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3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 11:00

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02 juin 2011 par GUILLAUME LECOMPTE -BOINET | L'Usine Nouvelle

 

Les fournisseurs des armées sont de plus en plus impliqués dans les opérations extérieures. De nouveaux métiers et de nouvelles pratiques apparaissent dans le soutien opérationnel.

 

Ne dite pas aux industriels français de l'armement qu'ils font la guerre. Aucun d'entre eux ne claironnera qu'il joue un rôle actif dans les opérations extérieures (Opex) en cours, comme dans le ciel libyen ou en Afghanistan. Pourtant, c'est bel et bien le cas. « Si nous n'étions pas là pour approvisionner en temps et en heure, ou pour assurer le support aux forces, la France aurait bien du mal à mener ses Opex », constate l'un d'entre eux. Drones Harfang, blindés à roues VBCI, canons longue portée Caesar, Rafale et ses armements : les matériels - relativement nouveaux pour certains - sont intensivement déployés dans les bases avancées d'Afghanistan, au Liban ou en Libye. Les Opex se multiplient et donc les besoins des armées. Il faut réparer, traiter les pannes, les obsolescences, « déboguer » les nouveaux matériels... parfois envoyés en urgence sur le théâtre des opérations. Et un véhicule immobilisé, c'est, au mieux, une mission qui ne peut pas être menée, au pire, un risque accru d'être pris pour cible si cela se produit dans une vallée perdue de la Kapisa. Cassidian (EADS), avec son Harfang, en sait quelque chose. Aux dires des militaires, le déploiement opérationnel du drone a été difficile (lire en page 38). « On a fait le plus dur », estime Nicolas Chamussy, responsable des programmes de drones de Cassidian.

 

Ce qui est nouveau, c'est la nature du soutien apporté par les industriels à l'état-major et aux forces sur le terrain. « Auparavant, nous avions un rôle un peu passif. C'était : "Je vends un avion et j'oublie." Cette époque est révolue. Nous sommes beaucoup plus intégrés dans la chaîne logistique », analyse Alain Bonny, vice-président du soutien militaire chez Dassault Aviation. Des deux côtés, on s'est professionnalisé. Les militaires se sont rendu compte qu'ils ne pouvaient pas tout faire eux-mêmes. « Ils se sont réorganisés et au lieu de traiter le support en Opex par grands corps d'armées, ils ont créé des centres logistiques par grande fonction », explique Jean-Paul Lafitte, patron de l'activité défense du groupe Daher, dont l'une des spécialités est la projection des forces sur des théâtres extérieurs. La fameuse révision générale des politiques publiques (RGPP), qui comprend un important volet Défense, a servi d'accélérateur à l'externalisation de certaines tâches hors des casernes. « Bien souvent, nous sommes capables de réaliser un diagnostic de panne plus efficacement que l'armée », estime Jean-François Nédelec, directeur du support client de Nexter (ex-GIAT), dont le VBCI et le canon Caesar sont utilisés en Afghanistan et au Liban.

 

Le soutien est devenu si stratégique qu'il est pensé très en amont. L'heure est désormais au soutien logistique intégré, le SLI. Derrière cette appellation, qui fleure bon le jargon administratif, se cache de nouvelles méthodologies d'anticipation des contraintes du soutien opérationnel. Le SLI c'est l'art de les intégrer dès la phase de développement, ou de prévoir le dispositif logistique des pièces de rechange. Afin d'abaisser les coûts du maintien condition opérationnelle. Ainsi, la conception du VBCI ou du Caesar n'a pas été menée que pour être robustes ou tirer juste, mais aussi pour être faciles à entretenir sur le terrain. « Cela joue sur le placement des organes ou des systèmes, sur les trappes d'accès. Il faut avoir en tête que le véhicule ou l'avion va être exploité pendant plusieurs décennies », explique Sébastien Cognac, chef de projet défense chez LGM, un cabinet conseil, notamment spécialisé dans le SLI.

