Le Fokker 100 de DGA-EV au cours de son premier vol. L’appareil n’emporte aucune charge externe. photo DGA EV
30.03.2014 par Frédéric Lert - Aerobuzz.fr
Un Fokker 100 avec des missiles Mica sous la voilure, un pod Reco NG sous le fuselage et une cocarde sur le réacteur : l’Avion Banc d’Essais-Nouvelle Génération dont DGA-EV, ex Centre d’essais en vol (CEV), vient d’être doté, ne passe pas inaperçu...
Depuis bientôt 45 ans, « DGA Essais en Vol » (DGA-EV, ex Centre d’Essais en Vol) utilise une flotte de Mystère XX pour les essais des équipements et des systèmes embarqués des aéronefs militaires. Aux plus belles heures de feu le CEV, la flotte de Mystère comptait pas moins de quatorze avions. Le CEV ne le savait pas à l’époque, mais il était riche et chaque nouveau programme justifiait l’achat de son avion d’essais spécifique. Mais cette flotte est aujourd’hui en voie d’obsolescence. « Dans quatre ou cinq ans, ça va devenir compliqué de faire voler les avions » glisse un interlocuteur de la DGA. D’ores et déjà, l’emploi des Mystère XX est « en chute libre », sachant que les avions ne volaient déjà pas beaucoup quand ils étaient au mieux de leur forme. Entre deux chantiers de modification, 80 heures de vol passées dans le ciel chaque année était considéré comme un bon score pour un avion…
Toutes ces raisons ont poussé la DGA-EV à s’intéresser à la mise au point d’un avion permettant de rationaliser les campagnes d’essais, en offrant des performances en hausse pour faire face aux programmes à venir. Avec comme maitre mots, modularité, polyvalence, puissance électrique embarquée et capacité de refroidissement.
Un des premiers vols avec l’ensemble des charges externes et le nez du Rafale.
photo DGA EV
Le marché est notifié fin 2009 à Sabena Technics, avec pour mission de trouver l’avion adéquat, de le modifier et de le faire certifier par l’EASA. Le tout pour une enveloppe globale de 35 M€. Le porteur est rapidement trouvé : il s’agira d’un Fokker 100 ex Regional (F-GPXL) récemment retiré du service par la filiale d’Air France.
Décollage avec le nez du Rafale mais sans charge externe.
photo DGA EV
« Nous avions regardé dans un premier temps du côté du Falcon 2000 puis du Boeing 737 explique Pierre Terrée, directeur technique pour DGA–EV. Le premier permettait de doubler la charge utile par rapport au Mystère XX, il restait un peu cher et n’offrait pas de progrès suffisant en matière de puissance embarquée et de refroidissement. Le Boeing était un peu trop gros pour nos besoins et trop bas sur roues pour l’accrochage de charges externes ». Les Airbus A320 ne sont pas considérés : dans les spécifications de la DGA, il est alors précisé que des commandes de vol électriques n’étaient pas souhaitables, pour ne pas complexifier le couplage des commandes avec les modifications aérodynamiques dues aux emports externes.
Le Fokker 100 de la DGC à Mérignac, avec la pointe avant Rafale
photo Frédéric Lert / Aerobuzz.fr
« Le Fokker 100 offre un très bon compromis pour nous poursuit Pierre Terrée. L’avion a la bonne taille, il est solide, fiable, conforme à la réglementation aéronautique. Par rapport au Mystère XX, on gagne 5.000 ft en plafond tout en gardant 100% de l’énergie disponible à bord. L’avion vole un peu moins vite, mais on double la charge utile et répond parfaitement à notre spécification : en plus de l’équipage d’essais, des installations fixes et du carburant, il nous offre la possibilité d’emporter 3 tonnes minimum d’équipements, en interne ou en externe, pendant trois heures. Sabena Technics nous garantit par ailleurs la pérennité du soutien logistique pour les vingt ans suivant sa mise en service ».
