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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 19:00

http://www.atlantico.fr/sites/default/files/imagecache/Une/maginot.jpg

 

Schoenenbourg, l'un des vestiges de la peu glorieuse

ligne Maginot. Crédit Flickr/CC janebelindasmith

 

26 septembre 2011 par Benoist Bihan* et Joseph Henrotin** - atlantico.fr/

 

Estimé entre 7,5 et 20 milliards d'euros

 

La France doit-elle se doter d'un bouclier antimissile ? Fin 2010, au sommet de Lisbonne, l'Alliance atlantique s'est fixée l'objectif de développer une capacité de défense antimissile assurant la protection des populations, des territoires et des forces des pays européens de l'OTAN. Alors que la prochaine révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale approche, des voix se font entendre quant à l'opportunité de ce peu efficace "bouclier français" au budget dissuasif !

 

La défense antimissile qui se profile est une menace pour la France. On le pressentait depuis la parution en 2008 du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Alors que se profile la prochaine révision de ce document, la France semble s'orienter vers la mise en place d'une défense antimissiles balistique (DAMB) dite "de défense de territoire" (1), au coût estimé entre 7,4 et 10 milliards d'euros dans un récent rapport parlementaire. Cherchant à détruire d'éventuels missiles à longue portée qui viseraient le territoire national, cette défense est distincte de celle dite "de théâtre" dont l'objectif est de protéger les forces en opérations de menaces à plus courte portée.

 

Au travers de cette défense de territoire il s'agirait de nous prémunir d'attaques par des États proliférants, à commencer par l'Iran ; d'éviter que les États-Unis soient les seuls à déployer de tels systèmes en Europe ; et de disposer d'une vitrine technologique. Mais derrière le bon sens et les bénéfices apparents se dissimulent des erreurs fondamentales.

Les USA ont déjà investi plus de 200 milliards de dollars pour leur propre bouclier...

 

Premièrement, le coût de la DAMB de territoire "à la française" est très sous-évalué. Les Etats-Unis, en plus de 40 ans, ont dépensé plus de 200 milliards de dollars pour disposer finalement de 20 missiles dont la probabilité d'intercepter un missile assaillant ne dépasse pas 50%. Déjà élevé, le coût de 10 milliards affiché est probablement très inférieur à la réalité.

 

Deuxièmement, ce financement impliquerait de revoir en profondeur l'ensemble de notre système de défense. La défense française opère déjà sous une forte contrainte budgétaire : des programmes sont réduits, repoussés ou annulés sans cesse depuis plusieurs décennies. Les dépenses supplémentaires nécessaires à une DAMB auraient pour conséquence l'annulation ou le report de multiples programmes.

 

En l'état actuel des budgets, il est d'ores et déjà peu probable que les forces armées reçoivent tout ce dont elles ont besoin pour leurs missions actuelles (hélicoptères, sous-marins, navires de surface, avions, blindés). Ces besoins ayant d'ores et déjà été calculés au plus juste, la DAMB signifierait tout simplement la fin de toute prétention française au titre de puissance d'envergure mondiale. C'est aussi le risque de voir nombre d'industriels mis en difficulté dans l'ensemble des secteurs relatifs à la défense.

 

Un trop bel outil pour contrer l'Iran...

 

Troisièmement, le raisonnement aboutissant à plaider pour le développement de la DAMB de territoire repose sur une incompréhension profonde de son emploi militaire. La première manière de contrer une DAMB est d'essayer de la saturer. Or, au vu de la faible probabilité d'interception - pas plus d'un missile sur deux - des systèmes existants, et du coût très faible des missiles assaillants comparé à celui de leurs intercepteurs, la saturation ne serait pas difficile à obtenir. 

 

En plus du faux sentiment de sécurité que pourrait créer la véritable "ligne Maginot" antimissile qu'est la DAMB, il faudrait en cas de menace sérieuse s'engager dans une course à l'armement qui nous coûterait bien plus cher qu'à l'adversaire. De surcroît, la DAMB par sa simple existence mettrait à terre la doctrine de dissuasion, pourtant bien plus efficace pour protéger la France d'une attaque. Ses fondements sont fréquemment rappelés : toute atteinte au territoire national entraînerait une riposte sans faille, par tous les moyens nécessaires. Or au lieu de donner l'image d'un pays fort, prêt à se défendre, la DAMB renverrait au contraire la perception d'une forteresse déjà assiégée.

 

Sur tous les plans, s'engager dans la voie du développement d'une DAMB de territoire serait engager la France vers l'échec. Outre l'aspect critiquable de la "menace" iranienne - le premier objectif de Téhéran, préserver le régime en place, est quasi-exclusivement défensif -, le véritable défi en terme de défense du territoire ne réside pas dans les missiles à longue portée mais dans l'apparition d'un "tricheur" refusant les risques de la dissuasion et qui enverrait discrètement une charge chimique ou nucléaire, par exemple dans l'un des milliers de conteneurs entrant chaque jour en Europe et contre lequel toute DAMB serait inefficace.

 

Renvoyant au terrorisme, et bien que sa probabilité d’occurrence soit très faible, ce type de menace serait plus efficacement contré par un investissement supplémentaire dans les services de renseignement. Les autres menaces, étatiques ou non, aux frontières nationales et à l'extérieur de celles-ci, nécessitent des forces conventionnelles puissantes, dont nous ne pouvons constater qu'une érosion appelée à se poursuivre au fil des prochaines coupes budgétaires. Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle ligne Maginot encore plus aisément contournable que l'ancienne.

 

(1) Par opposition à la défense dite "de théâtre", militairement utile et destinée à protéger les troupes en opération et dont nous sommes en train de nous équiper. On notera que la confusion entre ces deux formes d'antimissiles est parfois entretenue par les tenants des défenses "de territoire".

 

* Benoist Bihan est rédacteur en chef adjoint de la revue Histoire et Stratégie.

** Joseph Henrotin est rédacteur en chef de la revue DSI (Défense & Sécurité Internationale).

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