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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 08:05

Europe Flag

 

04/06/2012 par Bertrand de Cordoue- Les Echos.fr

 

L'alternance qui vient de se produire en France relancera-t-elle le projet d'Europe de la défense dont il est si difficile de mesurer les progrès depuis que le traité de Maastricht en a fait un objectif en 1992 ? En dépit des intentions affichées à cet égard par le président élu, la réponse à cette question sera négative si on commet l'erreur classique, et narcissique, de croire qu'il suffirait que Paris marque sa volonté d'aller de l'avant pour que la construction européenne s'étende enfin à la défense.

 

Cette ambition ne pourra prendre forme qu'à condition d'admettre une réalité simple : la France n'est plus une nation entièrement souveraine en matière de défense. Sa place au Conseil de sécurité et sa force de dissuasion lui conservent un statut particulier, mais elles ne sont plus la garantie ni de son indépendance ni de sa sécurité : pas d'intervention en Libye sans coalition, pas de lutte contre le terrorisme sans concours de nos voisins, pas de drone ni de transport aérien militaire sans collaboration industrielle.

 

Comme notre économie, notre sécurité est aujourd'hui tributaire de notre environnement. Cette évolution géostratégique, qu'analysait d'ailleurs bien le Livre blanc de 2008, ne peut pas rester plus longtemps sans conséquence sur notre politique de défense : reconnaissant ses limites, celle-ci doit, sans se laisser acculer, choisir les dépendances qu'elle ne peut plus éluder. Sur ce terrain comme sur celui de l'économie, il n'y a pas d'autre choix que celui de l'Europe. Et c'est l'économie qui rend aujourd'hui ce choix plus pressant puisque la crise de la dette oblige à des restrictions budgétaires inédites.

 

Tirer les conséquences de cette réalité sur le plan industriel, c'est entrer dans une révision copernicienne de notre outil de défense à au moins trois titres.

 

• Donner un contenu technologique et industriel au concept de « dépendance mutuelle acceptée » introduit dans le Livre blanc de 2008. Plus que de faire jouer la concurrence, l'intégration progressive du marché européen des équipements militaires a précisément pour objectif de permettre ces dépendances croisées entre pays de l'Union et de favoriser la consolidation de fournisseurs européens plurinationaux.

 

• Evoluer vers un mode de conduite des programmes adapté aux contraintes de la coopération (et non l'inverse). Il est admissible qu'un projet conduit à plusieurs soit plus coûteux dès lors qu'il permet à chacun des participants de réaliser une économie par rapport à une solution nationale. Mais, pour cela, les Etats doivent accepter de déléguer le pilotage des programmes en coopération à des structures multinationales intégrées, capables d'imposer des compromis. Aux industriels, il revient de faire des offres pragmatiques sans empiler les spécifications et les versions pour maximiser, de manière illusoire, leur plan de charge.

 

• Reconnaître que l'activité industrielle d'armement située sur le territoire français n'a d'avenir que si les entreprises qui en assurent la maîtrise d'oeuvre atteignent - sans être portées à bout de bras par des commandes nationales devenues insolvables -une taille critique suffisante pour être compétitives face à leurs concurrentes américaines ou, bientôt, issues des pays émergents.

 

Face à ce triple défi, même si la France reste un des principaux acteurs de la défense en Europe, on voit bien qu'il n'y a place ni pour l'attentisme ni pour l'arrogance. Notre pays n'a d'autre choix que d'accepter un nouveau stade d'intégration européenne en matière de défense, celui qui touche à l'industrie d'armement. Cela veut dire que nous devons refuser tout a priori dans le choix de nos partenaires. L'effort de coopération avec les Britanniques est légitime. Il ne doit pas devenir exclusif. La géométrie variable selon les projets doit rester la règle. Eliminer les pays dits « petits » au motif qu'ils ont des budgets militaires faibles est contre-productif : c'est les encourager à confier leurs ressources à l'industrie américaine.

 

Cela veut dire que, tout en tenant compte du poids de chacun, nous devons refuser les coopérations intergouvernementales qui accordent le droit de veto à chacun des participants et font le lit d'un strict et inefficace juste retour industriel.

 

Cela veut dire que nous ne pouvons plus concevoir notre politique industrielle dans ce secteur de manière exclusivement hexagonale et que nous devons résolument favoriser la constitution de champions européens multinationaux. On trouve aujourd'hui, dans les services de l'Etat comme dans les entreprises concernées, beaucoup de motivation et d'enthousiasme, notamment parmi les jeunes ingénieurs, pour ce projet d'Europe de l'armement. Ne les décevons pas !

 

* Bertrand de Cordoue est ancien directeur à l'Agence européenne de défense.

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