L’avion est acheté en 2010 et il entre immédiatement en chantier à Dinard. La structure est renforcée pour permettre la création des points d’emport. Toute l’architecture de la pointe avant est également revue : c’est un point essentiel de la modification et une des raisons qui a également fait préférer le Fokker 100 au Boeing 737 : il faut non seulement renforcer la structure pour accrocher un radar lourd en porte à faux, mais également faire passer tous les câblages et le système de refroidissement. La modification de cette pointe avant s’accompagne du déplacement de toutes les antennes s’y trouvant normalement : ILS, VOR, radios etc. Plusieurs autres antennes sont également mises en place (par exemple pour la télémesure) ou prévues (futurs emplacements pour l’IFF ou le MIDS).
Sur la console de droite du Fokker 100 de DGA EV, le minimanche et l’écran permettant de prendre la main sur une charge utile. photo Frédéric Lert / Aerobuzz.fr
Rien n’a été modifié sur la planche de bord du Fooker 100 de Regional
photo Frédéric Lert / Aerobuzz.fr
Le poste de pilotage est laissé inchangé, à une exception près : l’ajout d’un minimanche latéral et d’un écran en place droite, pour permettre le cas échéant à un pilote de prendre la main sur une charge utile. En cabine, le chantier est également colossal : les 90 sièges sont enlevés, remplacés par quatre postes opérateurs et cinq baies d’instrumentation modulaires. En soute, un SMOC (Système de Mise en Œuvre Capteur) fait l’interface entre les capteurs emportés sous l’avion et les baies d’instrumentation. Pour faire dialoguer tout ce petit monde, 2,5 tonnes de câbles (plusieurs centaines de kilomètres au total…) sont installés dans la cabine. « L’avion est câblé dans tous les standards imaginables et l’accent est mis sur la modularité » résume un ingénieur d’essais de DGA-EV.
La cabine du Fokker 100 de DGA EV, avec les kilomètres de cables dans leurs gaines oranges. - Frédéric Lert / Aerobuzz.fr
Le Fokker 100 de DGA EV est équipé de ballasts dans le cadre des vols de certification. - Frédéric Lert / Aerobuzz.fr
Quand il fallait six mois de travaux pour modifier un Mystère entre deux campagnes, quelques heures suffiront à changer la configuration du Fokker. DGA-EV ambitionne de réaliser 150 vols d’essais par an, avec la possibilité de réaliser deux essais distincts à chaque vol. L’ABE-NG serait à même de remplacer à lui seul trois ou quatre Mystère XX.
MICA sous les ailes et Reco NG sous le fuselage du Fokker 100.
Ces emports ne correspondent pas pour l’heure à des programmes précis : ils valident simplement les capacités en masse et en volume des charges accrochables sur le Fokker 100 - photo Frédéric Lert / Aerobuzz.fr
Après un peu plus de trois ans de chantier, l’avion a réalisé son premier vol en décembre 2013. Dix sept autres ont suivi depuis, essentiellement liés au processus de certification EASA. « Nous avons voulu cette certification pour faciliter le processus de validation des performances demandées, mais l’avion continuera à évoluer sous le régime des autorisations de vol, la DGA étant autorité technique » explique Pierre Terrée. Cette certification reprend celle du Fokker 100 en ajoutant un STC propre aux modifications apportées. Une attention particulière a été portée sur le décrochage. Pour l’heure, les décrochages à plat avec l’ensemble des charges externes et le nez Rafale ont été passés en revue. Les décrochages en virage avec différents taux d’entrée et avec les MICA sous les ailes ont aussi donné satisfaction. Le bon fonctionnement des équipements de radio navigation et de communication sera également vérifié dans le cadre de la certification qui consommera au total une cinquantaine de vols.
Placée en soute, l’installation de refroidissement des équipements électroniques du Fokker 100 de DGA EV - Frédéric Lert / Aerobuzz.fr
La DGA-EV prévoit la mise en service de son nouvel avion en janvier 2015. L’ABE-NG évoluera depuis Cazaux ou Istres, et une de ses premières contributions devrait porter sur la mise au point de l’IFF-NG du Rafale. La capacité de refroidissement mise en avant par la DGA devrait également être la bienvenue dans le cadre des évolutions du radar RBE2…
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