09 février 2012 par Pierre-Olivier Rouaud - L'Usine Nouvelle n° 3271
ENQUETE Pour assurer son avenir, l'indien Samtel se diversifie en visant le marché de la défense. Il multiplie les joint-ventures, notamment avec le français Thales pour la production de casques d'avions de chasse et d'hélicoptères.
Parvenir à l'usine Samtel de Ghaziabad, à 30 km à l'est de New Delhi relève de l'épreuve : vous devez affronter des embouteillages indescriptibles mêlant indifféremment tout ce qui peut rouler ou marcher. C'est normal en Inde. Ce qui l'est moins, c'est ce que l'on découvre au rez-de-chaussée chez ce partenaire indien de Thales : des lignes ultra robotisées produisant par milliers... des téléviseurs cathodiques. Vendus quelques dizaines de dollars dans l'Inde profonde (toujours pas convertie aux écrans plats), ils assurent, pour un temps encore, un sérieux fonds de roulement à Samtel, une entreprise à la fois familiale et cotée en Bourse. Pourtant, dans les étages de l'usine ceinturée de palmiers, c'est une tout autre histoire.
Dans de petites salles, des techniciens en blouses et calots s'affairent à monter ou à tester en conditions extrêmes de petits moniteurs high-tech valant des milliers de dollars chacun. Il s'agit d'écrans de contrôle du cockpit des chasseurs russes Sukhoi-30 MKI exploités par l'Indian Air Force. Pour assurer son avenir, Samtel, un groupe d'environ 300 millions de dollars de chiffre d'affaires, s'est en effet résolument lancé sur le marché de la défense. Après que l'État ait ouvert cette industrie aux capitaux privés en 2001, il a créé avec le géant public HAL, en 2006, le premier joint-venture public-privé dans l'avionique militaire. C'est elle qui produit depuis un an les moniteurs des Sukhoi.
Samtel a été plus loin, puisqu'en 2010, il a créé un autre joint-venture avec Thales, l'un des premiers associant un partenaire étranger dans son domaine. Dans le cadre du contrat de retrofit des Mirage 2000, le groupe français doit dépenser en Inde plus de 400 millions d'euros en off-set.
Anticipant ce contrat et cette contrainte, Thales avait en fait cherché des partenaires depuis longtemps et donc choisi Samtel. Leur joint-venture doit produire notamment des casques d'avions de chasse et d'hélicoptères, mais elle ne sera pas pour Thales un partenariat unique : le français discute avec d'autres opérateurs comme Bharat Electronics. Aujourd'hui, la part de Thales dans sa société commune avec Samtel est de 26 %, la limite légale fixée pour les capitaux étrangers. Mais l'État pourrait revoir la loi et autoriser des participations jusqu'à 49 %. Dans ce cas, Thales monterait sans doute à ce niveau. En attendant, grâce notamment aux dispositions dites « buy and make (Indian) » de la réglementation sur les achats de défense (DPP) édictée en 2011, le patron de Samtel est serein. Il vient de déclarer à la presse locale qu'il pensait passer de 9 à 80 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'avionique militaire d'ici à 2016. Et encore, c'était juste avant l'annonce du feu vert au Rafale !