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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 16:30

campagne-de-guerre-electronique-01

 

15-04-2013 Par Vincent Lamigeon – Challenges.fr

 

EXCLUSIF Ankara soupçonne la France de vouloir remettre à l'ordre du jour la pénalisation de la négation du génocide arménien. En jeu : des dizaines de milliards d'euros de commandes.

 

La France pourrait-elle passer à côté de plusieurs milliards d’euros de contrats en Turquie ces prochains mois ? C’est la crainte qui se fait jour dans les milieux industriels français alors que le Parlement pourrait être à nouveau saisi ces prochaines semaines du sujet de la pénalisation de la négation du génocide arménien, qui empoisonne les relations entre Paris et Ankara depuis plus d’une dizaine d’années. "Il y a un risque clair pour les intérêts économiques français, confirme un officiel turc interrogé par Challenges. En cas de nouvelle loi, la signature de contrats dans la défense ou le nucléaire deviendraient clairement impossibles."

 

La France vise notamment un énorme contrat de 17 milliards d’euros pour quatre réacteurs nucléaires à Synop (près la mer Noire), pour lequel Areva et son partenaire japonais MHI seraient en pole position avec le réacteur de moyenne puissance Atmea, avec GDF Suez en possible opérateur. Le consortium franco-italien Eurosam (67% MBDA, 33% Thales) est en lice pour une énorme commande de systèmes anti-aériens, un contrat estimé à 3 milliards d’euros pour lequel son système SAMP/T est opposé à l’américain Raytheon (missiles Patriot) ainsi qu’à des industriels chinois et russes.

 

Une commande de 117 monocouloirs de la famille A320 d’Airbus sera définitivement signée par Turkish Airlines en fin de semaine, mais de gros marchés restent à pourvoir pour le géant européen: en janvier dernier, la ministre française du commerce extérieur Nicole Bricq avait évoqué une possible commande de 150 Airbus, dont des long-courriers A350 et A380.

 

Sarkozy était considéré comme "violemment anti-turc"


L’histoire récente des relations franco-turques est pourtant une suite de tensions diplomatiques. Une loi du 29 janvier 2001 avait marqué la reconnaissance officielle par la France du "génocide arménien" de 1915, à la grande fureur d’Ankara. Après deux mandats Chirac de -relative- détente, la Turquie avait très mal vécu la présidence Sarkozy, marquée par le blocage par la France sur cinq chapitres de négociations pour son adhésion à l’Union européenne, et par une nouvelle loi, déposée fin 2011, réprimant "la contestation de l’existence du génocide arménien".

Le vote de cette loi avait provoqué le rappel de l’ambassadeur de Turquie en France et des mouvements anti-français. "Nous avons toujours considéré Sarkozy comme violemment anti-turc", assure un officiel. Le Conseil constitutionnel avait finalement censuré la loi en février 2012, estimant que le législateur avait porté une "atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication".

 

Depuis, l’affrontement souterrain est terrible entre des associations arméniennes qui appellent François Hollande au respect de sa promesse de campagne de faire voter une nouvelle loi, et la diplomatie turque qui y verrait un point de non-retour pour les relations entre les deux pays. Des officiels turcs interrogés par Challenges craignent notamment que la question revienne dans le cadre de la transposition d’une directive européenne du 6 décembre 2008 sur la "lutte contre le racisme et la xénophobie", qui fournirait un prétexte pour ressusciter la loi censurée par le Conseil constitutionnel. La date du 24 avril, souvent considérée comme le début du génocide arménien, avait même été avancée pour une possible annonce présidentielle, mais celle-ci pourrait être faite plutôt en mai ou en juin.

 

Les Arméniens de France crient au chantage


Ces sujets devraient être évoqués ce mardi matin lors de la rencontre entre le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian et Bûlent Arinç, vice-premier ministre turc. Du côté turc, la menace est claire : "Si un nouveau texte législatif passe, la France sera éliminée de fait des grandes compétitions dans le nucléaire ou la défense, et l’ambassadeur sera très probablement rappelé pour être remplacé par un simple chargé d’affaires", assure un officiel turc.

Chantage ? C’est l’argument des associations arméniennes et de leurs soutiens au Parlement. Des diplomates turcs interrogés par Challenges soulignent que la plupart des pays européens ne disposent pas de lois de pénalisation comparables. Et qu’Ankara était satisfaite de la position initiale de la France sur la transposition de la directive européenne, qui la réduisait aux crimes "établis par une décision définitive rendue par une juridiction internationale", ce qui exclurait de fait le génocide arménien.

 

Du côté des industriels, on confirme les craintes sur les grands contrats, tout en refusant d’entrer dans des considérations politiques. "Ce n’est pas à nous de dire s’il faut une loi ou pas, assure l’un d’entre eux. On signale juste qu’une nouvelle tension aurait des conséquences énormes sur la position de la France dans les négociations actuelles, et donc sur les emplois." Airbus, qui signe en fin de semaine le contrat définitif avec Turkish Airlines pour 117 appareils de la famille A320, apparaît comme un peu plus protégé que les autres, de par son statut d’avionneur franco-allemand. Mais Boeing, très agressif, reste à l’affût : l’avionneur américain a décroché le 9 avril un engagement d’achat pour 70 monocouloirs 737, et propose son jumbo 747-8 contre l’A380 d’Airbus.

 

La Turquie, 4e client de la France


Au-delà du débat entre tenant de la loi et opposants, une certitude: la France a beaucoup à perdre à engager un nouveau bras de fer avec la Turquie. Si l’on exclut l’Union Européenne et la Suisse, Ankara est le quatrième client de la France, avec 6,2 milliards d’euros d’achats, seulement devancé par les Etats-Unis, la Chine et la Russie.

La croissance turque entre 2003 et 2012 a été la plus forte de tous les pays de l’OCDE, avec une moyenne de 5,1% par an, et les projets pour le centenaire de la république turque en 2023 se multiplient: le gouvernement Erdogan vise 10.000 km de voies ferrées grande vitesse, la construction du plus grand aéroport du monde à Istanbul (150 millions de passagers par an), un nouveau tunnel sous le Bosphore et un nouveau pont, 36.500 km de routes… Autant d’arguments que les industriels aimeraient que l’Elysée ait en tête avant de prendre une décision définitive.

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