23/01/2013 à 20:23 Jean Guisnel Le Point.fr
Le commandement français des opérations spéciales va envoyer des commandos et du matériel pour protéger les sites miniers d'Areva au Niger. Du jamais-vu.
De manière très inattendue, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a donné son accord en début de semaine à une innovation majeure : dans un délai très rapide, la sécurité des principaux sites d'exploitation d'uranium de l'entreprise française Areva au Niger, à Imouraren, ainsi qu'à 80 kilomètres de là à Arlit, où cinq des actuels otages français du Sahel avaient été capturés par la katiba du chef radical islamiste Abou Zeid en septembre 2010.
Jusqu'à présent, les forces spéciales françaises ne participaient pas directement à la sécurité d'intérêts privés. Des fusiliers marins n'appartenant pas aux unités de commandos marine intégrées au commandement des opérations spéciales participent néanmoins à la sécurité de navires - notamment des thoniers - naviguant dans les zones infestées de pirates, dans l'océan Indien et dans le golfe de Guinée.
Facteurs de risque accrus
La décision d'accorder la protection des forces spéciales à Areva a été prise à la suite de la tentative de sauvetage ratée de l'otage de la DGSE Denis Allex en Somalie, mais aussi après la prise d'otages d'In Anemas en Algérie. Les autorités françaises sont persuadées que ces deux événements s'ajoutant au lancement de l'opération Serval au Mali ont considérablement accru les facteurs de risque sur les installations françaises, y compris industrielles et minières, dans la région.
L'extraction d'uranium au Niger est absolument stratégique pour Areva, aussi bien pour l'alimentation des centrales nucléaires françaises que pour la vente de cette précieuse matière à ses clients étrangers. Facteur aggravant, selon le gouvernement français et l'entreprise : elle doit accroître son personnel de façon considérable pour exploiter une nouvelle mine, ce qui fera passer ses effectifs de 25 personnes à plus de 300.
La victoire d'EPEE
Voici plusieurs mois que les principales entreprises françaises de sécurité privées, qui emploient essentiellement d'anciens militaires, lorgnaient sur le juteux contrat qu'Areva se préparait à passer. Il s'agissait, selon nos informations, de remplacer la société actuellement chargée de ce contrat de protection, EPEE, que dirige Jacques Hogard. L'appel d'offres aurait été passé par la direction générale du groupe, sans passer par la direction de la protection du général Jean-Michel Chéreau. Selon nos sources, Areva estimait que EPEE ne faisait plus l'affaire depuis l'enlèvement de ses employés à Arlit. Toutes les entreprises de la place attendaient l'ouverture des enveloppes de l'appel d'offres, auquel les sociétés Amarante, Eris, Géos, Opos, Risk & Co, Scutum Security First, entre autres, avaient répondu. Le marché visait à fournir, pour 4 millions d'euros par an, seize personnels de sécurité français expatriés, destinés à encadrer des équipes locales. Mais Jacques Hogard, le patron d'EPEE, faisait valoir d'autres arguments...
Confirmation de la Défense
Selon lui, la sécurité d'Areva sur place devait dépendre de son entreprise de sécurité EPEE, renforcée par des forces militaires nigériennes et des forces spéciales françaises. C'est la solution que le gouvernement de François Fillon avait refusée et que celui de Jean-Marc Ayrault vient d'accepter. Les forces spéciales françaises n'interviendront pas gratuitement, et Areva se verra présenter une facture, sans doute assez salée. Contactée le 23 janvier, EPEE n'a pas rappelé Le Point. Mais verra sans aucun doute son contrat renouvelé. Areva nous a dit "ne pas répondre aux questions relatives à sa sécurité". Une source au ministère de la Défense a confirmé l'envoi de forces spéciales au Niger pour sécuriser les sites d'Areva. Mais s'est refusée à toute autre précision.