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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 08:40

Rafale - Photo Arpit Agarwal source LIVEFIST

source Livefist

 

09.02.12 Anna Villechenon LEMONDE.FR

Pas encore une victoire mais plus qu'un espoir, le choix du Rafale – construit par le français Dassault – par l'Inde, dans le cadre d'un appel d'offres estimé à 9 milliards d'euros, représente une nouvelle étape dans la construction d'un vaste partenariat entre New Delhi et Paris. S'il était conclu d'ici quelques mois, ce contrat de vente, qui en est au stade des "négociations exclusives" et porte sur 126 appareils, renforcerait considérablement une coopération dans les secteurs de l'industrie et de la défense débutée il y a déjà plusieurs décennies, avec la vente dans les années 50 d'avions de chasse déjà construits par Dassault.

Des moyens de défense, l'Inde en veut plus. Ennemi historique du Pakistan, elle doit en outre faire face à la menace que représente la Chine. Celle-ci "investit en armement aérien et naval. Si l'Inde veut assurer ses arrières, elle est obligée de suivre et d'investir dans les mêmes secteurs", explique à ce titre un spécialiste de l'aéronautique, sous le couvert de l'anonymat. Il précise qu'avec un budget annuel de 36 milliards d'euros – "un de ceux dont la croissance est la plus forte dans le monde" – l'Inde dépense encore trois fois moins que la Chine dans le domaine de la défense.

 

"UN 'PACKAGE' INDUSTRIEL"


Les termes de l'accord – que la presse indienne a qualifié de "contrat du siècle" – vont de toute évidence au-delà des simples avions. "Que ce soit du côté de Dassault ou d'Eurofighter [l'autre finaliste, éliminé au profit du français], il y a forcément un 'package' industriel qui va avec le contrat. Le choix d'un avion de chasse est avant tout un choix géopolitique. Le périmètre du contrat n'est pas limité aux appareils eux-mêmes", assure Christophe Ménard, analyste chez Kepler Capital Markets.

 

Peu de détails ont filtré sur les conditions du contrat, toujours en cours de négociations. Une chose est sûre, près de la moitié de l'accord, s'il est signé, devra bénéficier à l'économie indienne. Et en premier lieu à l'entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited (HAL), pressentie pour assembler les Rafale. En coulisse, on évoque également à demi-mot une coopération industrielle dans les secteurs du nucléaire civil et des sous-marins, deux domaines dans lesquels la France et l'Inde échangent déjà leurs savoirs.

 

En 2005, l'Inde avait commandé à la France six sous-marins d'attaque de type Scorpène, et trois de plus en 2011. Un an auparavant, New Delhi complétait ce premier contrat avec un accord-cadre portant sur la construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR par Areva.

 

 DES NÉGOCIATIONS "DE GOUVERNEMENT À GOUVERNEMENT"


Hormis le transfert de technologie – démarche "naturelle", clairement assumée par le ministre de la défense, Gérard Longuet –, Paris a dû faire valoir d'autres atouts stratégiques, "à la hauteur de l'enjeu, puisque c'est un énorme contrat, comme on n'en avait pas vu depuis plus de dix ans", relève M. Ménard.

 

"Ce qui a été mis en avant jusqu'ici, c'est le prix attractif des Rafale. Mais au-delà des considérations économiques, qu'on ne peut de toute façon pas vérifier, c'est la technicité de l'avion, qui correspond parfaitement aux besoins de l'armée indienne ainsi que les avantages d'une collaboration avec la France qui ont primé", analyse Christophe Ménard.

 

Dans le secteur de la défense, "il est clair que les négociations s'effectuent de gouvernement à gouvernement", estime l'analyste, qui avoue avoir été "d'abord surpris du choix de l'Inde d'éliminer les avions américains, grands favoris au début des négociations". Cette préférence peut s'expliquer par le fait que, même si les avions américains s'étaient révélés plus performants et moins chers que leurs concurrents, un transfert de technologie avec Washington se serait fait dans des conditions nettement plus strictes qu'avec la France.

 

De plus, "New Delhi mène une politique de diversification dans ses achats d'armement, pour éviter d'être trop dépendant de certains pays. Elle achète principalement à la Russie (40 %), à Israël (20 %), aux Etats-Unis et à la France (15 % chacun). L'Inde a peut-être la volonté d'accroître ses liens avec la France, dont elle connaît déjà les avions et avec qui elle a de bonnes relations", considère quant à lui Jean-Pierre Maulny, directeur-adjoint de l'Institut des relations internationales et stratégiques.

 

Dassault équipe en effet l'armée indienne avec ses avions de chasse depuis 1953, les Mirage 2000 ayant d'ailleurs combattu contre le Pakistan. Satisfait des capacités des chasseurs français, New Delhi avait décidé en juillet de confier leur modernisation, pour un montant de 1,5 milliard d'euros, au tandem Thales-Dassault, et ce pour les trente prochaines années.

 

"DOUBLE NIVEAU" DE NÉGOCIATIONS


Fort de cette première collaboration, Dassault, et Paris, ont pu faire valoir leur savoir-faire. Mais leur capacité à parler d'une seule et même voix a également facilité les négociations. En effet, du côté d'Eurofighter – consortium réunissant la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne –, "les négociations se font à un double niveau, puisque les quatre pays impliqués doivent se mettre d'accord entre eux avant de négocier avec le potentiel acheteur", relève, de son côté, le spécialiste en aéronautique.

 

Cependant, si les négociations avec Paris sont "exclusives", Eurofighter n'a pour autant pas abandonné la partie : le consortium européen a annoncé, mardi, être prêt à baisser ses prix pour reconquérir New Delhi. La riposte est à prendre au sérieux car, "tant que le premier acompte n'a pas été versé, le Rafale peut être écarté", rappelle M. Ménard, estimant que la période de "négociations exclusives devrait durer environ douze mois".


A terme, les attentes de l'Inde en matière de coopération commerciale avec la France sont larges : s'exprimant dans un entretien au Figaro, début février, le ministre du commerce et de l'industrie indien, Anand Sharma, a rappelé que les deux parties étaient "engagées dans une stratégie de partenariat économique et politique qui doit permettre de coopérer dans les domaines de l'espace, du nucléaire, de la défense".


Vendredi, un nouveau sommet entre l'Europe et l'Inde s'ouvrira à New Delhi. La question du Rafale et de sa rivalité avec Eurofighter y tiendra sans aucun doute une large place, au moins en privé.

 

>> Pour en savoir plus : "Rafale, le succès après les déboires" (édition Abonnés)

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