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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 10:55
MQ-9 Reaper flies above Creech AFB - photo USAF

MQ-9 Reaper flies above Creech AFB - photo USAF

05/06 Alain Ruello, Chef adjoint du service Industrie, en charge de la Défense – LesEchos.fr

 

L'achat programmé de deux drones de renseignement américains condamne très probablement l'émergence d'une filière européenne autonome en ce domaine.

 

Le très médiatique feuilleton des drones de renseignement devrait connaître dans quelques mois son épilogue : la France va acheter deux Reaper, fabriqués par l'américain General Atomics, dans le cadre de la procédure Foreign Military Sales, qui régit les ventes d'armements américains de gouvernement à gouvernement. Si tout se déroule comme prévu, les militaires disposeront d'ici à la fin de l'année de deux aéronefs sans pilote modernes pour aller traquer les djihadistes dans le Sahara. La relève des obsolètes Harfang d'EADS sera assurée.

 

Dans une récente tribune, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, a pu avec raison se féliciter d'une décision qui va permettre à l'armée française de combler un manque patent (« Les Echos » du 31 mai). « Les drones défraient la chronique depuis plusieurs années. Malgré des préconisations répétées depuis 1999, leur poids dans les investissements […] est resté limité. » Avant d'ajouter, toujours à juste titre, que « l'ensemble de la communauté de défense, le ministère autant que l'industrie, a manqué le virage de ce type d'équipement. Et ce qui est vrai en France l'est aussi en Europe ». « Nous ne pouvons plus attendre », résume-t-il.

 

Pour dire les choses autrement : l'industrie européenne n'ayant rien à proposer et les drones - « pièces maîtresses du renseignement » - étant désormais incontournables en opération, la seule solution est de se fournir à l'étranger. Et ce qui se fait de mieux à l'étranger, c'est aux Etats-Unis qu'on le trouve, même si la France poursuit des négociations parallèles avec Israël, l'autre pays en pointe sur le sujet, pour un éventuel plan B.

 

Naturellement, la première question qui vient à l'esprit de ceux qui ne sont pas familiers avec le dossier est de savoir comment on a pu en arriver à un tel désastre au pays du Rafale. Plusieurs explications peuvent être avancées : des pays - France et Allemagne - incapables d'accorder leurs violons ; des industriels - EADS et Dassault - qui se détestent même pas cordialement ; des politiques qui ont laissé pourrir le dossier depuis dix ans. Vient la deuxième interrogation, la plus importante car regarder dans le rétroviseur ne sert pas à grand-chose : acheter américain condamne-t-il l'émergence d'une filière de drone de renseignement européenne autonome ? Et là, n'en déplaise à tous ceux qui veulent encore y croire, la réponse est très probablement oui.

 

Le Livre blanc de la défense a fixé à 12 le nombre de drones de renseignement de l'armée à terme. Urgence oblige, les deux premiers seront donc des Reaper identiques à ceux produits pour le Pentagone. Pour les dix suivants, la piste engagée - la plus logique parce qu'il n'y a rien de plus coûteux que de multiplier les fournisseurs - c'est de continuer à se fournir chez General Atomics. Mais en intégrant des équipements français, pour faire en sorte, notamment, que les drones puissent voler en Europe.

 

La Direction générale de l'armement (DGA) doit vérifier avec les Etats-Unis la faisabilité technique et commerciale de tout cela. Ce qui va demander du temps. L'armée passera alors commande et les livraisons des Reaper « francisés » s'étaleront jusqu'en 2018 au moins. Comme ils resteront en service dix voire quinze ans, la conclusion est évidente : General Atomics a un très bel avenir en France.

 

Dans sa tribune, Jean-Yves Le Drian n'entre pas dans ces détails, de peur sans doute de jeter de l'huile sur le feu dans le camp des opposants au « buy american ». Officiellement, l'achat de drones américains fait figure de solution « provisoire ». On connaît la chanson : étant donné l'échelle de temps des programmes d'armement, provisoire veut souvent dire définitif. Impossible pour le ministre de la Défense de le reconnaître, car ce n'est pas politiquement correct. Au contraire, l'intéressé ressasse la piste d'une coopération européenne pour, dit-il, « ne pas faire obstacle à l'avenir ». L'Europe peut rattraper son retard si elle s'unit pour concevoir le drone de la génération d'après. Qui peut y croire ?

 

Pour cela, il faut que les armées de deux pays européens majeurs au moins définissent un besoin commun. Ca n'a pas marché jusque-là. Que s'opère ensuite un partage industriel intelligent pour éviter une catastrophe industrielle du type A400M. Pas gagné non plus vu les relations entre les impétrants. Petit détail qui compte : il n'y a absolument pas d'argent ni en France, ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni, et encore moins en Italie, pour lancer un tel programme, forcément coûteux. Et puis, qui peut penser que General Atomics va rester les bras croisés ? Pendant que les Européens en sont encore à se demander comment ils pourraient éventuellement se mettre d'accord, les ingénieurs américains imaginent déjà la suite…

 

Mais surtout, à quoi bon ? Quand bien même un programme serait lancé, on ne dépassera pas les 30 exemplaires produits. Tout le monde le sait, mais personne ne le dit : il n'y a pas de modèle économique valable pour un drone européen de renseignement concurrentiel à l'export. Contrairement aux missiles ou aux avions de combat, ce n'est pas structurant pour l'industrie européenne d'armement. Trop tard. Trop cher. Trop peu de débouchés.

 

Dans cette affaire, Jean-Yves Le Drian agit de manière responsable, le besoin des militaires primant tout. Mais il agit aussi en politique. En agitant la piste d'une coopération, il montre qu'il se soucie du long terme. Tout en sachant très bien que ce futur drone européen n'est pas près de décoller…

Les points à retenir

Le Livre blanc de la défense a fixé à 12 le nombre de drones de renseignement de l'armée, à terme.

Faute de solution européenne, les deux premiers seront des Reaper identiques à ceux produits pour le Pentagone.

Pour les dix suivants, la piste engagée - la plus logique car il n'y a rien de plus coûteux que de multiplier les fournisseurs - est de continuer à se fournir chez l'américain General Atomics.

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