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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 12:40

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21.05.2012 Par Jean-Paul Perruche, directeur de recherche à l'IRSEM et Jolyon Howorth, professeur de sciences politiques et de relations internationales à Yale - Le Monde.fr

 

Dans une période de déclin relatif de l'Occident et de disette des budgets de défense, le "lien Transatlantique" est plus nécessaire que jamais, mais la relation transatlantique doit être refondée sur des bases adaptées aux réalités de ce temps. Le futur de l'Alliance passe par des Européens plus responsables, plus autonomes et plus capables. C'est dans l'Union Européenne qu'ils peuvent le devenir.

 

UNE RELATION TRANSATLANTIQUE À ADAPTER AUX NOUVELLES RÉALITÉS

 

L'Alliance Atlantique consacrée en 1949 par le traité de Washington était fondée sur une communauté de valeurs (démocratiques) entre pays nord-américains et européens et sur un intérêt stratégique commun dans la défense de l'Europe libre. Cet enjeu justifiait l'engagement total des forces des pays membres de l'Alliance sous "leadership" américain.

 

Depuis la fin de la guerre froide (1990), et de la menace en Europe, l'Alliance est passée de la défense des démocraties européennes à la promotion de la démocratie, d'abord sur le continent européen, dans les anciens pays du Pacte de Varsovie, puis à l'extérieur : Irak, Afghanistan, Méditerranée.... Mais les contributions modestes des Européens et les restrictions mises à leurs règles d'engagement dans les opérations de l'OTAN pendant cette période ont mis en évidence les premières différences d'intérêts entre Européens et Américains.

 

Malgré la pérennité de leur communauté de valeurs, cette divergence d'intérêts de sécurité s'est approfondie au cours des dernières années sur fond de crise économique, de bilan très mitigé des engagements en Irak et en Afghanistan et de montée en puissance des "émergents", en particulier de la Chine. Comme en témoigne la dernière Directive Stratégique américaine de janvier 2012, pour le président Obama et son administration, le centre de gravité des intérêts de sécurité américains s'est déplacé vers l'Est, le Moyen-Orient et la zone Asie-Pacifique, ce qui justifie un investissement moindre des Etats-Unis en faveur de la défense et de la sécurité de l'Europe.

 

Or, l'Alliance Atlantique a fonctionné jusqu'ici sur le principe (non-écrit) que la défense de l'Europe était garantie, organisée et largement financée par les Etats-Unis (US leadership), en échange d'un soutien par les Européens de leur politique étrangère et de sécurité et de retombées avantageuses pour leur industrie de défense. Ce "deal" tacite se trouve aujourd'hui remis en cause par la nouvelle stratégie américaine qui s'éloigne du théâtre européen, mais aussi par les capacités de plus en plus réduites des Européens à soutenir les opérations américaines ailleurs.

 

Pourtant, loin d'avoir diminué d'intérêt, le "lien transatlantique" apparaît aujourd'hui encore plus essentiel qu'hier pour compenser le déclin relatif des démocraties occidentales et pour permettre aux alliés des deux rives de l'Atlantique de préserver leur influence dans le contexte mondial du XXIe siècle. Les intérêts stratégiques de sécurité des Etats-Unis et des pays européens se sont certes diversifiés en nature et en géographie, mais demeurent largement complémentaires. C'est ce qu'affirme la nouvelle directive stratégique américaine, rappelant que l'Europe reste une zone d'intérêt pour les Etats-Unis et les Européens leurs plus proches partenaires. Mais ils attendent d'eux qu'ils assument désormais leurs responsabilités dans leur voisinage, pour leur permettre de se consacrer sur les régions prioritaires du Moyen-Orient et d'Asie-Pacifique, où ils savent ne pas pouvoir compter sur un soutien substantiel des Européens. En clair, il s'agit de changer le mode de fonctionnement de l'Alliance, en passant d'engagements communs sur les mêmes théâtres à une répartition des théâtres d'engagement.

 

LA QUESTION CLÉ DU RENFORCEMENT DES CAPACITÉS EUROPÉENNES

 

La nouvelle relation transatlantique doit prendre en compte cette réalité. La coopération euro-atlantique a désormais besoin d'Européens plus responsables et donc plus autonomes, plus capables et donc plus forts en termes de capacités, surtout dans leur voisinage.

