09.09.2013 Par Alain Ruello – LesEchos.fr
L'examen de la loi vient de démarrer au Parlement. Les petites entreprises du secteur souffrent déjà des gels des crédits.
Alors que le Parlement démarre l'examen de la loi de programmation militaire, les PME et les ETI de défense constatent depuis plusieurs mois déjà que l'argent se fait rare. Entre annulations brutales de contrats, réduction des cadences, et menaces sur des crédits de recherche, les témoignages se multiplient qui montrent que la rigueur s'est abattue sur le ministère. « La situation est préoccupante », s'alarme Thierry Gaiffe, président de la commission défense du Comité Richelieu, qui fédère des entreprises innovantes.
Bertin technologies en sait quelque chose. Ses prises de commandes auprès de la DGA ont fondu comme neige au soleil : elles sont passées en un an de 17 à 3 millions d'euros. Le programme Syfral de ponts de franchissement a été renvoyé aux calendes grecques. Etant donné son expertise sur le sujet, l'entreprise avait de grandes chances de remporter l'appel d'offres. Au-delà de la perte potentielle de chiffre d'affaires, au moins 100 millions d'euros, c'est celle du savoir faire de ses ingénieurs qui préoccupe le PDG, Philippe Demigné. Entre 50 et 80 personnes sont concernées.
La PME nourrit aussi des inquiétudes sur l'avenir d'un programme de détection biologique, dont le lancement, toujours selon son dirigeant, permettrait de consolider la filière industrielle française dans ce domaine très pointu. Même la dissuasion est touchée puisque des crédits prévus pour le laser Mégajoule sont étalés. Pour la société, filiale du groupe Cnim, le remède passe par l'exportation ou des nouveaux débouchés, dans l'énergie particulièrement. Mais tout cela prend du temps.
Pessimisme ambiant
Même échappatoire pour Sofradir, une PME de 180 millions d'euros, leader mondial des technologies de détection infrarouge. Le ralentissement, Philippe Bensussan l'a constaté aux Etats-Unis depuis quelque temps. Il a donc eu le temps de réagir, d'autant qu'en France, l'impact des baisses des commandes militaires ne se fera véritablement sentir qu'à compter de l'année prochaine. Ce sera probablement le cas dans le domaine de l'alerte avancée, craint-il : au lieu d'une commande ferme de plusieurs millions, la PME s'attend désormais à plusieurs tranches conditionnelles. Au mieux.
« Ce n'est pas facile et il faut s'adapter », confie Philippe Bensussan aux « Echos ». Dans le cas de Sofradir, cela passe notamment par le développement de détecteurs refroidis à bas coût pour des caméras de moyen de gamme. La PME mise également sur l'automobile, la domotique et peut encore compter sur le dynamisme du marché des satellites d'observation.
Sous couvert d'anonymat, le PDG d'une autre PME de défense, en passe de perdre un quart de ses revenus, confirme le pessimisme ambiant. La DGA lui a signifié l'arrêt du jour au lendemain d'un contrat pluriannuel de casques qui rapportait 3 à 4 millions par an. Et ce n'est pas fini. Craignant d'importantes réductions de volumes sur un grand programme en cours d'équipements du fantassin, un des grands fournisseurs de l'armée a demandé à cette PME d'estimer l'impact d'une baisse. Histoire de mieux défendre sa cause auprès du ministère…