qui se sont embarqués dans le projet F 35... et qui s'en mordent les doigts. L'avion n'est pas là, il siphonne leurs crédits de recherche-développement et même les Britanniques découvrent qu'ils n'auront pas accès aux codes-sources, les secrets les plus précieux pour un programme de cette complexité. En clair, ils se sont mis entre les mains des Américains et financent la destruction d'une capacité européenne (ou autres, pensons au Canada, au Japon...) de concevoir les futurs avions de combat. Belle réussite !

 

* "Quel b*** ! "... pour les non-anglophones

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