 

Engagés sur le champ de bataille

 

Avec cette méthode, des signaux d'alerte sont lancés quand le matériel est dans sa phase d'ingénierie, afin de ne pas geler sa configuration avant d'être sûr que la maintenance a été bien pensée. Par ailleurs, le SLI intervient aussi en aval, par exemple pour calculer au plus juste les stocks nécessaires et les moyens de réparation par rapport à une probabilité donnée de panne. « En Opex, les conditions sont sévères et l'armée ne peut pas déployer autant de moyens qu'en France », ajoute Sébastien Cognac. LGM a ainsi mené une mission sur un véhicule basé en Afghanistan qui a permis de diminuer le temps de pose-dépose de moteurs de moitié (il est passé de dix-huit à huit heures) avec un tiers de main-d'oeuvre en moins.

 

Ces nouvelles méthodes ne concernent pas que les industriels. Les militaires ont, eux aussi, été obligés de s'adapter. « En matière de SLI, nous n'étions pas très bons dans le passé », reconnaît Patrick Dufour, responsable du soutien à la Délégation générale de l'armement (DGA), le bras armé de l'État en matière d'achat de matériels militaires. « Désormais, poursuit-il, nous mettons un volet soutien dans tous les contrats d'acquisition de matériel neuf. » La DGA signe des contrats à plus long terme (cinq ans et plus parfois) assorti de clauses sur le traitement des problèmes de jeunesse : débogage, appropriation du matériel par les unités de combat, traitement des obsolescences...

 

Par ailleurs, la DGA inclut des clauses sur le déploiement rapide du matériel, de façon à ce qu'il soit anticipé dès la phase de conception. Cela implique des formations spécifiques, des documentations différentes de celles existantes par passé. Exemple : le futur camion de l'armée de terre, le porteur polyvalent terrestre (PPT), qui doit être déployé en Afghanistan vers 2012, intégrera un stock spécial pour les rechanges, des outillages adaptés aux Opex ainsi que des moyens pour la maintenance lourde chez le fournisseur, le tandem Iveco-Lohr. « Pour ce contrat, on a pensé "Afghanistan" dès le début », ajoute Patrick Dufour.

 

Pour les industriels, cette nouvelle donne signifie qu'il faut aller plus au contact qu'autrefois. « Depuis quatre à cinq ans, l'armée de l'air est désireuses de nous intégrer sur le terrain », confirme Alain Bonny, chez Dassault. C'est tout bénéfice considère l'avionneur : « Cela nous donne un retour d'expérience inestimable, et beaucoup d'idées d'amélioration. » Nicolas Chamussy, d'EADS-Cassidian, est sur la même longueur d'onde : « C'est très intéressant pour nous, industriel, d'assister à la prise en main d'un matériel en direct sur un théâtre d'opération. » Mais tout cela impose quelques contraintes. Il faut trouver des salariés volontaires, en raison des risques, et qui possèdent les qualités requises. Ces ingénieurs du soutien doivent pouvoir partir au pied levé pour assurer le déploiement d'un matériel. Il faut qu'ils aient un peu la mentalité de baroudeur en somme. Nexter, par exemple, a dépêché en Afghanistan un de ses salariés, réserviste de l'armée, pour accompagner l'arrivée des Aravis, ces gros 4 x 4 ultra-blindés servant notamment à ouvrir des convois (lire page 37).

 

Dans le contrat de maintien en condition opérationnelle du Rafale, Dassault s'engage à envoyer du personnel sur le terrain. Et en France, cette ingénierie du soutien doit fonctionner comme une horloge. Plus de 150 personnes y contribuent chez Dassault, pour fournir des documentations à jour, des bancs d'essais, des simulateurs, etc. Au total, les équipes d'Alain Bonny atteignent 500 personnes dont l'une des missions est de garantir à l'armée de l'air le respect d'un contrat de soutien assorti d'heures de vol. Nexter fonctionne de la même façon, avec des contrats à l'heure/moteur pour le char Leclerc et le VBCI. « Plus le moteur tourne, plus c'est cher », explique Jean-François Nédelec.

