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21 février 2013 4 21 /02 /février /2013 11:30

Rafale photo2 Sirpa Air

 

21/02/2013 Michel Cabirol – LaTribune.fr

 

Deuxième volet de la saga sur les négociations du Rafale aux Emirats Arabes Unis en trois chapitres. Voici le temps des espoirs... mais aussi des concessions. C'est en juin 2008 que les Emirats Arabes Unis ont dévoilé des discussions préliminaires en vue d'acquérir jusqu'à 63 Rafale. A l'été 2010, les négociations se compliquent.

 

Un an après le fiasco franco-français retentissant du Rafale au Maroc, Nicolas Sarkozy arrache une promesse de vente des Emirats Arabes Unis (EAU) jusqu'à 63 avions de combat tricolore. C'est précisément le 5 juin 2008 que sont officiellement évoquées pour la première fois des "discussions préliminaires" entre les deux pays. Selon une source officielle, citée par l'agence émiratie officielle Wam, "des discussions se déroulent entre le gouvernement des Emirats arabes unis et la République française" sur une vente de Rafale. Dans la foulée, l'ancien président, très marqué par l'échec du Rafale au Maroc - sa responsabilité n'est pourtant pas engagée -, estime que l'intention émiratie d'acheter éventuellement des Rafale est "une bonne nouvelle pour la France". Le chef de l'Etat précise toutefois qu'il "n'y a pas de date fixée ni de négociations commerciales entamées à ce stade". Mais il rajoute toutefois qu'en "cas de signature prochaine de contrat, les premiers appareils pourraient être livrés à partir de 2012. Les discussions vont se poursuivre dans les semaines qui viennent". Aussitôt, le titre Dassault Aviation s'envole, gagnant 8,2 %, à 595 euros, une heure après l'ouverture du marché parisien. C'est le début d'une saga... qui a rebondi plus de quatre ans plus tard en janvier 2013 avec le voyage à Abu Dhabi de François Hollande, qui a relancé le Rafale dans le ciel des Emirats.

 

Le Rafale, ou l'une des obsessions de Nicolas Sarkozy, qui se verrait bien être le premier président français à accrocher la signature d'un contrat export pour le matériel le plus emblématique de l'industrie de l'armement française. Le Rafale, ou comment vendre cet avion de combat jamais encore vendu... Toujours très bien noté dans les pays où il est en compétition mais jamais gagnant. Même François Hollande commence à se piquer au jeu, son voyage à Abu Dhabi en est le reflet. Et la posture un peu dédaigneuse qu'il a adopté lors des premiers voyages présidentiels vis-à-vis des grands contrats semble avoir changé. En Arabie saoudite, il avait déclaré à Reuters, qu'il n'était "pas venu signer je ne sais quel contrat. C'est une relation personnelle et de confiance qui devait être établie". Les temps changent mais cela restera probablement inavouable. Nicolas Sarkozy lui a foncé sans aucun état d'âme. Car au fil du temps, la vente du Rafale est devenue l'un des défis personnels de l'ancien président. L'objecitf de vendre le Rafale, l'avion de combat de Dassault Aviation, l'a très souvent accompagné lors de ses déplacements à l'étranger. A tel point que Nicolas Sarkozy tentera même de le proposer à des pays où il n'avait pratiquement aucune chance de succès. C'est le cas du Koweït et du Sultanat d'Oman, qui ne peuvent pas s'offrir cet appareil pour des raisons politiques, des pays trop dépendants de Washington. Et l'ancienne colonie de Sa Majesté, Oman, ne cache pas non plus un fort tropisme britannique. D'où son achat fin 2012 de douze Eurofighter Typhoon, l'avion de combat de BAE Systems, EADS et l'italien Finmeccanica.

 

Des percées pour le Rafale mais pas de concrétisation

 

L'activisme de Nicolas Sarkozy permettra toutefois d'obtenir de réelles percées commerciales accompagnées par de vraies négociations commerciales. Le Rafale sera ainsi au coeur des relations politiques entre la France et le Brésil et entre Paris et Abu Dhabi. Deux pays où il a su instaurer au départ une relation de confiance très étroite, notamment avec l'ancien président, Lula. Mais elle se finira mal... "Nicolas Sarkozy a été l'origine de ces deux campagnes, qui sont des campagnes très politiques et qui ne sont pas à l'initiative des clients", rappelle un très bon observateur. Surtout ces campagnes n'ont pas collé avec un besoin opérationnel des armées de l'air de ces pays, voire même avec leur budget.

Mais pressés par Nicolas Sarkozy, les Emiratis jouent le jeu... avec quelques réticences. Ce qu'une source proche du dossier résume ainsi : "lorsque vous rentrez dans une concession mais que vous n'avez pas un besoin fondamental de changer votre voiture, vous vous montrez très exigeant avec le vendeur en lui demandant toutes les options possibles au meilleur prix". Résultat, le Rafale tel qu'Abu Dhabi le voulait en 2010 est "un véritable sapin de Noël", expliquent alors à La Tribune des proches des négociations. Des moteurs plus puissants (9 tonnes au lieu de 7,5), un missile antinavire américain Harpoon sous les ailes du Rafale, une électronique améliorée (radar AESA et guerre électronique Spectra). Au total, le coût de modernisation de l'avion de combat exigé par Abu Dhabi s'élevait en 2010 entre 4 et 5 milliards d'euros. Un montant à partager entre la France et les Emirats.

