08.09.2011 par Vincent Lamigeon, journaliste à Challenges SUPERSONIQUE
Bien sûr, on a appris à se méfier. A y regarder à deux fois avant de s'enflammer, à prendre les déclarations, confiantes ou alarmistes, avec recul et circonspection. Maroc, Corée du Sud, Pays-Bas, Singapour, Libye, Brésil : le track-record récent des négociations pour la vente à l'export du Rafale (photo AFP) n'est pas fait pour inciter à l'optimisme. Personne n'a oublié le communiqué du président brésilien Lula le 8 septembre 2009 : « Compte tenu des transferts de technologies et des garanties offertes par la partie française, le président Lula a annoncé la décision du Brésil d'engager des négociations avec les GIE Rafale pour l'acquisition de 36 Rafale ». Tout le monde y a cru, y compris l'auteur de ces lignes, qui s'en flagelle encore. On connaît la suite : contre-attaque américaine, rumeurs dans la presse brésilienne sur la préférence de l'armée de l'air pour le Gripen suédois, et de la présidente Dilma Rousseff pour le F-18 américain, et enterrement du dossier sine die.
Pourtant, le dossier de la vente du Rafale aux Emirats Arabes Unis semble à nouveau avancer dans la bonne direction. A défaut d'être optimiste, on peut quand même chercher quelques raisons de l'être. Revue de détail des trois raisons d'y croire.
1. La Libye
Le délégué général pour l'armement Laurent Collet-Billon ne s'est pas caché derrière son petit doigt lors de l'université d'été de la Défense, le 6 septembre. Le conflit libyen ? « En matière commerciale, il n'y a pas de meilleure publicité pour le Rafale que ce genre d'opération. » Reconnaissance, supériorité aérienne, frappes ciblées : le chasseur français a démontré sa polyvalence sur le terrain, en première ligne. Et validé les performances des missiles AASM et Scalp. « Le Scalp a été délivré avec une précision remarquable, de l'ordre du mètre », a indiqué le DGA. Autant d'atouts pour séduire le prospect émirati, qui n'achèterait pas seulement un avion, mais tout un système d'armes.
2. Des spécifications revues à la baisse
Conséquence de cette efficacité : les Emirats semblent avoir renoncé à une bonne partie des améliorations techniques réclamées au départ. La version proposée par Dassault devrait finalement être proche du modèle de l'armée de l'air française, Thales apportant juste un radar à portée améliorée (dit à antenne active) par rapport à son RBE2, un impératif pour le pays qui craint une menace iranienne très proche. Abu Dhabi semble en revanche avoir renoncé à une augmentation de la poussée du moteur M88 de Snecma à 9 tonnes : le client se contenterait des 7,5 tonnes de poussée actuelle.
3. Un vrai marché pour les Mirage 2000-9
C'est l'une des pommes de discorde de la négociation avec les Emirats : que faire de la soixantaine de Mirage 2000-9 de l'armée de l'air émiratie en cas d'achat du Rafale ? Abu Dhabi plaide pour une reprise des appareils par la France, qui n'en a guère les moyens, même si l'armée de l'air n'aurait pas forcément tiqué à l'idée de récupérer ces appareils performants et récents pour remplacer ses Mirage F-1 en fin de vie, par exemple.
La seule solution semble donc de revendre ces appareils dans d'autres pays. A 20 millions d'euros pièce, chiffre évoqué aujourd'hui dans les Echos, l'opération paraît jouable, bien que complexe : l'avion est excellent, les Emiratis en sont très contents. L'Egypte, le Pakistan et même dernièrement l'Irak avaient été cités dans la presse comme clients potentiels. « Le marché, à ce niveau de prix, est bien plus ouvert que pour un appareil neuf de type Rafale, expliquait récemment à Challenges Richard Aboulafia, vice-président du cabinet américain Teal Group, spécialiste de la défense. Arrêter la production du Mirage 2000 a peut-être été une grande erreur de la part de Dassault.»