20/05/2013 Par Olivier Berger, grand reporter à La Voix du Nord - Défense globale
La France a totalement raté " le rendez-vous des drones ". Ce n'est pas un grincheux habituel mais le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui le répète après sa visite aux Etats-Unis les 17 et 18 mai.
Notre pays s'apprête donc à acheter rapidement deux MQ-9 Reaper Predator (photo US Air Force), un drone MALE (moyenne altitude longue endurance), disons gentiment, plus moderne que les Harfang de l'armée française... Si le Congrès américain donne son aval.
Ce lundi 20 mai, le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, a déploré ce choix...
En mars, le général (2S) de corps aérien Thierry Delahaye nous disait : " En tant qu'utilisateur, je dirais qu'acheter sur étagères, ça marche. si je réfléchis avec un esprit de défense et en tant que français, je pense qu'il vaut mieux développer un projet dans le pays. Ça permet de garder un avantage économique et technologique. " Le cas des drones français ou européens reste donc un échec historique retentissant de la fin du XXe siècle...
Inutile d'épiloguer sur les responsabilités. Les aviateurs se réfugient derrière les manques de crédits ; les industriels derrière le manque de perception de l'engin à l'époque ; les politiques derrière l'absence de vision stratégique. Bref, tout le monde a eu tort sur ce coup-ci.
Cassidian (Barracuda), filiale d'EADS, Dassault aviation (nEUROn) et BAE systems (Taranis) travaillent sur la conception d'un drone français ou plutôt européen. Pour l'instant, la France, qui a réaffirmé l'importance de cet outil dans le dernier Livre blanc de la Défense et de la sécurité nationale, n'a pas d'autres moyens que d'acheter des drones aux Etats-Unis, voire en Israël (avec l'Eitan de Israel Aircraft Industries). Ce sont les deux seuls pays qui en fabriquent. Point à la ligne.
Douze drones dans le Livre blanc
Si le Livre blanc préconise l'acquisition de douze drones de surveillance, la France s'apprête donc à en acheter deux très rapidement (avant la fin de l'année). Les Harfang ont joué leur rôle lors de l'opération Serval mais leur technologie est dépassée. Les Etats-Unis ont donné leur accord pour extraire de la ligne de production du fabricant General Atomics deux exemplaires de MQ-9 Reaper dans une version de surveillance non armée (environ 40 millions d'euros pièce à part accord particulier).
Car ce drone, de 11 m de long et de 20 m d'envergure, qui vole 27 heures jusqu'à 15 000 m d'altitude, peut transporter et tirer des missiles sol-air (voire deux missiles air-air ou deux bombes). L'US Air Force a largement utiliser sa puissance de feu en Afghanistan voire au Pakistan. Le Reaper, qui signifie moissonneur (ou faucheur), ne sera donc pas utilisé au maximum par l'armée française. Et de toute façon pas sur le sol national ou même européen. Ce produit intégralement américain n'est pas habilité à survoler nos contrées. Il devrait donc rejoindre le Sahel, basé à Niamey au Niger comme les Harfang durant l'opération Serval, ou au Tchad.
L'armée américaine compte 104 Reaper et l'US Air Force compte en acheter douze supplémentaires d'ici 2014. Pour l'instant, seuls les armées britanniques et turques possèdent des MQ-9 Reaper.
Le PDG de Dassault déplore
" Nous sommes inquiets. Voir acheter des drones américains sans avoir au même moment un réel lancement de programme européen ou franco-britannique ou franco-allemand, cela ne peut pas nous réjouir ", indique le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, présent au salon de l'aviation d'affaires à Genève : " A l'heure où on nous dit qu'il va falloir faire des efforts, qu'il va y avoir des restrictions sur certains programmes (militaires), on nous dit qu'on ne peut pas aller chercher la technologie (drones de surveillance) chez vous alors qu'elle existe. "
Le PDG de Dassault renvoie le ballon dans le camp du gouvernement. Pour un futur drone européen, " je n'ai pas vu de besoins communs exprimés vers nous (industriels) qui couvrent les besoins allemands, français, britanniques. Cette demande n'existe pas. Si elle existait, il n'y aurait pas de problème pour faire un drone entre les industriels. BAE systems, EADS et Dassault pourraient trouver un terrain d'entente dès lors que les pays auraient émis un besoin commun ".
Beaucoup moins simple qu'un achat sur étagères mais plus porteur pour l'indépendance stratégique, l'industrie, les emplois... Quand on se réveille en retard, il faut courir.
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Voici une vidéo de l'US Air Force présentant le drone MQ-9 Reaper Predator...
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