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10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 11:55
Quand la stratégie militaire dessine l'entreprise de demain

10/07 de Charles-Edouard Bouée - Les Echos

 

Comme nos Etats modernes, les entreprises vivent dans un monde volatil, incertain, complexe et ambigu. Qui les oblige à diminuer leur « empreinte industrielle » et à se montrer toujours plus réactives.

 

Partout des signes indiquent que les années 2020 vont apporter des changements considérables dans la façon dont agissent, s'organisent et se gèrent les entreprises. C'est un gigantesque glissement de terrain qui se prépare, alimenté par les « cybereconomics ». La déferlante à venir de l'automatisation et de la robotisation, la transformation progressive des grandes entreprises en de vastes réseaux, en partie fondés sur des alliances industrielles et technologiques (comme le montre le récent accord entre EADS et Siemens sur la propulsion électrique dans l'aviation civile), ne sont encore que des signes avant-coureurs. Mais ils indiquent bien que nous allons nous projeter dans les années qui viennent dans un monde nouveau.

 

Comment le caractériser et surtout comment l'aborder ? Les stratèges américains (l'histoire montre que les militaires ont souvent compris avant tout le monde les évolutions du monde) ont trouvé un acronyme pour qualifier le monde dans lequel nous entrons : Vica, pour « volatil, incertain, complexe et ambigu ». Pour répondre à ce nouvel environnement, la première armée du monde par la puissance de feu et les technologies déployées a mis au point un concept tout à fait nouveau, adapté aux guerres asymétriques auxquelles elle est confrontée, et qui repose sur la notion de « light footprint strategy », qui a été largement documentée par les experts militaires. Cette nouvelle doctrine de défense se base sur l'utilisation de trois armes essentielles : les drones, les forces spéciales et les cyberattaques. La stratégie du « light footprint » permet d'augmenter l'agilité, la rapidité de mouvement, la capacité de réaction grâce à la « légèreté », à la réactivité et à la rapidité des moyens mis en oeuvre ; tout le contraire de la guerre d'hier, reposant sur l'utilisation de moyens lourds (chars d'assaut, bombardiers…) et de nombreuses troupes au sol. En y réfléchissant, ce concept peut fort bien s'adapter aux entreprises qui, elles aussi, vivent dans un monde volatil, incertain, complexe et ambigu…

 

Les drones. Les robots sont les drones de l'industrie. Jack Welch, l'ancien patron de General Electric, avait coutume de dire, dans les années 1980, que les entreprises devaient choisir entre « s'automatiser, émigrer ou disparaître » (« automate, emigrate or evaporate »). Nous sommes aujourd'hui à un tournant, dans lequel la délocalisation, qui a été l'un des sujets essentiels de la globalisation de l'économie, va progressivement faire place à l'automatisation et à la robotisation, ce qui réduit le choix de l'entreprise à une seule alternative : « automate or evaporate ». Les entreprises chinoises l'ont fort bien compris, qui commencent à se robotiser, à l'exemple de Foxconn, sous-traitant d'Apple, qui va équiper ses usines de 1 million de robots. Les entreprises qui mettront en oeuvre cette robotisation de façon intelligente gagneront en flexibilité, offriront à leurs salariés des tâches plus élaborées et diminueront leur « empreinte industrielle ».

 

Le cyberespace. Il n'est évidemment pas question de conseiller aux entreprises de se faire la guerre par virus informatiques interposés. Mais le cyberespace est désormais un acteur essentiel de la performance. L'enjeu est l'utilisation de l'information, ou plutôt sa transformation en une arme de guerre. Qu'il s'agisse de « big data-analytics » ou de « smart data », la capacité de l'entreprise à extraire de l'intelligence à partir de ces données lui permettra d'anticiper, de « prévoir » le comportement des consommateurs et de leur apporter le produit, le service, le conseil le plus approprié. 99 % des informations sont disponibles dans le cyberespace…

 

Les forces spéciales. Les forces spéciales sont l'expression de ce que peut produire sur le terrain un petit groupe d'individus excellemment entraînés, motivés, solidaires, autonomes, connaissant avec précision la tâche qui incombe à chacun d'eux. Demain, l'entreprise fortement robotisée dépendra davantage de petites équipes, disposant des savoir-faire nécessaires, autonomes dans leurs décisions, motivées collectivement et engagées dans un processus permanent d'amélioration de leurs compétences. L'ère des grands bataillons de salariés organisés en matrices arrive à son terme et sera progressivement remplacée par des petites équipes bien formées, bien équipées, agiles et flexibles, bénéficiant d'une large autonomie d'action et de décision, et en interaction constante les unes avec les autres et avec l'organisation centrale. Le pendant du recours aux forces spéciales est la centralisation de la décision stratégique. C'est Barack Obama lui-même qui était en relation constante avec le commando qui attaquait la résidence de Ben Laden au Pakistan…

 

Charles-Edouard Bouée est membre du comité exécutif du cabinet Roland Berger.

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