Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 octobre 2011 5 14 /10 /octobre /2011 07:55

http://s2.lemde.fr/image/2011/10/13/540x270/1587387_3_c94d_le-colonel-quddos-ghani-devant-l-ecole-de.jpg

 

Le colonel Quddos-Ghani devant l'école de Cavalerie de Puli Charki, le 25 septembre 2011 à Kaboul, Afghanistan.FACELLY ALBERT/Pour Le Monde

 

13.10.2011 Reportage par Nathalie Guibert – LEMONDE

 

Kaboul Envoyée spéciale - Le colonel A. Qudooz Ghani aime, en cette fin d'été, prendre le thé devant le vaste chantier en cours sur la base de Pol-e-Sharki, à la sortie de Kaboul. Sous ses yeux, l'école des blindés de l'armée nationale afghane (ANA) émerge d'une étendue poussiéreuse, un terrain sur lequel rouillaient des déchets militaires depuis l'occupation soviétique. En mars 2012, des locaux d'instruction accueilleront 900 hommes. Pour eux, les Américains ont déboursé 650 millions de dollars (470 millions d'euros). Ils produisent spécialement 500 véhicules.

 

Le colonel Qudooz a débuté comme chef de peloton. Ce Pachtoun a combattu avec les Russes contre les moudjahidine. Il a passé quatre ans en URSS. Cet officier élégant, à la moustache poivre et sel bien taillée, a quitté le palais présidentiel du président Hamid Karzaï, dont il assurait la sécurité, pour se consacrer à la formation des nouveaux officiers de l'ANA. Il s'en réjouit : "Ce qui n'était pas possible pour nous il y a vingt ans le devient. Nous essayons de construire une armée complète."

 

La feuille de route est écrite par l'OTAN. La coalition a annoncé qu'en 2014 elle aurait transféré la sécurité du pays aux Afghans. Une armée de 195 000 hommes doit être prête à l'été 2012. Dix ans après le début de leur intervention dans le pays, les Américains assument l'essentiel de cet effort, soldes comprises. A l'école des blindés, les instructeurs, Français et Roumains - spécialistes des chars russes T 62 -, ont quatorze semaines pour former un premier bataillon. Il y en aura sept. "C'est un programme du volume de l'armée française, qu'il nous faudrait vingt ans pour mener à bien à nos standards", note le lieutenant-colonel Stéphane T., adjoint du colonel Qudooz.

 

Paris, engagé depuis plusieurs années dans cette mission, a même commencé à former des sous-officiers sur ses bases aux Emirats arabes unis : 900 Afghans en sortiront en 2012. "L'Afghanistan connaît ce que la France a vécu à la Révolution, quand on a pris les premiers venus pour créer les maréchaux d'Empire. Le problème, c'est le rythme", note le colonel Philippe Lejeune, chef de la mission de formation française.

 

Avec les autres forces de sécurité - commandos, services de renseignement, milices, polices nationale et locales -, l'Afghanistan et ses 30 millions d'habitants vont bientôt compter 350 000 hommes en armes. La moitié d'entre eux auront été instruits en trois ans. Jamais aucune armée au monde n'a bénéficié d'un soutien aussi considérable. La démesure de l'effort se jauge à la question que tous, ici, se posent : dans la durée, qui en assumera le coût, sachant que le pays ne couvre qu'un tiers de ses dépenses civiles et militaires ?

 

Dans cette course, l'OTAN a d'abord jeté au feu des talibans des bataillons d'infanterie dégrossis en à peine quelques semaines. "Jusqu'ici, on a fait de la quantité. On commence à faire de la qualité", explique un officier français. A partir de mi-2012, la formation d'application des officiers afghans s'allongera de quatre mois à douze.

 

Les capitaines français qui l'encadrent sur le terrain sont d'accord : cette nouvelle armée est courageuse, combative, réactive. Elle progresse indéniablement. Elle commence à planifier seule ses opérations. En Kapisa, à l'est de Kaboul, l'ANA a "bien tenu" lors des rudes combats de l'été contre les insurgés. "Nous faisons de grands progrès, les choses s'accélèrent", estime le colonel Adbullah Faqir Zaak, qui observe des cadets à l'exercice au Kaboul Military Training Center. "Car nous avons l'énergie pour aller de l'avant." Mais cet officier convient qu'il manque encore de nombreux moyens au regard de l'ambition affichée. Lui voudrait que les Occidentaux restent le plus longtemps possible : "Le jour où les Français nous quittent, nous serons en danger."

 

D'immenses difficultés demeurent. Hormis les unités d'élite, que les experts occidentaux jugent au niveau, les forces afghanes souffrent de graves lacunes : analphabétisme, paies insuffisantes, encadrement intermédiaire défectueux, désertions, tensions ethniques. Les infiltrations talibanes sont une crainte majeure. "Notre problème principal consiste à identifier les bonnes personnes, à avoir confiance dans nos recrues", confirme le colonel Qudooz.

 

L'ANA n'a toujours pas d'appui. Le colonel Abdullah veut "des armes lourdes, ce serait bon pour le moral". L'armée ne dispose d'aucun des moyens qui lui permettraient de tenir dans la durée : ni génie, ni artillerie, ni aviation (la flotte d'hélicoptères devrait être prête en 2016). Ni même la logistique, gangrenée par la corruption : "Les Afghans ont du matériel américain mais, en six mois, nous n'avons pas vu un bidon d'huile arriver pour le faire fonctionner", témoigne un gradé français.

 

La faiblesse du leadership politique de Kaboul pèse sur l'avenir de la jeune ANA. Le président Karzaï ne s'est pas approprié ce nouvel outil militaire, constatent les experts. Après 2014, le risque est grand de voir l'armée éclater, et, faute de coordination, les diverses forces afghanes s'entre-déchirer. Une inconnue demeure : les Etats-Unis vont-ils, comme en Irak, garder en main les fonctions d'appui des forces du pays ? Les contours du partenariat stratégique de long terme actuellement négocié avec le pays seront déterminants.

 

A la question de savoir quel ennemi la nouvelle armée combattra dans les années qui viennent, le colonel Adbullah répond en balayant le ciel de Kaboul du regard : "Il y a beaucoup d'ennemis en Afghanistan."

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : RP Defense
  • : Web review defence industry - Revue du web industrie de défense - company information - news in France, Europe and elsewhere ...
  • Contact

Recherche

Articles Récents

Categories