26/02/2013 Par Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord. - Défense globale
Comme les députés de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, il n'est pas inutile de parfaire ses connaissances en matière de renseignement. Mercredi 13 février, les élus ont auditionné le général Jean-Pierre Bosser, directeur de la protection et de la sécurité de la défense depuis le 3 décembre 2012.
La DPSD est l'un des six services de renseignement français, siégeant au Conseil national du renseignement. La DPSD est sans doute la moins connue mais pas forcément la moins utile..
Commençons par la définition des attributions de la DPSD, qui siège au CNR (Conseil national du renseignement) créé à la suite du Livre blanc de 2008, au même titre que la DGSE (services extérieurs), la DRM (renseignement militaire), la DCRI (renseignement intérieur), DNRED (douanes) et TRACFIN (réseaux financiers). La DPSD, née en 1980 en tant que " véritable service de contre-ingérence " se charge de la sécurité du personnel, des informations, des matériels et des installations sensibles, sociétés industrielles de l'armement comprises.
Le général de corps d'armée Bosser indique les priorités qui lui ont été assignées par le ministre de la Défense lors de sa prise de fonction : outre la participation au CNR, il s'agit de la lutte contre l'ingérence, notamment l'accompagnement des forces déployées en opérations extérieures, la protection du patrimoine industriel et scientifique de la défense, les actions de sensibilisation aux compromissions, suivi et mesure des retombées sur les personnels. " En particulier de Louvois, les bases de défense et autres nouveautés affectant le monde de la défense ", précise le général Bosser.
La DPSD, qui compte 1 100 personnels (20 % de civils) et dont le siège central se situe au fort de Vanves à Malakoff, est en cours de réorganisation, passant de 59 à 49 implantations (15 suppressions, 5 créations). " Toute l'exploitation du renseignement y est concentrée. " Le budget annuel du service est de 11,8 millions d'euros.
L'actualité de la DPSD, c'est la projection d'un détachement au Mali pour conseiller le commandant de la force sur la protection et la sécurité des installations et des soldats. Avec son propre réseau informatique sécurisé, la DPSD est en lien avec ses hommes déployés dans toute la sous-région africaine, du Sénégal à Djibouti, en passant par la Côte d'Ivoire, la République centrafricaine et le Tchad. " Aujourd'hui, en matière de renseignement, il n'y a plus de barrière entre le théâtre d'opérations extérieures et la sous-région, voire le théâtre national. C'est là où le CNR trouve toute sa pertinence ", indique le DPSD qui éclaire un vaste chantier.
Au Mali, il assure que la complémentarité fonctionne entre la DGSE, la DPSD et la DRM qui se concentre sur le renseignement tactique. Il promet " la disparition complète du cloisonnement du renseignement aujourd'hui, non seulement au sein de la défense mais également des six services (...) La manière d'approcher les menaces se fait selon la grille TESSCo (terrorisme, espionnage, sabotage, subversion, crime organisé) définie par la DCRI ".
Exemple : la DPSD piste un jeune soldat qui passe ses vacances dans des endroits peu recommandables. La DGSE le prend en charge quand il quitte le territoire. TRACFIN s'interroge sur le financement de ses voyages. La DCRI le reprend quand il rentre en France. Et comment cela s'est-il déroulé pour Mohamed Merah alors, au hasard ?
Contre-ingérence, recrutement, "green on blue", armement et réseaux sociaux
Au fait, la contre-ingérence quésaco ? Pas si simple...
1. Chaque année, la DPSD étudie 70 000 dossiers de recrutement et 80 000 procédures d'habilitation pour la défense et la gendarmerie. Avis formellement défavorables : 3 % (condamnations, procédures judiciaires...). Pour uniformiser la prise de décision, à partir de cet été, le processus d'évaluation se fera au niveau central grâce à l'appui d'un logiciel nommé SOPHIA.
2. Les douloureux cas de " green on blue " et même de " green on green " en Afghanistan ont incité la DPSD à travailler avec l'armée afghane. Des inspecteurs ont bossé sur le recrutement, écarté 800 candidats en 2011 et renvoyé de l'ANA 300 autres. " Je n'aurai pas la prétention de dire que grâce à cela, il n'y a plus d'attaques green on blue dirigées contre les forces françaises depuis janvier-février 2012. Je constate simplement que d'autres pays n'employant pas les mêmes modes d'action ont subi des green on blue en 2012, pas nous. D'ailleurs, les Afghans, craignant des green on green par la suite, ne veulent pas abandonner notre coopération dans ce domaine ", observe le général Bosser.
Précision intéressante pour le Sahel : " Nous n'attendrons pas pour nous déployer au Mali, persuadés que les modes d'action auxquels nous avons été confrontés en Afghanistan ne tarderont pas à se manifester sur le territoire malien ou nigérien même s'ils n'appartiennent pas du tout à la culture africaine. C'est précisément pour cela qu'il faut être particulièrement vigilant car ce sont des gens d'ailleurs qui vont venir reproduire des modes d'action porteurs de risques majeurs. "
3. Le conseil en sécurité des entreprises du secteur de l'armement, détentrices d'informations classifiées, est un autre cheval de bataille de la DPSD. " Une petite entreprise de l'est de la France qui fabrique un petit boîtier intégré dans le Rafale a finalement au moins la même importance qu'une entreprise qui construit le char Leclerc ", résume le général Bosser qui a le sens de la comparaison. D'où l'importance des 49 sites délocalisés au contact des entreprises.
4. La DPSD surveille également le commerce licite et illicite de l'armement (préparation des études d'exportation du matériel de guerre et suivi du trafic).
5. Le contre-espionnage garde ses valeurs issues de la guerre froide selon le général Bosser qui cite l'exemple d'un officier français approché par un attaché militaire étranger en poste à Paris lors d'un colloque à l'école militaire (c'est mondain !). " Contrairement à ce qui se passe souvent, il informe le service de cette démarche. Nous lui demandons de jouer le rôle d'un agent double. " L'étranger finit par demander des documents classifiés. Il est expulsé...
6. Les réseaux sociaux concernent également les militaires et les régiments. La DPSD joue là un rôle d'alerte et de prévention. Il est arrivé que des sites ou blogs soient infiltrés. " Informer nos cadres, et surtout nos jeunes, de la dangerosité de ces réseaux est vraiment un de nos soucis majeurs ", appuie le DPSD qui doit vivre avec son temps.
OL. B.
NB : lire le compte-rendu de la commission de la défense de l'Assemblée nationale