 

Or dans le contexte actuel de faibles menaces contre l'Europe et de crise financière, le renforcement capacitaire des Européens peut difficilement s'opérer par un relèvement significatif des budgets nationaux, et passe par la mutualisation et le partage (Pooling and Sharing). La question centrale est donc de savoir dans quel cadre et comment cette mutualisation doit être mise en œuvre ? La Directive stratégique américaine suggère qu'elle se fasse dans l'OTAN. On pourrait attendre du sommet de Chicago qu'il jette les bases de la nouvelle solidarité euro-américaine, celle des responsabilités partagées et de la complémentarité des actions. Il est cependant permis de s'interroger sur la capacité du projet-phare de défense anti-missiles balistiques d'apporter un réel progrès dans ce sens, dans la mesure où il renforce encore la dépendance européenne à l'égard des Etats-Unis et porte le risque de grever sérieusement les déjà maigres budgets de défense des Européens réduisant d'autant leur investissement dans les capacités qui leur font défaut.

 

Quant à la Smart Defense et les projets de mutualisation et partage (pooling and sharing) qu'elle abrite, on peut se demander si le cadre de l'OTAN est le meilleur choix pour mettre les Européens en situation de responsabilité ? L'expérience franco-britannique lancée il y a dix-huit mois par le traité de défense de Lancaster House montre que le bénéfice à escompter de la mutualisation et du partage est proportionnel à l'interdépendance acceptée, c'est-à-dire "in fine" à la souveraineté partagée. Il y a peu de chances que la simple coordination de moyens nationaux soit à la mesure du problème capacitaire et d'ambition des Européens. Le partage de souveraineté n'a de sens que s'il s'intègre dans des politiques convergentes, des objectifs de sécurité et des stratégies partagés, c'est-à-dire dans un processus d'intégration politique. Même s'il peut paraitre un objectif utopique à certains, le partage de souveraineté est sans doute préférable à la perte de souveraineté que génèrent les coupes budgétaires et les déficits capacitaires nationaux qu'elles engendrent. La mutualisation et le partage ont des incidences politiques, économiques, industrielles et opérationnelles. L'UE a l'avantage d'être un projet politique global, là où l'OTAN ne traite que de sécurité ; elle est aussi le lieu où les Européens créent des intérêts communs, il serait logique qu'elle soit aussi le lieu où ils les défendent ensemble. La Commission et l'Eurogroupe sont déjà les symboles d'un certain partage de souveraineté. Il va de soi que ce processus européen doit se faire en bonne intelligence avec la "smart defense" de l'OTAN, mais le cadre de l'UE en est indispensable.

 

METTRE FIN À LA RELATION AMBIGÜE ENTRE L'OTAN ET LA PSDC

 

lors que l'OTAN démarre son retrait (longtemps différé) d'Afghanistan, trois questions majeures vont conditionner son avenir : la nature de cette alliance et de ses missions, le type de coopération euro-atlantique, et l'exercice des responsabilités (du leadership).

 

Comme indiqué plus haut, il est peu probable que se présentent dans un avenir prévisible, des situations où les intérêts stratégiques des Américains et des Européens justifient des réponses militaires de même niveau. La proposition américaine d'une OTAN "globale" n'a jamais vraiment séduit les Européens et l'expérience afghane aura achevé de les en dissuader. L'OTAN devrait dorénavant redevenir une Alliance centrée sur l'Europe. En parallèle, les évènements de Libye auront montré que l'objectif d'une PSDC autonome et efficace est encore loin d'être atteint. Il est urgent de créer les conditions d'une véritable complémentarité entre l'OTAN et l'UE fondée sur la nouvelle donne de la relation transatlantique, avec des Européens responsables et capables. Les Européens doivent pouvoir, sans duplication, assumer la responsabilité et le commandement des opérations dans leur voisinage de façon autonome dans le cadre de l'UE, ou avec le soutien américain dans le cadre de l'OTAN ; ils doivent aussi pouvoir s'engager avec l'OTAN sous leadership américain en cas de besoin..

 

En clair, les Européens doivent devenir les dirigeants "normaux" de toute opération dans leur voisinage, avec ou sans appui américain. Cela implique que l'UE dispose de structures de commandement lui permettant d'agir en autonomie et de s'intégrer dans celles de l'OTAN. Au concept de "séparables mais non séparées" qui avait cours dans les années 90 devrait se substituer celui d'"intégrées dans l'UE et disponibles pour l'OTAN". Ainsi seraient satisfaites les exigences de responsabilité accrue des Européens correspondant au nouveau partage des rôles souhaité par les Américains et serait assurée la pérennité d'un lien transatlantique répondant aux intérêts communs des Alliés des deux rives de l'océan.

 

Jean-Paul Perruche est aussi président d'EuroDéfense-France ; ancien directeur général de l'Etat-Major de l'UE.

 

Jean-Paul Perruche, directeur de recherche à l'IRSEM et Jolyon Howorth, professeur de sciences politiques et de relations internationales à Yale

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