05/09/2013 Flora Cantin - Actualités
Formateur à l’école de l’Alat depuis dix-huit ans, le lieutenant Marc Le Bris est le champion incontesté du vol opérationnel sous jumelles de vision nocturne. À son palmarès : plus de 3 300 heures dans cette spécialité.
Marco est au vol de nuit sous jumelles de vision nocturne (JVN) ce que Clint Eastwood est au cinéma américain : une star incontournable. Marco, comme l’appellent ses collègues, c’est le lieutenant Marc Le Bris, moniteur à l’École de l’aviation légère de l’armée de Terre (Ealat). À 48 ans, dont trente ans de service, il forme les pilotes au vol de nuit opérationnel (combat et sauvetage) sous JVN, savoir-faire propre à l’Alat. Marc découvre le plaisir du pilotage à 8 ans : « Mon oncle, qui m'installait à la place du pilote dans son petit avion, me faisait rêver en me parlant de l’Alat et j’ai passé les tests dès que j’ai pu. » Il intègre donc l’école nationale des sous-officiers de Saint-Maixent en 1983 et se spécialise dans le pilotage de l’hélicoptère Puma avant de rejoindre le 1er régiment d’hélicoptères de combat, à Phalsbourg. « Avec ce régiment, j’ai participé à ma première opération extérieure, au Tchad, en 1986. Nous devions récupérer des soldats tchadiens blessés au combat. Cette expérience m’a marqué. Je me suis senti utile », se souvient Le Bris. Le pilote enchaîne sur des missions en Centrafrique, dans le golfe Persique – il participe notamment à la guerre du Golfe –, en Nouvelle-Calédonie et sur les porte-avions Foch et Clémenceau. En 1992, il vit sa première expérience d’instructeur JVN à l’Ealat, au Luc-en-Provence. Sept ans plus tard, il s’envole pour le détachement de l’Alat de Djibouti comme chef de bord Puma. En 2001, devenu moniteur, il retrouve la brigade JVN. Qualifié au pilotage des hélicoptères Gazelle, Fennec et Puma, le lieutenant Le Bris affiche 6 800 heures de vol à son actif quand la plupart des pilotes terminent leur carrière avec une moyenne de 4 000 heures.
Sa particularité ? Avec 3 500 heures de nuit dont 3 300 sous JVN, il détient le record mondial du vol opérationnel sous JVN depuis des années. « Ce vol est particulier : il est plus technique, plus précis. L’attention doit être plus soutenue. L’atmosphère est aussi plus calme que le jour. À travers les JVN, nous voyons le monde en vert, c’est magique ! » explique-t-il. Pour se détendre, il délaisse parfois les airs pour la mer : « En plongée, je retrouve la technicité, l’attention, l’adrénaline. C’est un monde aussi calme et magique que celui de la nuit. Pour moi, la terre est un trait d’union entre ces deux univers. »
Dans une salle de cours de l’Ealat, qui fête ses 50 ans cette année, il décrit à trois pilotes stagiaires les particularités du vol sous JVN : « Avec 2,5 kilos sur la tête, le poids du casque et des jumelles, vous avez mal au dos. Le champ de vision est limité à 40 degrés. L’image n’a aucun relief, l’appréciation des distances est faussée, vos yeux n’arrêtent pas de balayer le paysage. Comme vous ne pouvez pas voir net à moins de 7 mètres, votre camarade à côté de vous est flou. C’est déstabilisant ! Il faut une grande concentration, cela demande beaucoup d’énergie. Pourtant, il faut maintenir une synergie dans l’équipage. C’est une question de sécurité. » Pour le lieutenant Toutain, chef de la brigade JVN, Marco est « très pédagogue et connaît toutes les subtilités des différents vols ». « Malgré sa stature, il reste accessible », commentent les lieutenants Megard et Rastouil, pilotes stagiaires.
Le soleil se couche. Il est 21 heures. Sur la piste, face au massif des Maures, trois Gazelle se mettent en route. Le bruit des rotors s’intensifie : des stagiaires vont décoller pour un exercice de vol de nuit en patrouille. Marc Le Bris est à leurs côtés. Alors que l’aéronef quitte le tarmac, le colonel Doutaud, chef de corps de la base école Général Lejay, témoigne : « Il a fallu plusieurs décennies pour que nos équipages sachent manœuvrer et combattre, en formation, de jour comme de nuit. Grâce à des hommes comme le lieutenant Le Bris, qui a formé des générations de pilotes, l’Alat maîtrise les savoir-faire particuliers du combat de nuit. Ce genre de vol est particulièrement éprouvant. En moyenne, les formateurs restent quatre ans dans la brigade JVN. Lui est là depuis dix-huit ans ! » La majorité des pilotes engagés en Afghanistan, en Libye et au Mali est assurément passée entre les mains du lieutenant Le Bris.
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