27 Mai 2011 par P.CHAPLEAU Lignes de Défense
La révision du Livre blanc, cette Ligne Maginot stratégico-socio-budgétaire, est désormais à l'ordre du jour. Mon confrère des Echos Alain Ruello annonçait hier que le CEMA, l'amiral Guillaud, recevra des industriels, début juin, pour leur faire part des perspectives.
Le ministre en a parlé. Le 3 mai 2011, devant l'Assemblée, le ministre a prévenu: "La révision de la loi de programmation militaire et du Livre blanc devra s'inscrire dans les perspectives économiques et budgétaires des cinq années qui suivront 2012. Il serait irresponsable de ma part d'affirmer que rien ne sera possible ou que tout sera facile à partir de 2014. Mais nous ne pourrons nous exonérer, en 2012, d'une réflexion sur notre capacité à poursuivre le financement dans la période 2014-2020, surtout si l'on tient pour certaines les contraintes liées à notre appartenance à une monnaie commune". En clair, pour contribuer à la réduction du déficit publique, les armées devront réduire leurs ambitions et revoir leurs moyens à la baisse...
A la DGA, on en parle aussi. Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l'armement, a annoncé "des choix qui seront à opérer à
l'avenir avec la révision du Livre blanc et la préparation de la LPM 2013-2018" (déclaration à lire en cliquant ici).
Des contre-feux s'allument... Le 20 mai, à l'IHEDN, le CEMA a commencé à allumer des contre-feux en rappelant que « les contraintes
financières » actuelles, qui « grèvent notre endurance opérationnelle » sont susceptibles de « remettre en cause notre regénération, c'est à doire notre aptitude à assumer les
missions qui nous sont confiées ».
« Aujourd'hui, en tirant sur les cordes de la préparation opérationnelle et de la formation, nous touchons aux équilibres de notre outil » a-t-il prévenu, avant de déplorer
« l'ignorance grandissante de la chose militaire, notamment chez les élites de notre pays ».
... qui feront long feu...! Les échéances électorales, c'est bien connu, ne sont guère propices aux débats sur les questions de défense. Sans
jouer les oiseaux de mauvaise augure, je crains que la présidentielle à venir ne fasse pas exception à la règle et que les efforts de l'Institution pour défendre son pré carré budgétaire ne
soient voués à l'échec.
En outre, la dégradation économique ne va pas aider ceux qui plaident pour un effort militaire soutenu. Le surcoût des opex, dixit Gérard Longuet devant les députés, c'est déjà 900 millions
d'euros (sans les 53 millions de l'opération en Libye), alors que la loi de finances initiale a prévu une provision de 630 millions d'euros. De l'argent, et l'argument est recevable, qui pourrait
servir ailleurs.
Que faut-il anticiper? De nouvelles coupes claires dans les programmes et les effectifs. Ainsi que la sanctuarisation de la "fonction opex" au détriment de la "fonction métropole" et l'avénement d'une armée à deux vitesses: pauvre quand elle est en garnison, riche quand elle part en opex...