28 mai 2013 Par Sami Boukhelifa - RFI
Le Liban est profondément divisé. Ce mardi 28 mai 2013, trois soldats ont été tués dans l’est du pays. Depuis plusieurs jours, opposants et partisans du régime de Bachar el-Assad s’affrontent violemment. Dimanche, deux roquettes ont explosé dans le sud de Beyrouth, dans un fief du Hezbollah. Le mouvement chiite libanais est officiellement engagé aux côtés de l’armée régulière syrienne.
Le Liban est entraîné malgré lui dans la guerre civile qui fait rage chez son voisin syrien : tirs de roquettes à Beyrouth, violents combats à Tripoli (nord du Liban), le pays du Cèdre est devenu ces derniers mois le front arrière du conflit syrien. Selon le spécialiste Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), le conflit syrien a bel et bien traversé la frontière.
« Les lignes de clivages communautaires qui existent en Syrie se reproduisent partiellement au Liban. De ce point de vue, les affrontements qui ont lieu entre sunnites et chiites depuis plusieurs mois à Tripoli, au Liban, sont l’immédiate expression de la crise syrienne », analyse cet expert.
« Une menace pour le pays tout entier »
Mais dans ce pays, la majorité de la population veut à tout prix éviter de sombrer dans le confessionnalisme. Lors de son discours du samedi 25 mai, Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a certes promis la victoire aux partisans de Bachar el-Assad, mais il a surtout tenu à clarifier la situation avec la communauté sunnite.
Le chef chiite du mouvement de résistance libanais a voulu « rassembler ». Hassan Nasrallah a justifié l'engagement de son parti aux côtés de Damas par une volonté de combattre les groupes radicaux qui sévissent en Syrie et qui pourraient menacer le Liban.
« Ces groupes ne représentent pas seulement un danger pour le Hezbollah ou pour les chiites libanais, ils sont une menace pour le pays tout entier », affirme le chef du Hezbollah qui vise par ses propos les rebelles extrémistes à l’image des combattants du Front al-Nosra. « Ce sont des takfiri, des fondamentalistes prêts à éliminer tous ceux qui ne partagent pas leur point de vue religieux ou politique. Ils considèrent qu’ils ont le droit de tuer, violer ou encore d'accaparer les biens de ceux qui ne partagent pas leur vision. »
Le Liban tiré « dans la mauvaise direction »
Ces propos n’ont apparemment pas convaincu certains membres de la communauté sunnite libanaise. Pour seule réponse, ils ont d’ailleurs tiré deux roquettes contre un quartier du Hezbollah à Beyrouth. Pourtant, selon Didier Billion, chercheur à l’IRIS, il y a une part de vrai dans le discours de Nasrallah.
« Le chef du Hezbollah prétend être le défenseur de la souveraineté libanaise. Ce n’est pas faux, mais on ne peut pas prendre pour argent comptant ses propos, parce qu’il n’est pas le seul garant de la stabilité du Liban », explique le chercheur.
Profondément marqués par leur propre guerre civile (1975-1990), les Libanais connaissent les limites à ne pas franchir, selon François Burgat chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). « Jusqu’à présent, la population et la classe politique libanaise ont fait preuve d’un certain réalisme. Cette sagesse, qui a maintenu le Liban à l’écart de la crise, va peut-être perdurer et sauver le pays d’un nouvel affrontement », espère ce spécialiste.
Pour François Burgat, même si la crise syrienne fait tache d’huile au Liban, il est peu probable qu’elle prenne les mêmes proportions. Toutefois, le chercheur du CNRS ne minimise pas totalement les risques. Il le reconnaît : « Les événements de ces derniers jours tirent le Liban dans la mauvaise direction ».
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