26/09/2013 45eNord.ca (AFP)
Israël, en première ligne contre le programme nucléaire de Téhéran, risque de se retrouver isolé dans une communauté internationale réceptive au ton beaucoup plus conciliant adopté par le nouveau président iranien Hassan Rohani, selon des experts.
Lors de sa première grande sortie internationale depuis son élection le 14 juin, le président Rohani a réaffirmé à l’Assemblée générale de l’ONU que son pays n’était «pas une menace», ni pour le monde ni pour la région.
Il a de nouveau assuré que l’Iran entendait utiliser l’énergie nucléaire «à des fins exclusivement pacifiques», et dénoncé les sanctions contre l’Iran, alors que nombre de pays occidentaux et Israël soupçonnent Téhéran de chercher à se doter de l’arme atomique sous couvert de programme nucléaire civil.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui doit s’adresser à l’ONU le 1er octobre, a réagi en dénonçant dans un communiqué un discours «cynique et totalement hypocrite».
Cette intervention «traduit exactement la stratégie iranienne qui consiste à parler et à gagner du temps pour faire progresser ses capacités à se doter d’armes nucléaires», a-t-il affirmé.
Le président iranien a également condamné, dans un entretien avec CNN, «les crimes que les nazis ont commis envers les juifs», prenant le contrepied de son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad qui avait nié le génocide nazi.
L’ambassade d’Israël à Washington s’est moqué mercredi de M. Rohani sur Twitter, le dépeignant en «vendeur à l’international», «défenseur de longue date de la prolifération nucléaire» et «professionnel des relations publiques».
Sur son compte officiel, l’ambassade s’est interrogée sur ce à quoi ressemblerait la page LinkedIn –le réseau social pour les professionnels– du président iranien.
«Depuis mon élection(…) Grâce à une série de déclarations, de tweets, d’opérations de communication et de sourires, j’ai réussi à transformer le régime des ayatollahs, ennemi des droits de l’Homme, en régime modéré, source d’espoir au sein de la communauté internationale» , écrit l’ambassade dans ce CV fictif de M. Rohani.
«La diplomatie du sourire de Rohani a atteint son but et Israël est désormais menacé d’isolement», a estimé mercredi le commentateur politique de la radio publique Chico Menache.
«La dernière fois que Netanyahu était à l’ONU, il était beaucoup plus facile d’argumenter contre l’Iran», souligne le professeur Uzi Rabi, spécialiste de l’Iran à l’université de Tel-Aviv.
»Je ne suis pas sûr que pousser des grands cris soit le meilleur moyen à employer cette fois-ci», ajoute-t-il, soulignant que »Rohani est devenu la star de l’ONU».
L’an dernier, Benjamin Netanyahu s’était livré à un coup médiatique en brandissant pendant son discours devant l’Assemblée générale un graphique sur lequel il avait tracé une ligne rouge que l’Iran ne devait pas franchir dans son programme nucléaire.
«Rohani star de l’ONU»
Selon le quotidien Yédiot Aharonot, le Premier ministre va tenter de «minimiser les différences entre Rohani et Ahmadinejad en soulignant que le président actuel aspire aux mêmes objectifs: détruire Israël et attaquer l’ensemble du monde occidental».
Pour Emily Landau, de l’Institut d’études pour la sécurité nationale de l’Université de Tel-Aviv, l’amertume des responsables israéliens constitue une réaction «naturelle» à l’annonce d’une réunion jeudi à New York sur le nucléaire iranien en présence notamment des chefs de la diplomatie américaine et iranienne.
«Netanyahu ne sera pas présent dans la salle des négociations, c’est pourquoi il essaie de rappeler les réalités aux États-Unis, à savoir qu’il n’y a aucune preuve d’un changement» de la politique nucléaire de l’Iran, ajoute cette chercheuse.
«En Occident, on considère Rohani de façon totalement différente d’Ahmadinejad. Les Occidentaux ont raison mais Rohani n’a présenté aucune proposition concrète sur le nucléaire», explique Raz Zimmt, un chercheur du Centre d’études iraniennes de l’Université de Tel-Aviv.
Selon ces chercheurs, les États-Unis pourraient avoir besoin d’un régime iranien plus coopératif pour des raisons qui ne sont pas toutes liées au programme nucléaire de ce pays.
«Une percée diplomatique avec l’Iran pourrait permettre de mettre terme au désordre qui règne au Moyen-Orient», souligne Uzi Rabi, en ajoutant que l’Iran «profite de la saga syrienne».
Mais Emily Landau relativise l’importance de l’écart entre les positions des Etats-Unis et des Européens d’un côté, et d’Israël de l’autre, en estimant qu’il ne faut pas en faire une «dispute».
La raison de la main tendue de l’Iran est «claire, il s’agit d’une réponse aux sanctions occidentales», précise la chercheuse.