Libye : la stratégie militaire retenue a finalement porté ses fruits

22 Août 2011 par Jean-Dominique Merchet

Premières leçons d'une guerre en train de s'achever

Même si Kadhafi n'est pas encore tombé, les insurgés sont en train de remporter la partie, six mois après le premier soulèvement (17 fevrier) et cinq mois après le début des frappes aériennes (19 mars).

 Au final, la stratégie politico-militaire a bien fonctionné, même si les choses ont duré nettement plus longtemlps que prévu. On se souvient d'Alain Juppé parlant de "quelques semaines". Les semaines se sont transformées en mois, mais le résultat final est là. Sauf pour les prophètes de mauvais augure (dont nous n'avons jamais fait partie), l'issue du conflit ne faisait aucun doute : le régime de Kadhafi finirait par tomber. Nous y sommes presque. Il y a lieu de s'en réjouir, même si l'avenir du pays reste incertain.

On peut déjà tirer quelques leçons militaires de cette affaire.

1) Sur la stratégie aérienne. Contrairement à ce qu'on a pu entendre, il n'a jamais été question pour personne - et surtout pas pour les aviateurs - de prétendre que cette guerre serait gagné uniquement par des bombardements. La stratégie a toujours marché sur deux pieds : en l'air et au sol. En l'air, c'était le domaine de l'Otan, au sol, celui des troupes insurgées. Si les forces alliées ont très vite répondu à l'appel, avec des frappes à longue distance (Saint-Dizier-Benghazi le samedi 19 mars), les troupes insurgées ont mis nettement plus longtemps à se constituer puis à passer à l'offensive. A noter que la maitrise du ciel s'est accompagné d'un contrôle de la mer, qui a permis de ravitailler Misrata librement et, vraisemblablement, d'infiltrer des combattants à Tripoli.

2) Les insurgés ont été aidés militairement par l'Otan et quelques pays arables (Qatar, Jordanie, Emirats...) Des armes ont été livrés par la France, grâce à des parachutages, dans le djebel Nefoussa avant que des avions (non-français) puissent s'y poser. Par ailleurs, des équipes de liaison (COS) ont été dépêchées dans l'est du pays (Cyrénaïque).

3) Cette stratégie (maitrise de l'air et de la mer, très faible présence au sol où l'affaire est confiée aux forces locales) s'avère particulièrement efficace dans le cas libyen, même si elle a mis du temps à produire ses effets. Or le temps est devenu un élément clé dans les actions militaires : au bout de quelques jours ou quelques semaines, les opinions s'impatientent et le spectre de "l'enlisement" surgit.

4) La stratégie aérienne a impliqué, pour la France, les trois armées (Air, Marine, Terre). C'est une grande réussite de l'interarmées. L'emploi des hélicoptères de l'armée de terre, décidé quasiment au premier jour, a un peu trainé (plus de six semaines) à cause de problèmes logistiques qu'un coup de gueule de l'état=major des armées a finalement réglé. Les systèmes permettant de replier les pâles ont été trouvés... Comme quoi, quand on veut, on peut.

5) Pour la France, cette guerre coutera sans doute de l'ordre de 200 millions d'euros. Pour une victoire, ce n'est pas cher payé. Jamais les munitions n'ont manquées, même si la question de reconstituer les stocks - et à quel niveau - va se poser rapidement.

6) Autre réussite spectaculaire : l'extrême précision des tirs et l'absence quasi totale en cinq mois de campagne aérienne de "bavures", comme dit la presse. Certes, il y a en eu quelques unes mais jamais dans l'histoire de l'aviation, une telle précision avait été atteinte. C'est à mettre au compte de la qualité des équipements et de celles des personnels.

7) La France avec la Grande-Bretagne (et quelques autres comme les Belges, les Canadiens, les Danois, etc) ont mené l'essentiel de l'effort militaire. Les Etats-Unis n'ont pas été leaders dans cette affaire, même s'ils ont fourni une aide précieuse et discrète. Un échec de la coalition aura sonné le glas de la puissance militaire en Europe. On en est heureusement pas là.