Paralysé. Par trois fois, le Conseil de sécurité de l’ONU a déjà repoussé, ces derniers mois, des résolutions visant à aggraver les sanctions contre le régime syrien. Depuis le bombardement à l’arme chimique sur une banlieue de Damas, la tension est encore montée d’un cran, mais n’a pas modifié les positions de la Chine et de la Russie, soutien du régime de Bachar el-Assad. Tout accord pour une intervention militaire semble donc impossible à trouver à l’ONU.
Sans consensus à New York, toute intervention devient alors illégale au regard de la charte des Nations unies. Le texte dispose ainsi "qu’aucun État membre ou groupe d'États n'a le droit d'intervenir directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre État. En conséquence, non seulement l'intervention armée, mais aussi toute autre forme d'ingérence" sont contraires au droit international.
Le précèdent du Kosovo
Cette règle avait pourtant été violée en 1999, par les Etats-Unis et ses alliés lors de l’intervention au Kosovo. Dans une situation presque analogue, face à l’obstruction de la Russie proche de la Serbie, les Etats-Unis et leurs alliés avaient décidé de frapper au Kosovo pour empêcher une "purification ethnique".
A l’époque, la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright jugeait l’intervention "illégale mais légitime". Au département d’Etat, on tentait alors de lister les raisons qui justifient cette intervention, comme le rappelle RFI : "un échec des négociations pour obtenir l’aval du Conseil de sécurité pour un mandat sous chapitre VII, l’imminence d’une crise humanitaire majeure, l’impossibilité pour le Conseil de sécurité de formuler une position claire vis-à-vis de la crise, la menace sérieuse pour la paix et la sécurité dans la région." Autant de critères qui semblent aujourd’hui pouvoir s’appliquer à la situation en Syrie.
Comme le pressentait alors Le Monde (édition abonnés) dans son éditorial daté du 25 mars 1999, cette intervention risquait de faire jurisprudence : "Pour la première fois en cinquante ans d'existence - anniversaire qui sera célébré le 4 avril -, l'Otan entre en guerre contre un pays souverain. Elle le fait sans autorisation explicite de l'ONU. Organisation en principe chargée de la seule défense de ses membres, l'Otan s'apprête à agir contre un pays qui ne la menace pas, pas plus qu'il ne menace ou n'a envahi l'un de ses voisins. La situation n'est, en cela, ni comparable à l'Irak, qui avait agressé le Koweït (en 1991, ndlr), ni à la Bosnie où c'est le gouvernement de Sarajevo qui avait, souverainement, appelé à l'aide. Autant d'éléments qui conduisent à bien mesurer l'événement en cours au regard de l'Histoire du continent : il est exceptionnel et exceptionnellement grave." Pour justifier leur intervention en Irak en 2003 ou en Géorgie en 2008, les Etats-Unis ou la Russie utiliseront ainsi ce précédent.
Pour légitimer une éventuelle action en Syrie, les Occidentaux pourraient également tenter de s’appuyer sur la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), un traité international de désarmement entré en vigueur en 1997. Néanmoins, comme le note l’ancien ministre Pierre Lellouche, interrogé par le JDD.fr :"L'ennui est qu'elle n'a pas été signée par la Syrie. Cela ne veut pas dire que le régime syrien peut faire n'importe quoi, mais est-ce qu'un certain nombre de pays - la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni - peuvent s'arroger le droit de punir un Etat détenteur d'armes chimiques? C'est une question morale et politique très complexe." En réalité, il est pratiquement impossible de donner une base juridique solide à cette intervention. "Sans autorisation (du Conseil de sécurité), cette intervention rejoindrait le cadre de la morale et non celui du droit. Et comment décider alors qu'un crime mérite une intervention et pas un autre ?", affirme Olivier Corten, au site Tf1news, professeur de droit international à l'Université libre de Bruxelles.