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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 17:55
Livre blanc de la défense : où est la réflexion stratégique ?

07/05 Par Alain Ruello – lesEchos.fr

 

Les banalités recensées tout au long de ces 160 pages laissent perplexe, quand on sait que ce document est censé tracer la nouvelle stratégie de sécurité de la nation pour les quinze années à venir.

 

S’il existait un prix Goncourt des poncifs, il est fort probable que le jury le décernerait à l’unanimité cette année au Livre blanc de la défense. Pour celui qui est prêt à y consacrer le temps nécessaire, sa lecture attentive est édifiante à de nombreux égards : la collection de banalités, de truismes et d’enfoncements de portes ouvertes tout au long des 160 pages laisse pour le moins perplexe venant d’un document qui, doit-on le rappeler, est censé tracer la nouvelle stratégie de sécurité de la nation pour les quinze années à venir.

 

Entre rappels historiques, géographiques et autres définitions qu’on pourrait croire tirées tout droit de Wikipedia, le tout sans aucune illustration, il ressort de ce Livre blanc un sentiment de platitude. Après neuf mois de réflexions, on pouvait espérer un peu plus de profondeur d’analyse, un peu plus de prise de risque. Petite sélection des meilleurs passages que n’aurait pas renié M. de La Palice.

 

Pour ceux qui ne s’en seraient pas rendu compte, on nous rappelle page 11 que « nous vivons dans un monde où le développement des réseaux et la circulation toujours plus intense des personnes, des marchandises, des capitaux et des informations relativisent la notion de frontière ». Au moins, le décor est planté. Un peu plus loin : « Face aux risques et aux menaces, la première condition du succès demeure la volonté déterminée d’y faire face en consentant l’effort nécessaire. » Soit.

 

Un peu de rattrapage scolaire pour continuer : « La France est présente sur tous les océans et sur la plupart des continents, notamment grâce aux outre-mer » ; « L’ouverture de la France au monde est également renforcée par la participation active de notre pays à de nombreuses organisations multilatérales » (liste fournie) ; « Membre fondateur de l’Union européenne, la France appartient à un ensemble de 500 millions de citoyens unis par des valeurs communes de démocratie, de justice et de paix. » Pas faux…

 

Nous voilà arrivés au chapitre II consacré aux « fondements » de la stratégie de défense et de sécurité nationale. Il en ressort (après de longues réflexions ?) que la France entend inscrire «  ses actions dans une légitimité nationale et internationale ». Le lecteur est rassuré. Enfonçons le clou pour les sceptiques : « Comme les autres membres de l’Union européenne, la France estime qu’un ordre international fondé sur le droit plutôt que sur la force est une condition essentielle de la sécurité internationale. » C’est dit.

 

Plongeons à présent dans l’état du monde pour y lire qu’une « crise majeure en Asie aurait des conséquences économiques, commerciales et financières très sérieuses pour l’Europe ». Petit rappel historique au passage : « La péninsule coréenne reste divisée par l’une des dernières frontières issues de la guerre froide. » Plus près de chez nous, avec d’importantes élections en vue, « l’Afghanistan s’apprête à vivre une période charnière de son histoire ». Ce que les talibans, on l’imagine, doivent se répéter tous les jours…

 

Le meilleur peut-être : « Une épidémie peut devenir pandémie si elle n’est pas enrayée dès l’origine. » A méditer ! A moins que ce ne soit cette sentence imparable sur la mondialisation : « C’est un accélérateur et un amplificateur, pour le meilleur comme pour le pire. » Ou celle-ci : « Une catastrophe naturelle ou technologique peut provoquer un dysfonctionnement grave des structures publiques et privées, voire un grand nombre de victimes, les blessés nécessitant des soins parfois très spécialisés, notamment en cas d’atteinte par des produits chimiques ou des radiations nucléaires. »

 

Trois autres perles pour finir : « L’Union européenne est désormais dans une situation de voisinage avec la Russie » ; « Un conflit dans le golfe arabo-persique pourrait avoir des répercussions graves et variées » ; « Notre capacité à mettre en œuvre nos accords en coordination étroite avec nos alliés est indispensable. » Quant au chapitre sur l’industrie, la concentration de déclarations d’intention est impossible à résumer, faute de place.

 

Dire qu’il a fallu une commission en grande pompe, nommée par décret de la République, pour aboutir à cela : des parlementaires, des hauts fonctionnaires, la fine fleur de l’armée française, des personnalités « qualifiées », deux étrangers « embedded », le tout sous la baguette d’un conseiller maître à la Cour des comptes. Conseil à ceux qui ne l’auraient pas encore lu   se limiter à la « conclusion récapitulative » (pages 133 à 140).

 

Soyons juste, le Livre blanc 2008 préfacé par Nicolas Sarkozy incorporait aussi son lot de banalités. A sa décharge, c’était le premier depuis 1994 : la nécessité de dépoussiérer la stratégie de sécurité nationale imposait d’en passer par là. Mais, avec celui qui vient d’être rendu public, on sombre dans le consensus mou. A tel point que la partie « utile » se limite aux priorités stratégiques (quasi inchangées), mais surtout au budget et à ce qui en découle : le format de l’armée. Et pour cause, puisque le fait majeur depuis 2008, c’est la crise de l’endettement qui impose un nouveau déclassement de la Grande Muette.

 

Plutôt qu’un nouveau Livre blanc, il eût sans doute été plus utile de se contenter d’une actualisation du contexte géostratégique en quelques semaines, pour attaquer plus tôt la préparation de la loi de programmation militaire, dont tout va dépendre en fait.

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