 

Le temps des concessions

 

Pour l'heure, au début de l'année 2009, Paris croit encore à un succès rapide. Les autorités estiment alors que le partenariat en matière de défense très étroit entre la France et les Emirats Arabes Unis, voulu et négocié par l'Elysée, dont le symbole est la base interarmée qui est en train d'être installée à Al Dahfra (Abu Dhabi), permettra à la France de signer le contrat tant désiré. C'est bien mal connaître les Emiratis, de très fins négociateurs qui jouent sur du velours, connaissant la volonté à tout prix de l'Elysée de signer ce contrat. Abu Dhabi va jouer sur deux tableaux, l'un diplomatique avec l'Elysée et l'autre commercial avec le Team Rafale (Dassault Aviation, Thales et Safran), qui lui résistera mieux aux demandes excessives des Emiratis.

 

Mais pour Paris, aveuglé par la signature de ce contrat, le chemin de croix commence vraiment. L'Elysée est au début de toute une série d'exigences d'Abu Dhabi, dont la plupart seront satisfaites... sans aucune contrepartie. Et ce contrairement à ce que pensait l'Elysée, il n'y aura par exemple aucun contrat signé en contrepartie de la construction de la base interarmée d'Al Dhafra située à 40 kilomètres d'Abu Dhabi. Ni en mai 2009 lors de l'inauguration de la base, ni après. L'installation de l'armée française dans le Golfe avait fait l'objet d'un accord signé début 2008 par Nicolas Sarkozy lors d'un précédent voyage. Une déception pour le président français, qui ne l'empêchera pas de donner le coup d'envoi, lors de l'inauguration de la base française, pour la construction du Louvre Abu Dhabi, premier musée universel au Moyen Orient. En juin 2009, on reparle aussi du Rafale lors du salon aéronautique du Bourget, Paris vise à cette époque la fin des négociations au début du printemps 2010. Le ministre de la Défense d'alors, Hervé Morin, estime également en décembre 2009 possible la signature d'un contrat Rafale en 2010. D'autant que "le verrouillage technique a été effectué et la signature du contrat est balistique", expliquait-on à La Tribune en octobre.

 

Des nuages noirs sur les négociations

 

Début 2010, le climat reste encore très bon. Français et Emiratis travaillent pour finaliser cette fois le contrat à l'été, la négociation sur la définition de l'appareil émirati est alors pratiquement bouclée. Les négociateurs en sont même à évoquer alors le calendrier de livraison des différents standards du Rafale. Nicolas Sarkozy évoque lui-même un possible contrat avec les Emirats, faisant étant "d'une forte espérance en ce qui concerne la vente de Rafale par la France aux EAU. Nous entrons dans une phase de discussions assez approfondies". Mais patratas deux articles successifs dans la presse française vont très fortement ralentir les négociations. C'est d'abord "Le Figaro", la propriété de Dassault - un comble - qui publie en juin un article sur la sécurité d'Abu Dhabi, qui a fortement déplu surplace et qui a fait désordre dans le Golfe. Ensuite, un général de l'armée française révèle en août des détails secrets des négociations dans une interview à la Revue défense et sécurité internationale. C'est trop pour les Emiratis, qui explosent de rage. Et ils envoient un signal très fort à Paris. Ils menacent de mettre en concurrence le F/A-18E/F face au Rafale. Et pour bien montrer leur irritation, Abu Dhabi, selon le site américain Defensenews, a demandé durant le mois d'août à Boeing des informations sur les versions monoplace et biplace du F/A-18E/F Super Hornet.

 

Et Paris n'est pas au bout de ses peines. A l'automne 2010, Abu Dhabi rajoute dans les discussions une nouvelle exigence pour acquérir le Rafale. Les Emiratis, qui sont revenus à la table des négocations, se montrent exigeants. Ils mettent désormais dans la balance des droits de trafic supplémentaires (autorisations de vols) en France, essentiellement à Roissy, pour leurs compagnies aériennes Emirates (Dubai) et surtout Etihad, le transporteur d'Abu Dhabi. Une exigence à une semaine environ d'un deuxième round de négociations bilatérales sur les services aériens et six mois après l'échec du premier. Paris avait rejeté en bloc les exigences colossales des Emirats (un doublement du nombre de vols en France). Les représentants d'Abu Dhabi étaient partis furieux. Mais, fin 2010, le Rafale est en danger et le dossier devient très politique. Entre Air France et Dassault Aviation, deux de ses fleurons, Paris doit choisir.

 

L'Elysée choisira l'avionneur. Fin janvier 2011, la France autorise les compagnies du Golfe à défier davantage Air France dans l'Hexagone. Car face à des centaines d'Airbus, une soixantaine de Rafale, un gros contrat d'approvisionnement d'uranium pour Areva, les arguments de la compagnie française pour inciter les autorités françaises à refuser des vols supplémentaires aux compagnies émiraties n'ont pas pesé bien lourd. Mais le chemin de croix de Paris va pourtant se poursuivre en 2011.

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