 

Livraison en flux tendu jusqu'en Afghanistan

 

On le voit, l'articulation du soutien logistique entre l'industriel, l'armée en France et les troupes au combat a évolué. Les circuits fonctionnent en juste-à-temps, avec une responsabilité du fournisseur pour acheminer les rechanges à l'entrepôt central des Opex de l'armée de terre, à Moulins. L'armée garde le contrôle du flux Moulins-Afghanistan. « On doit gérer une complexité croissante, car dans ces flux logistiques, nous avons des objectifs en termes de délais, mais aussi prix de revient », explique Jean-Paul Lafitte, de Daher. Chez Nexter, une armée de logisticiens est branchée en permanence sur les parcs de blindés de l'armée de terre pour adapter la logistique en fonction du comportement des militaires. Ils disposent de logiciels de plus en plus sophistiqués pour effectuer de savants calculs et éviter la pénurie ou le surstockage.

 

Mais ira-t-on encore plus loin dans l'externalisation ? Certains craignent une évolution à l'américaine, où les fournisseurs deviennent acteurs de la guerre. « À force de tout faire très vite pour répondre à des urgences opérationnelles, on risque de créer plus de problèmes », reconnaît un fournisseur, qui a requis l'anonymat. Envoyer du personnel en Afghanistan entraîne souvent l'embauche de milice privée pour les protéger. C'était, par exemple, le cas de Daher lorsqu'il a déployé des containers de communication pour le compte de Thales. Tout cela finit par revenir cher. La plupart des fournisseurs français veulent l'éviter, et réduisent au strict minimum l'envoi de salariés dans les zones de combat. Et l'état-major est sur la même ligne. La guerre reste une chose trop sérieuse pour être laissée à des industriels.

 

LES PRINCIPAUX MATÉRIELS ENGAGÉS

Véhicules blindés VBCI et Aravis, Nexter Canon Caesar, Nexter Drone Harfang, EADS-Cassidian VAB Renault Trucks Defense Rafale Dassault Aviation Hélicoptères Tigre et Caracal, Eurocopter PVP Panhard

 

La hot-line de Nexter entre Paris et Kaboul

Pour améliorer le déploiement des Aravis en Afghanistan, Nexter a choisi d'envoyer l'un de ses salariés effectuer une mission de trois mois fin 2010. Volontaire, Philippe Dethève n'a pas hésité à utiliser des outils qu'on verrait plus chez un opérateur de services télécoms, comme une « hot line » entre Kaboul et le siège francilien de Nexter. « Ce dispositif, assez original pour un théâtre de guerre, nous a permis d'accélérer les diagnostics et la résolution des pannes », explique Jean-François Nédelec, directeur du support de Nexter. Le fabricant a aussi monté un atelier de réparation léger à Kaboul, avec des prestations d'ingénierie associées. Mais question de sécurité, l'envoyé spécial de Nexter est resté à Kaboul.

 

Les drones Male d'Harfang,la vitrine d'EADS

Après bien des hésitations, Paris a fini par envoyer des drones en Afghanistan. EADS y a déployé le seul drone Male (moyenne altitude longue endurance) que la France possède, le Harfang , un système qui devait être au départ intérimaire. « Il n'était pas fait pour être envoyé sur un théâtre comme l'Afghanistan », souligne Nicolas Chamussy, patron des drones du groupe. La première phase (fin 2008-début 2009) a lieu en Europe, avec des formations pour les opérateurs. Parallèlement, EADS et le fabricant israélien IAI modifient le Harfang. Un contrat de support est monté. Puis, suivent les test et les premiers vols (février 2009- octobre 2010). EADS envoie deux salariés sur la base de Bagram pour des missions d'ingénierie. Objectif : régler le maximum de problèmes sur place. L'un des drones a quand même dû être réparé en Europe. « Mais le taux de disponibilité n'a cessé d'augmenter », ajoute Nicolas Chamussy. EADS ne manquera pas d'utiliser le Harfang (plus de 350 vols) comme argument pour la prochaine génération de Male, dont la France est censée se doter.

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